Reconnaissance (Matthieu 15,21-28)

2023-09-09

Lire le texte

Le monde est comme cela. Il y a le peuple élu et les nations, on est né du bon ou du mauvais côté de l’histoire, de la frontière. Il y a celles et ceux dont la place à table semble réservée et les autres. Mais ce jour-là, l’ordre ou la fatalité est dérangée par un cri que rien ne peut contenir. Il s’élève, rauque, de la gorge d’une étrangère, d’une païenne. La femme s’avance. Avec elle, sa fille malade et tant d’illégitimes, dont les cris butent jour après jour sur le silence, l’indifférence, les préjugés, la résignation, les justifications géopolitiques, culturelles ou religieuses. Cette fois, le cri ne se laisse arrêter par rien, il s’amplifie, devient prière, argumentation. On s’étonne de la curieuse représentation d’un Jésus qui garde le silence, repousse, pour se laisser ensuite convaincre et transformer. Le récit porte la trace d’une dure lutte: celle de l’étrangère pour être entendue, d’une communauté appelée à s’ouvrir, de Jésus lui-même. Comme si plus intime de la création, de chacun de nous, se jouait un véritable combat contre le chaos, un chaos qui prend ici les traits de nos représentations du monde ou de nos ordres établis lorsqu’ils déclarent certains humains personae non gratae. La femme force le passage et devient témoin exemplaire d’une grâce sans limites, visage d’une communauté nouvelle qui sait que chacun a une place au festin du royaume. Le cri de l’illégitime résonne alors comme un cri de naissance.

Antoinette Steiner

Prière:  

Seigneur, entraîne-moi dans la lutte créatrice contre les frontières et tous les obstacles qui m’empêchent de reconnaître l’autre comme mon frère, ma sœur.