Les religions deviennent-elles vertes ?
Julius Malin, doctorant à l’Université de Bâle, a présenté l’étude «Are Religions Becoming Green?» (ARG), «Les religions deviennent-elles vertes ?» à l’Espace Maurice Zundel à Lausanne le 21 mai. Dressant ce constat: les religions sont de plus en plus attentives à l’environnement, mais leur engagement dépend plus des moyens financiers à disposition que d’argumentaires religieux.
Dans quelle mesure les religions s’engagent-elles pour l’environnement ? Quels types d’actions mettent-elles en place pour promouvoir la transition écologique et la durabilité ? Quels obstacles et quels catalyseurs rencontrent-elles dans ce domaine ? C’est à ces questions que tente de répondre l’étude ««Are Religions Becoming Green ?» (ARG), «Les religions deviennent-elles vertes ?», un projet mené sous la direction du professeur Jens Köhrsen au Centre pour la religion, l’économie et la politique (ZRWP) de l’Université de Bâle.
A l’invitation de la Transition écologique et sociale de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud, d’Action de Carême et d’EcoEglise, Julius Malin, doctorant qui travaille sur cette étude, l’a présentée mardi 21 mai à l’Espace Maurice Zundel à Lausanne.
Les communautés établies plus investies
Julius Malin a examiné les aspects quantitatif et qualitatif de l’étude ARG avant de dégager quelques conclusions. Partant de l’hypothèse d’une écologisation des religions, l’étude a examiné trois types d’engagement des organisations religieuses: la matérialisation (investissement dans les infrastructures, mise en œuvre d’habitudes respectueuses de l’environnement), les activités de campagne (prises de position publiques, organisation d’événements publics en faveur de l’environnement, participation à de tels événements) et la diffusion (sensibilisation aux questions environnementales en interne). Sachant que les religions transmettent une vision du monde, qu’elles sont adeptes de la construction du capital social et qu’elles possèdent des ressources financières parfois significatives. Et qu’en Suisse, 80% des croyants se réclament d’une tradition religieuse dont plus de 50% appartiennent à l’Eglise catholique ou à l’Eglise réformée – deux Eglises établies: reconnues dans la société, elles ont un statut spécial, sont financées par des impôts ecclésiastiques (dans la plupart des cantons) et ont une structure proche de celle de l’administration.
L’aspect quantitatif de l’étude est basé sur des entretiens avec plus de 30 représentants d’organisations religieuses et un questionnaire en ligne envoyé à plus de 1000 communautés en Suisse. Il a permis de mesurer l’ampleur de l’engagement des organisations religieuses en faveur de l’environnement, quels types d’engagement, dans quelles circonstances elles sont le plus susceptibles de s’investir et avec quelles organisations elles collaborent; et de déceler des différences géographiques. Sans surprise, l’aspect matériel – recyclage, rénovation de bâtiments, pellets, panneaux solaires, investissement dans les énergies renouvelables, … – est mieux pris en charge par les communautés établies, qui disposent de fonds plus importants et sont propriétaires de bâtiments, un fait positif dans ce domaine.
Les organisations religieuses, en revanche, sont peu investies dans les campagnes politiques. Ces dernières années, elles se sont surtout mobilisées en faveur de l’initiative pour des multinationales responsables. Et nettement plus en ville qu’à la campagne.
Quant à l’encouragement de modes de vie respectueux de l’environnement, il passe principalement par la prédication et l’éducation religieuse. Et là aussi, les communautés établies sont les plus engagées.
Avec qui collaborent-elles? Oeku, Pain pour le prochain, les cantons et les communes principalement, ce qui a un effet catalyseur en matière financière. Qui s’engage le plus? Les plus de 65 ans, ce qui n’est guère étonnant au vu de la fréquentation des célébrations, les chrétiens qui ont une attitude théologique libérale ou une orientation politique à gauche. Dans les confessions non établies, la proportion de jeunes joue un rôle à cet égard. Enfin, les communautés évangéliques conservatrices sont les moins investies dans la défense de l’environnement.
Capacité financière, normes et lois
L’aspect qualitatif de l’étude s’appuie sur des entretiens avec 21 représentants de communautés religieuses locales et 9 représentants d’organisations faîtières – Eglise catholique et Eglise évangélique réformée. Il a pour but d’approfondir le contenu des trois types d’engagement – matérialisation, activités de campagne, diffusion – et de proposer des facteurs explicatifs.
Dans le premier domaine dominent le recyclage, les panneaux solaires, les économies d’énergie, la réduction du gaspillage et des jardins de biodiversité. Les obstacles? Le fait de ne pas être propriétaire, les normes environnementales et de construction, la loi sur la protection de la nature, des monuments et des sites, la santé, la sécurité, le confort.
Le deuxième domaine souffre de la nature politique des campagnes en faveur de l’environnement qui suscite des interrogations sur le rôle des Eglises. En outre, le temps et le personnel manquent pour mener des campagnes. Seule l’initiative pour des multinationales responsables a rencontré un écho significatif.
La diffusion d’attitudes respectueuses de l’environnement passe principalement par la Saison de la Création, les fêtes et les cultes écologiques, l’éducation et la prédication. Quels obstacles? Des questions sur le rôle des prédicateurs: doivent-ils donner des conseils en matière d’environnement? Et sur la capacité institutionnelle de l’Eglise: prendre soin de la Création, est-ce une priorité?
En résumé, a constaté le chercheur, «l’engagement environnemental religieux est élevé dans le domaine de la diffusion, moyen en matérialisation et faible dans les activités de campagne».
Une conscience écologique à incarner
L’étude ARG s’est aussi intéressée aux labels: certifications EcoEglise et Coq vert; et aux organisations faîtières. Elle a identifié, en matière de labels, les obstacles suivants: le rôle de l’organisation faîtière, les coûts, la théologie, la propriété des bâtiments, la rigidité de Coq vert ainsi qu’un manque de collaboration entre la Suisse romande et la Suisse alémanique.
Quant aux organisations faîtières, elles exercent une influence généralement positive sur l’engagement environnemental des communautés, définissent des objectifs législatifs, mettent des fonds à disposition, soutiennent les demandes de certification, produisent des lignes directrices et du matériel pédagogique. Enfin, les chercheurs ont pointé un manque de communication entre l’organisation faîtière et les fidèles qui ne comprennent pas toujours son rôle.
Ce qui ressort en définitive de l’étude ARG, a relevé Julius Malin, c’est «une réelle volonté des organisations faîtières de promouvoir la transition écologique. Et elles y travaillent énormément». Certes, les Eglises deviennent plus vertes. Mais si les croyants ont conscience de leurs responsabilités en matière d’environnement, ils ne savent pas toujours par où commencer ni que réaliser.
Geneviève de Simone-Cornet de la Plateforme enjeux spirituels de la transition écologique et sociale (TES) de l’EERV
Légende: Doctorant à l’Université de Bâle, Julius Malin a présenté l’étude ARG à l’Espace Maurice Zundel.
Crédit: GdSC