Petite éloge de la persévérance
Persévérer, c’est aller au-delà des échecs ; c’est ainsi accepter que les échecs existent.
Persévérer est lié ainsi à la tolérance envers soi-même. C’est normal de faire des erreurs, d’échouer, cela fait partie de l’apprentissage.
Persévérer est aussi lié à l’espérance, on persévère car on croit qu’on peut y arriver. Comme le dit le verset du jour : « Espérer ce que nous ne voyons pas, c’est l’attendre avec persévérance.» (Romains 8,25).
Quand on court, quand on joue, on sait combien l’essoufflement est vite là. Quand on fait du sport, on sait combien il en faut de la persévérance. Comme le dit Michael Jordan « J’ai raté 9000 tirs dans ma carrière. J’ai perdu presque 300 matchs. 26 fois, on m’a fait confiance pour prendre le tir de la victoire et j’ai raté. J’ai échoué encore et encore dans ma vie. C’est pourquoi je réussis. »
Confiance et persévérance. Quand un enfant grandit, il a besoin de la confiance de ses parents. Cela lui permet de persévérer et d’essayer encore et d’y croire.
Espérance et persévérance. La persévérance n'est possible que lorsque l’espérance est là. A quoi bon persévérer, si on ne croit pas que l’avenir existe. Mais s’il manque la persévérance, l’avenir ne pourra pas être devenir. Il ne suffit pas d’y croire encore faut-il agir. Comme le dit Kilian Jornet : « Gagnez ce n’est pas finir en première position. Ça n’est pas battre les autres. Gagner c’est se vaincre soi-même. Vaincre notre corps, nos limites et nos peurs. Gagner c’est se dépasser soi-même et transformer nos rêves en réalité. »
C’est cela la persévérance : Essayer, échouer, essayer encore. La persévérance implique la bienveillance face aux échecs. C’est normal d’échouer, cela fait partie de la vie. Le contraire de la persévérance c’est l’abandon et l’inconstance.
« Mon ami, mon amie, mon frère, ma soeur, mon voisin, ma voisine, je te souhaite un amour solide et de la tendresse pour t’épanouir tout au long de l’année, car chacun le sait d’expérience, sans amour la vie est vaine et stérile.
Je te souhaite la réussite, car chacun le sait d’expérience, l’échec détruit les vivants et ôte le goût d’avancer.
Je te souhaite la persévérance, car chacun le sait d’expérience, les plus belles entreprises et les plus généreuses risquent l’essoufflement.
Je te souhaite le rire car il a le pouvoir de vaincre la peur. Je te souhaite la joie et d’échapper au découragementet puis encore…
En fait, non : je ne te souhaite rien, je te le donne ! » Charles Singer
Et si Paul n'avait pas persévéré ?
Dans ce récit, Paul persévère dans sa foi.
Il aurait eu toutes les raisons d’abandonner, de désespérer, lui qui était prisonnier, lui que personne n’écoutait…
Imaginez s’il avait arrêté d’espérer, voilà ce qu’aurait pu être ses paroles :
Version de la Bible | Version alternative | |
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Verset 10 | Mes amis, je vois bien que le voyage va être dangereux. Le bateau et ses marchandises vont être abîmés, et nous risquons même de perdre la vie. |
Vous qui me gardez prisonniers, vous allez voir que le voyage va être terrible. Le bateau et ses marchandises vont être perdus, et nous allons mourir. Et cela sera de votre faute. |
Versets 21-26 | Mes amis, il fallait m’écouter et ne pas quitter la Crète. Vous auriez évité la tempête et vous n’auriez pas perdu les marchandises. Mais maintenant, je vous le demande : soyez courageux ! En effet, personne ne va mourir, nous perdrons seulement le bateau. Cette nuit, le Dieu à qui j’appartiens et que je sers m’a envoyé son ange. Il m’a dit : « Paul, n’aie pas peur ! Tu dois être jugé devant l’empereur, et à cause de toi, Dieu laisse en vie tous ceux qui voyagent avec toi. » Mes amis, courage ! J’ai confiance en Dieu. Oui, ce que Dieu m’a dit va arriver. Nous devons être jetés sur la côte d’une île. |
Imbéciles, vous auriez dû m’écouter. |
Verset 31 | Si ces hommes ne restent pas sur le bateau, vous ne pouvez pas être sauvés. | Partez. De toute façon, tout est perdu. Alors sauvez votre peau et libérez-moi que je puisse sauver la mienne. Tant pis pour ceux qui restent. Chacun pour soi ! |
Versets 33-34 | Aujourd’hui, cela fait 14 jours que vous attendez, et vous êtes restés sans rien manger. Je vous invite donc à prendre de la nourriture, vous en avez besoin pour être sauvés. En effet, vous ne perdrez rien, même pas un cheveu de vos tête |
J’ai faim. D’ailleurs vous devez me nourrir. Je dois me sauver. Seul ma vie compte. Donnez-moi ce dernier bout de pain. Je le mérite. |
Paul a choisi la première solution : persévérer dans la confiance et se dépasser lui-même.
Il fait un geste très symbolique : partager le pain. Ce geste donne du courage aux gens mais c'est aussi un rappel de la présence du Christ dans nos vies, au cœur même des tempêtes. Comme l’écrit Daniel Marguerat : « Le pain partagé avec des voyageurs apeurés est promesse pour eux d’une vie sauvegardée par Dieu. Au seuil de la Passion, les disciples autour de Jésus ont reçu semblable assurance. »
Dans la suite, Paul va toujours faire preuve d’une grande persévérance. Il n’arrête jamais de parler et d’écrire. Malgré les circonstances de sa vie, il continue à aller de l’avant.
Et vous quel choix faites-vous ? aujourd’hui dans votre vie ?
Au coeur de la tempête (Actes, 27-1, 28-15)
Pour aller encore plus loin dans le texte de Paul, voici un texte de Daniel Marguerat
"Le voyage mouvementé de Paul est le plus fabuleux récit du Nouveau Testament : danger, émotion, suspense sont au rendez-vous. De Césarée à Rome, l'angoisse monte à la lecture du danger qui menace le bateau, puis après le paroxysme du naufrage, s'apaise lors de l'escale merveilleuse de Malte. Quel que soit l'état exact de la tradition qui lui est parvenue (nous l'ignorons), l'auteur des Actes fait preuve ici de sa maîtrise d'écrivain. Il a réussi un récit qui tient le lecteur, la lectrice en haleine – un récit digne des plus belles pages de la littérature romanesque gréco-romaine.
Les spécialistes s'émerveillent devant l'utilisation adéquate du vocabulaire de la marine, dont le récit est truffé. Nous faisons au passage connaissance avec les manœuvres nautiques : chercher un port abrité pour l'hivernage, naviguer sous le vent, ceinturer le bateau pour éviter sa dislocation, jeter le fret par-dessus bord en cas de danger, filer les ancres, sonder le fond pour détecter la proximité d'une côte. Luc, voyageur lui-même, doit connaître d'expérience les risques auxquels sont exposés les voyages par mer.
Les acteurs du drame sont dépeints en noir-blanc.
D'un côté les professionnels de la navigation, qui se révèlent incompétents. Le capitaine prend la mauvaise décision de quitter l'abri de Beaux-Ports, sur la côte sud de la Crète, alors que la fête du Jeûne (septembre) est passée et qu'elle marque la fin de la période navigable. L'équipage se montre lâche et cruel : sans l'intervention de Paul, les matelots s'enfuyaient sur la chaloupe en abandonnant les passagers à leur sort ; sans l'intervention du centurion, ils massacraient les prisonniers pour éviter qu'ils s'enfuient.
De l'autre côté Paul, escorté par un centurion bienveillant. Et voici le paradoxe : le prisonnier s'avère plus libre et plus compétent que tout le monde. Contre l'avis du capitaine, il avertit que quitter Beaux-Ports fait prendre des risques sérieux au bateau, à sa cargaison et aux vies humaines (27,10). Sous la tempête, alors que l'espoir a fui chez les passagers, Paul prend la parole et réconforte ses compagnons de traversée : « aucun de vous n'y laissera la vie, le navire seul sera perdu » (27,22). Son assurance ne vient pas de lui, mais de Dieu. Un ange lui est apparu de nuit pour le rassurer : « Sois sans crainte, Paul. Il faut que tu comparaisses devant César, et voici que Dieu t'accorde la vie de tous ceux qui naviguent avec toi » (27,24). Ainsi fonctionne la providence : la protection qu'elle assure à Paul sauve en même temps ses compagnons. Une nouvelle fois, le témoin de Dieu interviendra pour répéter que tous seront sains et saufs, et pour encourager à se nourrir après quatorze jours de privation (27,33-24).
Une symbolique perce peu à peu dans le récit, que le narrateur confirme subtilement par l'emploi d'un langage à double sens. C'est leur « sauvetage » qu'annonce Paul aux passagers du bateau, mais le mot en grec signifie aussi « salut » (27,34). Lorsque l'apôtre enjoint ses compagnons de manger, il prend du pain, rend grâce à Dieu et rompt le pain. Cette séquence de trois verbes est connue des lecteurs : elle correspond aux gestes de Jésus lors du dernier repas avec ses disciples (Luc 22,19), et sa résonance eucharistique apparaissait déjà dans les gestes du Ressuscité à Emmaüs (Luc 24,30). Une exception cependant : le quatrième verbe, « donner », manque ici. Là encore, le narrateur est maître de son art : Paul ne remplace pas le Christ, et le repas improvisé avec des passagers non chrétiens ne saurait être confondu avec une eucharistie. La connotation symbolique demeure néanmoins : le pain partagé avec des voyageurs apeurés est promesse pour eux d'une vie sauvegardée par Dieu. Au seuil de la Passion, les disciples autour de Jésus ont reçu semblable assurance.
Les rescapés du naufrage – tout s'est passé conformément à la prédiction de Paul – sont recueillis à Malte par les insulaires, qui les réconfortent en les réchauffant autour d'un grand feu.
Rebondissement avec l'épisode de la vipère. Cette histoire de serpent qui s'accroche à la main de Paul sans le mordre, provoquant l'émerveillement des Maltais, fait couleur locale (28,2-6). Paul a secoué la vipère et l'a jetée dans le feu, mais les insulaires en concluent : « c'est un dieu ». Leur raisonnement est instructif : cet homme doit être un meurtrier, que la morsure du serpent vient frapper comme une sanction divine. Naufrage ou mort subite concrétisent la colère des dieux. Que Paul ait échappé à l'un comme à l'autre fait de lui un être d'exception.
Derrière la naïveté maltaise, que Luc retranscrit avec un clin d'œil à ses lecteurs, une vérité se donne à entendre : l'homme injustement attaqué par les autorités juives est un protégé de Dieu. Accusé de massacrer les coutumes millénaires d'Israël, Paul est au contraire porteur d'une parole que Dieu veut faire résonner dans la capitale de l'Empire. Malgré leur culture polythéiste, les insulaires ont vu juste : cet homme est du côté de Dieu. L'activité guérissante de Paul sur l'île leur donne raison (28,7-10). La halte idyllique de Malte présage l'accueil que le monde païen fera à l'évangile.
Comme Jésus a été relevé de la mort après sa Passion, Paul, au terme de son martyre a été réhabilité à la face du monde. Le soleil de Malte après la tempête revêt pour Luc la couleur de Pâques."
Paul, la tempête et moi
Extrait de la prédication de Sarah-Isaline Golay
"...Il y a des tempêtes qui passent, tuent ou ne tuent pas, il y a les tempêtes des âmes, des corps, celles traversées par nos proches, celles au loin qui font chavirer d’autres hommes, il y a les tempêtes du passé qui ont laissé leurs cicatrices sur les coques de nos bateaux, et celles à venir qui effraient déjà. Nos embarcations sont précaires, malgré nos capacités, nos merveilles, nos forces et nos espoirs, nous naviguons dans des coquilles de noix.
La ténacité que nous pouvons lire dans le livre des Actes, chevillée chez Paul et chez tous les membres de l’équipage, nous rappelle encore aujourd’hui à ne pas abandonner, s’accrocher envers et contre tout à la promesse du Dieu de Jésus-Christ, d’être toujours là, avec nous, que l’on vive ou que l’on meure. Croire malgré la folie du monde, croire même avec toutes nos peurs, nos petitesses, nos fragilités..."
La prédication en intégralité est disponible sur le site Celebrer.ch.