Titre
Le titre Principes constitutifs a été préféré à « Charte ». Le terme « principe » signifie : ce qui vient en premier.
Les Principes constitutifs sont donc la base de référence de l’EERV.
Commentaire article 1
L’Église évangélique réformée du canton de Vaud a pour seule autorité Jésus-Christ, le Fils de Dieu. Avec la Bible, elle le reconnaît comme Sauveur et Seigneur de l’humanité et du monde. L’Église trouve en Lui son fondement et son sens.
Le terme « autorité » – plus moderne et tout aussi fort – a remplacé le « maître » des anciens Principes.
Les titres attribués à Jésus-Christ ont été simplifiés en un seul terme fort «le Fils de Dieu».
L’ordre « Sauveur » puis « Seigneur » n’est pas anodin. Les Principes disent d’abord la grâce de Dieu par laquelle l’être humain est sauvé avant de faire de Jésus le Seigneur à qui sont rendus honneur et gloire.
L’œuvre du Christ s’adresse à toute la Création, d’où la mention de «l’humanité et du monde».
Le Christ, enfin, est le fondement à la fois historique et spirituel, la fondation sur laquelle se construit l’Église. Sans Lui, l’Église, mais aussi nos actions, perdent leur sens et ne s’inscrivent plus dans la perspective d’espérance qu’il a ouverte.
Ces Principes constitutifs appellent ainsi à ne pas s’écarter de la source de notre foi.
Article 2
A la lumière du Saint-Esprit, elle cherche à discerner dans les Écritures la Parole de Dieu. Elle proclame le salut par grâce accueilli dans la foi. Avec les Églises de la Réforme, elle affirme que la Bible doit toujours être interprétée et soumet cette interprétation à la Bible elle-même.
Quatre éléments constitutifs de l’enseignement et de la vie de notre Église sont affirmés ici :
- Les Écritures ne sont pas en elles-mêmes la Parole de Dieu.
- Ce que Dieu fait et dit pour son peuple – ce qui devient Parole pour lui – doit être recherché dans les Écritures, en demandant la lumière du Saint-Esprit.
- Les transformations de la société et les défis qu’elle adresse aux croyants font que cette recherche est toujours à reprendre, dans la Bible et à partir des critères qu’elle contient, au risque d’une interprétation évolutive et contingente.
- Le salut de Dieu, offert gratuitement par lui, agit dès lors qu’il est accueilli dans l’obéissance de la foi.
C’est ce que notre Église, s’appuyant sur l’enseignement des Réformateurs, confesse et pratique de concert avec toutes les Églises issues de la Réforme.
Il est important de différencier les termes Écritures, Parole de Dieu, Bible, pour que chacun soit à sa meilleure place dans la dynamique d’une Parole que Dieu adresse à tout homme :
- Les Écritures (au pluriel) témoignent de la réponse qu’un peuple, des hommes et des femmes divers ont donnée à des faits ou des injonctions reconnues comme venant d’un Dieu unique.
- Ces faits parlants, ces injonctions et encouragements prophétiques sont devenus Parole de Dieu donneuse de vie pour ces témoins. L’Esprit saint les propose à notre foi, ainsi que la réponse des témoins, afin qu’ils deviennent Parole de Dieu, c’est à dire Vie et force de vivre, également pour nous.
- La Bible est le livre qui rassemble, contient, encadre et nous propose ces témoignages. Comme tel, il peut être édité sous différentes formes, étudié et interprété en vue d’un agir toujours plus fidèle au Souffle créateur et guérisseur de l’Esprit du Père et du Fils sur le monde.
Il importait aussi de placer cet article sur la Parole de Dieu telle qu’elle résonne pour les chrétiens réformés dans les Écritures bien en tête des Principes, justes après le Christ, seule autorité pour l’Église – le message après le souverain Messager.
Article 3
Elle est communauté de prière, de partage et d’espérance rassemblée autour du Christ par la proclamation de la Parole et la célébration des sacrements. Elle reconnaît le baptême célébré une fois pour toutes et à tout âge. Elle accueille à la cène tous les baptisés. Cette phrase définit positivement et théologiquement l’Église (Actes 2, 42; Apocalypse 1, 9).
Cet article mentionne ensemble les deux sacrements en usage dans les Églises issues de la Réforme.
Lorsqu’une personne prend régulièrement la cène sans avoir reçu (et accepté ?) le baptême, il paraîtrait bon, sur le plan communautaire, d’entrer en contact avec elle et de la préparer à faire ce pas, alors qu’elle a accepté l’accueil de Dieu, en participant au repas du Seigneur.
La notion du baptême reçu une fois pour toute indique que l’EERV s’oppose à tout rebaptême, entre autre d’un adulte qui, l’ayant reçu petit sans avoir pu en être conscient, demanderait à être baptisé une seconde fois.
Enfin indiquer que l’on reçoit à la cène tous les baptisés est important ; l’EERV accueille à la table du Seigneur des chrétiens d’autres confessions.
Commentaire article 4
Article 4
Selon la Constitution cantonale et la Loi ecclésiastique, qui respectent sa liberté spirituelle et garantissent sa liberté d’organisation, elle est reconnue par l’État comme une institution de droit public. Elle collabore au bien de tous.
Il importe de marquer la préséance : la Constitution, matrice de toute loi, a permis au Législateur de créer une Loi ecclésiastique. Cette même Constitution, qui garantit la liberté de conscience et de culte, assure à l’Église la liberté dont elle a besoin pour agir selon sa conscience chrétienne.
C’est ainsi que l’Etat reconnaît l’Église comme distincte de lui, mais associée dans la poursuite de sa mission primordiale : le bien de tous – le Bien (référence à Romains 13, spécialement le v. 4) et celui de toute personne habitant sur le territoire du canton de Vaud.
Les anciens Principes constitutifs disaient en leur article 2 : « Elle annonce l’Évangile au peuple vaudois tout entier. […]
Elle est unie à l’État pour collaborer avec lui au bien du pays. […]»
La formulation actuelle elle collabore, explicite que l’EERV agit en liens avec d’autres acteurs ; elle désigne donc à l’Église un domaine de collaborations non exclusivement réservé à l’État, dans lequel elle est active avec d’autres familles spirituelles, institutions, organismes ou associations.
Article 5
Elle reçoit du Christ la mission de témoigner de l’Évangile en paroles et en actes.
Elle accomplit cette mission dans le canton de Vaud, auprès de tous et sans discrimination.
Témoigner de l’Évangile
Là où les anciens Principes parlaient d’annoncer l’Évangile – le verbe annoncer se référant plus explicitement à une fonction « magistérielle » enseignante – la formulation actuelle met l’accent sur la vie de l’Église, ce qui se passe au quotidien de tous ses lieux :
- on y partage la foi, l’espérance et l’amour (plus qu’on ne les enseigne !) avec les enfants, les jeunes et les adultes;
- on prend position en faveur des plus pauvres;
- on initie ou participe à des projets en vue d’une plus grande cohésion sociale ;
Toutes ces actions sont entreprises en écho à l’événement de vie nouvelle que le Christ suscite dans le cœur des croyants et au cœur des communautés.
En un mot, nous sommes témoins du Christ qui vit en nous.
Et ce qui vit en nous est si prenant que la seule parole ne suffit pas : il faut encore qu’elle soit relayée par des actes – symboliques et créateurs de sens ou créatifs suscitant de l’événement – dans la précarité de tout témoignage humain.
Sera-t-il reçu ou non ? L’essentiel est qu’il soit livré.
Cette mission dans le canton de Vaud
• Mission de témoigner… Ces deux termes se multiplient l’un l’autre !
L’effet de ces actions ne peut rester confiné au seul territoire du canton de Vaud ; mais leur point de départ sont les lieux d’Église de ce canton et c’est à sa population tout entière qu’elles s’adressent.
Par cette rédaction, le texte marque que c’est dans le canton de Vaud que cette mission de l’Église universelle s’exerce.
• Il ajoute immédiatement la notion forte « auprès de tous et sans discrimination » qui évite toute ambiguïté et reprend à frais nouveaux l’expression « au peuple vaudois tout entier » des anciens Principes.
Qui plus est : c’est par protestation que nous disons « sans discrimination », en réaction au constat que la société éprouve de moins en moins de scrupules à laisser croître et même encourager les discriminations.
Article 6
Elle reconnaît que tous les baptisés sont responsables de cette mission selon la vocation et les charismes reçus de Dieu.
Si les § 1-4 des Principes définissent la nature (théologique et institutionnelle) de l’EERV, les § 5 à 8 définissent quelle est la mission de l’EERV, ce pour quoi elle est faite, à quoi elle sert. Après la définition du § 5, général, on reconnaît d’abord que la mission de l’Église est collective. Elle est d’abord le fait « des membres du peuple de Dieu » (pour reprendre l’expression de Paul dans Ephésiens 4,12). Cette mission est donnée corporativement à tous ceux qui se réclament du Christ.
Elle n’est par conséquent jamais réalisée entièrement lorsqu’on la confie seulement à des ministres, à des spécialistes, à des professionnels, à des communicateurs, à une Commission ou à un Service spécialisé. La mission de l’Église n’est pas non plus réalisée correctement lorsque les ministres tendent à accaparer cette mission (volontairement, ou non, avec la bénédiction de l’institution ou de leurs paroissiens, ou non !).
Si l’EERV doit reconnaître ce principe, c’est peut-être qu’elle l’avait quelque peu oublié (comme on a oublié parfois une personne pourtant connue, et il faut quelques secondes pour la reconnaître après un petit travail mental !) La situation d’où vient l’EERV a en effet été celle d’une grande intégration de l’Église dans la société, avec une transmission des valeurs par le biais de l’éducation, de l’école et des familles. Aujourd’hui, le contexte de société ayant profondément changé, la nécessité de trouver une autre stratégie de transmission et de communication, plus « missionnaire », se fait sentir : on prend conscience peu à peu de la nécessité de proposer un discours plus aiguisé, plus apologétique.
Le principe évoque ici les baptisés plutôt que les croyants (terme plus vague : chacun se dit volontiers croyant aujourd’hui… mais à quoi croit-on ?); ou que les fidèles (terme décidément un peu désuet, et qui sonne plus ou moins comme « dernier carré des résistants »); ou que pratiquants, terme piégé s’il en est; ou que chrétiens, beau terme en soi, mais qui sonne souvent comme « occidental », ou « euro-américain » dans notre contexte de mondialisation généralisée…
Baptisés est un terme qui a l’avantage de mettre au centre le croyant et son lien au Christ, son adhésion au christianisme, adhésion à la fois formelle et sacramentelle, quasi matérielle, mais également christocentrique et communautaire, ainsi que symbolique et confessante, à la lumière de la grâce première de Dieu. De plus, le terme même indique en sous-main que nous partageons cette mission avec d’autres Églises qui elles aussi baptisent, et reconnaissent notre baptême comme nous reconnaissons le leur.
Ce principe constitutif ordonne encore correctement la responsabilité qui est confiée aux baptisés à une vocation (vocation-appeler / responsabilité-répondre, être répondant, avoir du répondant). Il souligne ainsi que ce ne sont pas les seuls ministres (ou quelques personnages un peu plus saints ou un peu plus médiatiques) qui sont appelés par Dieu (selon une vocation dite « interne», voire «intérieure ») et par l’Église à travers la voix de ses membres, de ses ministres, etc. (selon une vocation dite « externe » ou « extérieure »).
De même si le baptisé assume les responsabilités de sa vocation, il le fait aussi par les charismes reçus de Dieu, soulignant ainsi que la grâce agissante de Dieu n’équipe pas que les seuls ministres (ou quelques leaders charismatiques) mais tout un chacun, selon la diversité bien décrite dans l’image paulinienne du corps (Romains 12,3-8 ou 1 Corinthiens 12).
Article 7
Dans le cadre de ce sacerdoce universel, elle consacre des femmes et des hommes à des ministères particuliers qui entraînent et forment à la vie communautaire, au témoignage et à la solidarité.
Après la mission « globale » et « communautaire », portée chacun pour sa part par tous les baptisé.e.s, on en vient à la catégorie particulière des ministres.
Ce § souligne que les responsabilités particulières des ministres s’articulent toujours à la mission globale.
Ici, l’expression sacerdoce universel, qui a une origine biblique (1 Pierre) et dans le langage des réformateurs, recouvre assez exactement l’idée de « mission globale » de l’Église, telle que définie au § 5. Par contre, l’esprit des réformateurs, repris ici, s’op- pose vigoureusement à l’idée qu’une catégorie particulière de personnes (les prêtres, une classe sacerdotale) jouirait d’un prestige, d’un pouvoir, d’une position ou d’une nature spéciale, distincte du commun des baptisés.
En leur temps, les réformateurs soulignaient, contre la théologie catholique, que chacun.e peut être son propre prêtre lorsqu’il se place devant Dieu; pas besoin d’un.e intermédiaire entre Dieu et le croyant – ou du moins pas besoin d’un autre intermédiaire que celui qui a été définitivement le grand prêtre, à savoir Jésus-Christ, pour nous réconcilier avec Dieu. Depuis la Réforme, l’expression a été infléchie pour souligner, conformément à notre § 6, la responsabilité confiée par Dieu à l’entier des membres de son Église. Chacun est prêtre, donc chacun.e est témoin.
Il n’est pas dit que le service particulier des ministres vient remplacer la mission globale, ni l’accomplir « à la place des baptisés ». Leur responsabilité est d’entraîner et de former l’ensemble du peuple des baptisé.e.s aux trois volets de la vie chrétienne : vie communautaire (voir § 3 : prière, écoute de la Parole, sacrements), témoignage (voir § 5 : la proclamation en paroles), solidarité (voir § 5 : le témoignage en actes). Si les ministères particuliers servent à entraîner, c’est bien que les ministres marchent avec l’ensemble des baptisé.e.s, ils travaillent et cheminent avec eux, les conduisent et les encouragent. D’autre part, loin de se substituer à eux, ils les forment. Ils mettent leur connaissance, leurs compétences et leur expérience au service des baptisé.e.s pour que ceux.celles-ci puissent apprendre, comprendre, assumer l’exercice de leurs propres responsabilités.
Si au § 6, l’EERV reconnaît une responsabilité de mission à tous les baptisé.e.s, au § 7 elle reconnaît spécifiquement la responsabilité particulière confiée à certaines femmes et à certains hommes, conséquemment à leurs formations (théologique et pratique notamment), conséquemment à leur motivation, à leurs qualités et à leurs compétences, conséquemment aussi au travail de discernement de la vocation. Cette reconnaissance particulière est désignée ici par le mot consacre. Dans l’ensemble des services attendus du peuple des baptisé.e.s, l’Eglise attend de ses ministres un service particulier. La consécration, par son rite, sa prière d’invocation au Saint-Esprit, par le rassemblement de la foule des baptisé.e.s, manifeste et marque publiquement cette reconnaissance qui débouche sur la responsabilité d’exercer un service, un ministère (en faveur de la vie communautaire, du témoignage et de la solidarité).
Article 8
Elle s’inscrit dans la communion de l’Église universelle. Avec les Églises chrétiennes, elle partage la responsabilité du témoignage de l’Évangile dans le monde. Elle s’engage dans l’action œcuménique et l’œuvre missionnaire. Elle entretient une solidarité particulière avec les Églises de la Réforme.
Dans le § 8, les Principes constitutifs soulignent que, dans son enracinement historique et géographique particulier, l’EERV participe d’un mouvement plus large, d’un service plus vaste, d’une mission au sein de l’Église universelle. Elle s’en reconnaît solidaire, partie prenante, unie avec les baptisé.e.s d’autres confessions, d’autres cultures, d’autres lieux.
On redit ici que le témoignage auquel est appelé l’EERV n’est pas son apanage : elle le partage et le porte avec d’autres Églises auxquelles elle se relie plus ou moins organiquement, mais au moins par une communion spirituelle. On a souligné chrétiennes comme l’identité première de toute Église, mais également parce que le terme Église peut actuellement renvoyer à des communautés que l’on ne peut qualifier de chrétiennes (ou qui elles-mêmes ne se reconnaissent pas dans notre définition du christianisme).
Ce § a aussi pour intention de souligner que la tâche de l’EERV ne s’arrête pas aux frontières du Canton, ni à l’horizon de la population vaudoise…
Par divers liens et organismes, elle prolonge son engagement d’une part vers d’autres sites de notre planète, vers d’autres populations… et notamment celles que touchent les œuvres missionnaires (DM, EPER, etc).
Ce § ajoute enfin le lien particulier que notre Église entretient avec d’autres Églises réformées de par le monde, notamment via l’ARM (Alliance Réformée Mondiale) ou la Communion dite de Leuenberg.
Article 9
Dans le dialogue avec les religions, elle privilégie l’interpellation mutuelle pour une coexistence pacifique et une meilleure compréhension. Elle respecte la différence tout en continuant de proclamer l’Évangile. Elle encourage à la clairvoyance envers les diverses formes de spiritualité.
Interpeller les autres religions, se laisser interpeller par elles, se laisser remettre en question, c’est l’article d’ouverture à l’autre sans nier toutefois la tradition réformée.
Si notre Église désire respecter la différence, elle ne doit pas avoir peur, ni oublier de s’affirmer, de redire l’essence de sa foi. D’où cette expression qui dit la persévérance et l’effort dans la durée « tout en continuant de proclamer l’Évangile ». Cet article plaide contre une certaine frilosité de notre Église.
Toute spiritualité n’étant pas bonne en soi, la notion de clairvoyance implique l’effort de discernement intellectuel et d’analyse comparative à faire, afin de saisir l’apport spécifique de chaque spiritualité à la pensée universelle et à la société actuelle et au besoin de mesurer la distance qui la sépare ou l’unit à la pensée biblique.
Article 10
Elle porte un regard bienveillant et critique sur la société.
Après s’être positionnée dans sa mission générale, dans ses relations avec les Églises sœurs dans le concert œcuménique, ainsi que dans le dialogue et la différence avec les diverses formes que prennent religion ou spiritualité, le texte en arrive ici à un article qui définit, brièvement les rapports de l’EERV à la société qui l’environne. Il est à noter que ce paragraphe est complètement nouveau et amène une composante autrefois absente des Principes constitutifs. On peut en conclure qu’il fut un temps ou l’entrelacement Église/société vaudoise devait être tel que l’Église n’avait pas particulièrement besoin de définir son rapport à la société. Aujourd’hui il en va différemment : encore liée à l’État, mais d’un peu moins près, l’EERV peut se déclarer à la fois bienveillante, c’est-à-dire fière et co-partenaire des plus heureuses réalisations de notre société, et critique, c’est-à-dire attentive, lucide, courageuse par rapport à toutes les formes d’injustices ou de dérives qu’elle repère dans les choix ou les enjeux de la société contemporaine.
Article 11
Elle demeure exigeante envers elle-même et se sait toujours à réformer.
On a voulu traduire ainsi et en conclusion, le célèbre et classique Ecclesia reformata semper reformanda formulé dès le XVIe siécle par les Réformés (Église réformée toujours à réformer). On y indique ainsi une ambition, celle de vouloir être une Eglise qui sait que l’Évangile s’adresse d’abord à elle-même, que la lumière doit d’abord briller en ses propres rangs avant de pouvoir prétendre être flambeau, exemple ou repère pour les autres.
Ce paragraphe reconnaît également une certaine fragilité de l’Église, fragilité au travers de laquelle elle se laisse rejoindre par la grâce de Dieu. On a certainement voulu dire aussi qu’en régime réformé, si l’on se reconnaît sauvé par la grâce au moyen de la foi, il en découle l’appel et l’exigeante vocation de vivre ensuite en véritables enfants de Dieu, dans une dynamique qui anticipe déjà celle du Royaume : « Le Royaume des cieux s’est approché ».
Article 12
Ouverte à tous, elle reconnaît comme membre toute personne qui accepte « la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint Esprit » ainsi que ses Principes constitutifs et ses formes organiques. Elle remet à Dieu le jugement des cœurs.
Dans un contexte où le soupçon sectaire, ou plus insidieusement le soupçon de repli sur soi, pèse sur tout mouvement religieux, l’EERV pose son ouverture : on entre ou on sort de l’EERV sans contrainte ni manipulation.
La discussion synodale a ensuite travaillé, avec quelques difficultés, la notion de membre de l’EERV. Il faut rappeler que l’EERV a un long passé d’Église multitudiniste et d’Église d’État, où la qualité de citoyen, voire d’habitant (notamment pour les femmes avant qu’elles soient citoyennes !), se confondait avec celle de chrétien et de membre de la seule Eglise (ou presque) présente sur la place. Sur ce fond-là, on assiste à l’émergence d’un contexte nouveau, d’un repositionnement des horizons non seulement confessionnels (quasi égalité numérique des protestants et des catholiques, augmentation des évangéliques, des sans confessions, etc.), mais aussi religieux (arrivée, en nombre significatif, dans l’horizon suisse de personnes se déclarant d’autres religions que le christianisme) et culturels (brassage des populations, des langues, etc.). Dans ce nouveau contexte, il était important que l’EERV redéfinisse un peu mieux la qualité de membre.
Le texte s’appuie sur le texte de 2 Corinthiens 13,13. Ce verset nomme le Père, le Fils et le Saint-Esprit : le dogme trinitaire définira ultérieurement dans l’histoire les rapports entre les trois Personnes.
Ainsi, la qualité de membre repose à la fois sur la conviction spirituelle de la personne et sur le respect des textes fondamentaux de l’Église (Principes constitutifs et Formes organiques font partie du Règlement ecclésiastique dont ils constituent le préambule).
Enfin, pour couronner « l’ouverture » et la modestie de l’EERV, pour éviter toute dérive vers une institution du religieux flirtant avec le pouvoir ou la manipulation, l’EERV, comme par le passé, remet à Dieu le jugement ultime, le jugement de la foi, le jugement des cœurs.