Ce temps vide qui nous est nécessaire
Les vacances d’été arrivent enfin ! Demain, les élèves vivrons leur dernière journée d’école avant de courir avec joie hors du préau. Comme chaque année, le mois de juin a été particulièrement chargé. Nous l’avions un peu oublié avec ces deux ans de pandémie, mais entre les spectacles de fin d’année et les divers apéritifs et repas, les parents ne savent plus où donner de la tête. Mais demain, tout s’arrêtera.
Un temps de repos va s’ouvrir, peut-être un temps de vide. S’il y a bien une leçon que j’ai apprise durant les mois de confinement et d’annulations diverses que nous avons vécus, c’est l’importance du repos. Plus encore : l’importance de ne pas remplir à tout pris les temps de repos par diverses activités mais de laisser du temps vide.
Le temps vide n’est pas du temps perdu comme l’on voudrait généralement nous le faire croire. Le temps vide est aussi un temps dont notre esprit a besoin pour s’organiser, se réorganiser : un peu comme un temps de rêve, rêve éveillé qui nous construit. Le temps où l’on laisse ses pensées se dérouler sans vouloir les contrôler est aussi le temps de la créativité pour certain. C’est surtout le temps de prendre conscience de ce qui a été fait. Dans le récit biblique de la création, Dieu crée en six jour et se repose le septième jour. Mais le texte est très clair sur le fait que la création n’est achevé qu’avec ce temps de repos final. Dieu contemple le monde, il s’en réjouit et le béni.
Contempler notre travail avant de repartir, se réjouir de ce qui a été fait et reconnaître que ce que nous avons accompli est bon fait partie de la tâche. Il s’agit d’une intégration nécessaire à notre équilibre de vie. N’ayons pas peur des temps de vide, mais chérissons-les : ils sont sans doute les temps où nous sommes le plus réellement vivant.
Christophe Collaud, Pasteur EERV
En forêt…
Il semble qu’en français, le mot «forêt» viendrait du latin foris, qui veut dire «hors de». En forêt, nous sommes «hors de» tout ce qui nous encombre, nous enferme.
Pour moi, aller marcher en forêt, c’est important. J’y respire mieux, j’y retrouve de l’énergie. Et ce n’est pas par hasard, ni uniquement pour la beauté du paysage, des diverses teintes de vert des feuilles, ou du bruit du vent dans les branches, ou parce que j’y trouve des fleurs magnifiques, ou que j’ai la chance d’y croiser un animal sauvage. En fait, comme nous, la forêt respire; mais elle le fait à l’inverse de nous, elle absorbe le gaz carbonique qu’elle transforme en oxygène. Sans elle nous n’aurions pas de souffle.
Dans la Bible (Ps 1,3), l’homme heureux est comparé à un arbre au bord de l’eau, qui porte du fruit. L’eau, c’est Dieu. En fait, la similitude entre l’être humain et l’arbre est forte: de la croissance à la mort, nos vies se ressemblent. Il y a l’ancrage dans une terre d’appartenance, la verticalité du tronc qui s’élargit dans le temps, les branches qui portent du fruit, et les feuilles qui tombent, les jeux d’ombre et de lumière, les nids, la vie qui couve… L’arbre est un symbole de vie pour l’humain. Et la forêt, comme ensemble d’arbres, de buissons et de formes de vie si diversifiées, peut aussi être perçue comme un reflet de la société humaine: les deux sont des systèmes complexes qui permettent, entretiennent et protègent la vie.
Pensez-y la prochaine fois que vous serez dehors, «hors de» chez vous, en forêt, pour profiter d’un peu d’ombre et de fraîcheur, prenez le temps de respirer, de souffler… Et n’ayez pas peur de vous prendre pour un arbre, au bord de l’eau, et d’y puiser toute la force de l’amour infini de Dieu.
Anne-Christine Rapin, pasteure, EERV
Rose de Pentecôte
Une pivoine… Pour les connaisseurs de la langue de Goethe, en allemand ce sont des «Pfingstrosen», des «roses de Pentecôte».
Seigneur, à Pentecôte, tu as offert ton Esprit-Saint sous la forme d’un grand vent, et de langues de feu, et tes disciples ses sont mis à s’exprimer dans toutes les langues de la terre, afin qu’ils puissent parler de toi partout où leurs pas les mèneraient.
A Pentecôte, tu nous offres ton souffle, ton feu, qui nous pousse à sortir de nos habitudes, de nos limites, afin que nous vivions le voyage vers l’autre, le brassage, l’échange et la communion.
Donne-nous chaque jour, le goût de l’aventure, la joie de la rencontre et du partage.
Amen!
ACR
Le corbeau et la colombe
Quarante jours après le déluge, Noé envoie un corbeau hors de l’arche. Puis il lâche une colombe. Le corbeau sort une seule fois, mais la colombe a droit à trois essais. Pourquoi ? Le corbeau s’était contenté de survoler les eaux. La colombe avait survolé la surface des eaux, mais la Bible ajoute : « elle ne trouva pas de terre habitable ». Sous-entendu : contrairement au corbeau, la colombe au moins avait cherché. C’est important de rechercher la vie. Celui qui cherche n’est pas sûr de trouver. Mais celui qui ne cherche pas est sûr de ne pas trouver.
(FvB)
Amour du pouvoir
« Le jour où le pouvoir de l’amour dépassera l’amour du pouvoir, le monde connaîtra la paix ». Cette phrase de Gandhi me touche, mais…Trop simple ?
L’humanité semble tourner en rond dans le même sillon d’amour du pouvoir, le disque est rayé. Pour écouter la suite, la chanson d’amour, qui changera le disque ? En passant, écoutons Jacques Brel : « quand on n’a que l’amour à offrir en prière pour les maux de la terre… » Trop simple ? C’est peut-être la seule guerre juste.
Seigneur, je te demande la force et la persévérance pour oeuvrer dans le sens de l’amour, le sens de la vie.
F.S
On est passé d’une peur à une autre
Cette petite remarque entendue sur les ondes de la radio m’a interpellée. La crise sanitaire à peine calmée, une nouvelle crise, militaire cette fois-ci, fait la une des médias et nous tiens en haleine. Et si ça ne suffisait pas, il y a toujours la crise climatique qui se fait de plus en plus forte et pressente. Oui, le monde qui nous entoure a quelque chose d’oppressant.
Et pourtant, il y a autour de nous ces enfants qui rient et qui jouent, il y a ces jeunes (et moins jeunes) qui font la fête, qui dansent, qui aiment. Il y a ces couples qui se forment, il y a ces bébés qui naissent. En vain ? Je ne veut pas le croire. Il y a autour de nous un potentiel de vie, une énergie, des rires qui n’attendent que d’éclater.
Nous passons d’une peur à une autre, selon où nos yeux se posent. Nous passons d’une peur à une autre mais nous pourrions aussi choisir de passer d’un rire à un autre, d’un pas de danse à une embrassade. Malgré les difficultés qu’en tant qu’humanité nous devons traverser, malgré le pessimisme ambiant dans lequel nous nous sommes installés, je crois fondamentalement que notre devoir est de regarder ce qui est beau et bon autour de nous, et de nous en réjouir. C’est là que réside la vie.
Quand Jésus nous invite à ne pas nous inquiéter de notre nourriture (puisque le Père nourrit même les petits oiseaux), il ne supprime pas les difficultés et les obligations de chacun à travailler afin de gagner son pain. Mais il nous invite à regarder d’abord l’essentiel. Regarder d’abord ce qui est vie afin d’affronter avec optimisme les difficultés.
« Ne cherchez pas parmi les morts celui qui est vivant » dit l’ange aux femmes venue pleurer Jésus. Comme le Christ, l’humanité n’est pas encore morte ! C’est dans la joie que nous saurons la trouver. En cette période pascale, nous sommes invités à chercher la vie là où elle se trouve : non pas dans la peur, mais dans la joie.
Christophe Collaud, Pasteur EERV
Fake news de tous les côtés, qui croire ?
Nous avons un exemple terrible de guerre de l’information, entre la Russie et l’Ukraine, qui envoient à leur population et au monde entier des nouvelles tantôt à moitié justes, tantôt à moitié fausses… Au final, on ne peut croire complètement personne, ni « sur parole », ni « sur écrit ». C’est une catastrophe.
D’un côté (Russie) on évoque le peuple ukrainien comme soumis à un régime nazi qu’il faut abattre. Or il n’y a pas de régime nazi en Ukraine. De l’autre côté (Ukraine) on dit qu’il n’y a pas eu d’occupation militaire ukrainienne sévère dans le Donbass pro-russe depuis 2014. Or il y a une guerre civile dans le Donbass. Jusqu’à l’invasion russe en Ukraine, les instances internationales ne sont pas intervenues fortement pour résister à l’invasion de la Crimée par la Russie, ni pour tenter de régler le conflit au Donbass, qui est devenu le terrible conflit russo-ukrainien. Et maintenant tout le monde s’en mêle de près ou de loin. Pour dire quoi, en définitive ? Qu’on ne peut pas éviter une 3e guerre mondiale ? Fake news, espérons-le.
On vient de fêter Pâques. Jésus a été revu vivant par ses disciples. Fake news ? Ca semble un peu trop gros, trop beau pour être vrai, mais aussi un peu trop gros pour être faux… Les disciples n’avaient pas pris l’habitude de mentir avec Jésus, et la résurrection a été une surprise d’abord pour eux. Le tombeau a été mis sous bonne garde, pour empêcher les fake news, justement. Qui croire, en définitive ? Les Romains, les disciples ? C’est une question de confiance, de foi, de saut dans l’inconnu, devant cette nouvelle de la Résurrection. Et ça tient encore dans le témoignage répété des disciples depuis 2000 ans. Ce n’était pas une fake news, à mon sens. Je les crois « sur écrit », parce qu’ils sont « de parole ».
Frédéric Steinhauer, EERV
Joyeuses Pâques
Ces deux mots en sont devenus provoquant. Ils ont l’ironie d’un Joyeux Noël en pleine tempête.
Ou de nos très humains « Bon anniversaire » chanté à quelqu’un qui souffre terriblement. C’est ainsi en période de crise.
Bien que les orthodoxes, et donc l’Ukraine, vont attendre encore deux semaines avant de « fêter » Pâques (le 24 avril pour eux), gageons que l’espoir suscité par cette fête se vivra avec émotion.
Notre vie d’aujourd’hui fait que nous vivons souvent de manière décalée. Les Fêtes sont devenues prioritairement des jours de congés, ce n’est pas nouveau. Autrefois ces festivités étaient les bienvenues car les vacances n’existaient pas, c’étaient des jours chômés, reposants, posés, spirituels un bout. On y faisait repas de famille, parfois l’agneau, on y mangeait maigre le Vendredi, du poisson.
Pâques si commercial et si ludique pour les enfants a pourtant un message contre la mort inutile. Et ce message est source de joie. Il nous change de ce que nous voyons en boucle aux informations. Jésus de Nazareth, un homme de paix à la parole subversive est mort le Vendredi-saint, il est relevé, ressuscité le matin de Pâques.
Bien sûr, pour y croire aujourd’hui, il faut une sacrée dose d’humour, ou de foi. Croyez-le, certaines résistances ne se brisent jamais. Comme celle de cette chaine de témoins qui traverse les siècles en se disant au matin de Pâques ces paroles codées, « Il est ressuscité ! », réponse, « Il est vraiment ressuscité ! ». Le bien a gagné. Il va gagner. Joyeuses Pâques !
FL
Il vit … il crut …
Jn 20,8
Le disciple devant le tombeau vide
voit et croit. Pierre dira:
nous, nous sommes témoins…
Nous avons mangé et bu avec lui
après que Dieu l'a ressuscité…
Ac 10, 39,40
Ce 17 avril 2022:
Entre sa petite ferme en bois,
chocolats, œufs teints,
décorations, repas
que, comme lui, j’aime,
comment lui transmettre le
Alléluia! Il est ressuscité,
il est vraiment ressuscité!
Proclamé dans nos églises?
Quel témoin,
quel miroir suis-je
de cette foi, de cette Vie,
cette lumière intérieure
qui ouvre à tous les possibles?
SJB
Croix
On en croise des croix, un peu partout. Celle-ci, c’est Jacques qui l’a forgée, pour orner le sommet de la vieille fontaine de son village. On devine en dessous de la croix, la silhouette de St-Martin, découpant son manteau pour le partager avec un pauvre.
Seigneur, depuis cette croix de bois sur laquelle tu as perdu la vie, pour nous révéler la vie plus forte que la mort à Pâques ; il y en a eu des croix : connues, familières, tristes ou lumineuses, pleines d’énergie comme celle-ci.
Donne-moi la force, à la lumière de ton amour, jour après jour, de forger ma propre croix: je la vois humaine, avec deux bras grand ouverts, doux et chalheureux, pour accueillir celles et ceux qui en ont besoin !
Amen!
ACR
Faire ce que l’on peut
La naissance de son petit frère fut un grand choc pour notre fille. Elle se mit à prendre une vingtaine de petites peluches avec elle à l’école. Et avant chaque repas, elle les sortait de son sac pour les aligner sur la table. Geste qu’elle répétait le soir dans son lit avant de se coucher.
Quand les écoles ont fermé au moment du premier confinement, c’est au dessin qu’elle s’est raccrochée, reproduisant des dizaines de fois la même image.
Eh oui, quand on se sent perdre pied, quand on est pris dans quelque chose sur quoi l’on n’a pas la moindre influence, il est important de reprendre l’initiative et de s’activer d’une façon ou d’une autre. Ne pas n’être qu’un fétu de paille ou une victime, mais avoir prise sur quelque chose. Redevenir maître de sa vie.
Les médias en ligne nous abreuvent en continu de nouvelles angoissantes face auxquelles nous sommes totalement impuissants. On ne cesse de nous annoncer des catastrophes aux niveaux politiques, économiques, écologiques. Et tous les gestes que l’on pourrait faire semblent terriblement dérisoires, pour ne pas dire inutiles.
Aligner des peluches ou multiplier les dessins, a priori ce n’est pas ça qui va sauver la planète. Et pourtant, c’est un début, peut-être plus prometteur qu’on le pense. Car, si je n’ai pas prise sur la situation géopolitique mondiale, j’ai quand même prise sur quelque chose. Et ce n’est pas rien. Cela peut même avoir une grande portée : ce fameux battement d’ailes de papillon qui déclenche une tornade à l’autre bout du monde.
Dans un monde chaotique, vingt peluches bien alignées, c’est déjà un embryon d’ordre. Dans notre société marquée par le stress, un sourire empreint de sérénité, c’est une ouverture. À vouloir tout comprendre, à vouloir tout résoudre, on se condamne souvent à la paralysie. À œuvrer à son échelle, on retrouve prise sur la vie. Et c’est ainsi que l’on peut changer le monde. On le dit bien : les petits ruisseaux font les grandes rivières.
Jean-Nicolas Fell
pasteur de l’EERV à Yverdon-Les-Bains
Indignité
Bien des drames restent à bonne distance de notre confort. Mais quand l’impensable se rapproche, nous nous sentons concernés. J’ai bien du mal à supporter une guerre aussi indigne. Pour ces enfants d’Ukraine et de Russie, les uns martyrisés, les autres trompés, y aura-t-il une réconciliation possible ? Me reviennent ces mots du Psaume 22 :
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Pourquoi te tiens-tu si loin ?
Pourquoi ne me sauves-tu pas ?
Pourquoi n’entends-tu pas mes cris ?
Mon Dieu, je crie le jour, et tu ne réponds pas ;
je crie la nuit, je ne garde pas le silence. »
T.B.
« Délivre-nous des oppresseurs et soutiens les opprimés »
C’est par cette phrase que j’introduis désormais la prière à la fin du culte. L’allusion est claire pour tous les présents et j’en ai eu ce dimanche la confirmation lorsqu’une paroissienne m’interpelle à la sortie en me disant : « Moi, je prie pour l’oppresseur, et je connais des Ukrainiens qui le font aussi. N’est-il pas écrit qu’il faut aimer ses ennemis et prier pour ceux qui vous persécutent ? » En effet, je ne peux pas dire le contraire. Le texte biblique offre plusieurs interprétations mais dans ce cas, je réalise comme ce verset peut faire le jeu des dictateurs. Un théologien célèbre disait, l’idéal serait que le Diable lui-même se convertisse à Dieu… Mais c’est vrai, prier pour que les oppresseurs soient touchés par Dieu… pourquoi pas ? Prier pour les ennemis, c’est affirmer qu’eux aussi sont dans la main de Dieu. Un autre théologien célèbre, protestant et Suisse, enseignant en Allemagne dans les années 1930, répondait à un questionneur : « A propos d’Hitler, je ne peux dire qu’une chose : Jésus-Christ est mort pour lui. »
Mais je pense aussi à l’attitude de Jésus. Sa façon de s’opposer frontalement aux pharisiens, ces champions de la foi qui écrasaient leurs compatriotes sous de multiples règlements. Ou bien sa façon de prendre résolument la défense des maltraités, quitte à se mettre à dos leurs oppresseurs. Ou encore sa façon de bousculer violemment certains vendeurs qui faisaient commerce sur le parvis du Temple. Il l’a payé de sa vie.
Je ne crois pas à une Parole de Dieu qui me garderait toujours au chaud. Elle m’oblige dans bien des situations, à sortir de ma zone de confort, à m’engager. Et sans doute à agir.
Et aussi à réaliser que je dois prier parfois : délivre-moi d’être oppresseur, pour l’autre, pour la Création.
Oui, délivre-nous de toute oppression et soutiens les opprimés.
Thierry Baldensperger, EERV
Agent double
Thomas appelé Didyme est un disciple de Jésus. Littéralement, son nom est « jumeau, appelé jumeau ». Thomas en araméen et Didyme en grec signifient : jumeau. Thomas était peut-être l’un de deux, mais plus intéressant est de le considérer comme un être double, deux en un. Tantôt croyant, tantôt dubitatif, loyal et récalcitrant, enthousiaste et amer. En cela, il ressemble à beaucoup d’entre nous, rarement d’un seul avis, mais souvent partagé.
Et il n’y a pas de mal à cela, semble dire l’évangile. Même si l’Eglise a dépeint Thomas comme un incrédule. Double n’est pas loin de duplicité : l’agent double est pire que l’agent qui espionne pour un seul pays. Mais à sa manière double, Thomas est exemplaire.
Quand Jésus décide de se rendre à Jérusalem contre l’avis de ses disciples. Thomas dit : « Allons, nous aussi, et mourrons avec lui » (Jean 11). Qu’exprime-t-il ? De l’humour noir, la fidélité jusqu’au bout, la résignation, l’impression que rien ne pourra le faire changer d’avis. Traduit librement : « C’est du suicide, mais allons-y », une phrase ouverte à toutes les interprétations. En Jean 14, Thomas dit : « Nous ne savons même pas où tu vas, comment en connaîtrions-nous le chemin ? » Thomas ne dit pas oui et amen à Jésus, mais il attend des précisions, des explications. Et en cela, il est très contemporain. Enfin, le jour de Pâques, Thomas n'était pas là lorsque Jésus apparut à ses disciples. Thomas affirme qu’il croira, seulement après avoir touché les marques de la crucifixion. Mais devant le Ressuscité, qui lui souhaite la paix, son doute s’évanouit.
Un beau moment : lorsque les idées diverses, les contraires et les contradictoires s’apaisent. Mais avant ce moment, et aussi après, les points de vue doubles subsistent en chacun de nous et il n’y a pas de mal à cela. Le doute de Thomas lui a permis d’aller plus loin et ,dans son doute, il se montre un croyant exemplaire.
Frans van Binsbergen
Pasteur EERV - Yvonand
Ton nom
Elle est venue au monde ce matin
délicate, menue, comme ciselée,
un visage tellement bien dessiné
miracle de la Vie, c’est une toute petite fille…
Au cœur des tristes nouvelles du monde,
un NOM a été prononcé.
Souffle d’espérance, éclat d’une promesse,
elle l’a entendu pour la première fois.
SON NOM, premier geste de l’amour !
« Ton nom est inscrit dans la paume de mes mains
et ton image ne quitte pas mes yeux » dit Dieu.
Un être et son nom : unique, inaliénable, précieux, infiniment !
Alors, toi qui lis, prononce ton nom,
malgré tes défauts, ose la tendresse !
Vas-y, écoute…
… dans ta voix, l’amour de Dieu.
Jean-Christophe Jaermann
Elections
Je me sens comme le petit singe sur le haut du mur
En train de regarder les images et les noms de celles et ceux qui nous sont proposé,e,s. J’hésite, je ne sais pas trop…
On a passé aux urnes
On a choisi des noms ou des partis ou des gens connus
On a voté pour elles et pour eux
On les a élus !
Sacrée responsabilité…
Je me suis décidée, j’ai fait mon choix
J’ai confiance et je m’inquiète aussi
Alors je grimpe sur l’échelle en arrière-plan
Et je m’adresse au ciel en disant
Merci pour la liberté d’expression
Merci pour celles et ceux qui osent s’engager
Dieu s’il te plait envoie sur chacune et chacun
Ta bénédiction et ta protection.
Amen tha
Une promesse de repos
On a tendance à reprocher beaucoup de choses à la pensée chrétienne, et en particulier à Saint Augustin, à qui on doit l’idée de péché originel. Il est clair qu’il n’est pas très réjouissant d’imaginer que nous sommes marqués par une faute qui aurait été commise par nos ancêtres. Mais personne ne nous demande d’être d’accord avec tout ce qu’il a dit ! Et comme souvent, on a tendance à ne retenir que le pire. Je pense en particulier à la très belle interprétation que fait Augustin du règne de Dieu.
Pour lui, l’être humain est appelé avant tout à vivre une libération. Il insiste sur le renouvellement de chacun-e en Christ. C’est l’une des richesses de sa pensée : il n’y a pas d’immobilisme et de repli sur soi possibles, de désespoir qui ne puisse être transfiguré par la foi. Le monde est certes sous le coup du péché, et Augustin n’a jamais prétendu le contraire ; il est même condamné aux flammes et à la destruction à la fin des temps – les scientifiques le disent aussi, avec la mort de notre soleil.
Mais Augustin apporte une dimension de plus : ce monde est aussi touché par la grâce de Dieu et par Son amour pour la création, qui nous a été transmis par Jésus. Notre cœur est ainsi renouvelé par la foi, qui nous libère du désespoir. Augustin affirme ainsi la vérité puissante et profonde que l’être humain n’est pas condamné à errer seul sur terre dans le tourment ou à demeurer dans le néant de la mort : le règne du Christ a bel et bien commencé, et c’est le repos éternel qui nous est promis.
C’est ainsi que la dimension spirituelle de l’interprétation du règne de Dieu prend tout son sens. Celle-ci appelle à un engagement dans le présent, avec la certitude que notre action dans le monde et pour le monde n’est pas veine, mais déterminante. C’est là le sens de la vie chrétienne.
Et la promesse de la venue du repos éternel en Dieu, et celle du don de sa paix, ici et maintenant, contribuent à donner la volonté de s’engager. N’y a-t-il rien de plus beau que de faire des efforts quand on nous promet le repos, que l’on sait que la quiétude, ultimement, nous attend ?
Sophie Maillefer, étudiante en théologie
Courage !
« Soyez courageux », « gardez courage », disait l’apôtre Paul dans les temps troublés qu’ont connus les premières communautés chrétiennes. Le courage est une disposition du cœur, dont il partage l’origine : courage et cœur appartiennent à la même famille de mots. Savoir tenir ferme, se tenir debout malgré les épreuves, avec cœur. C’est le défi qui nous est posé dans les difficultés. Pour le théologien Paul Tillich, il était même question du « courage d’être », de continuer à s’affirmer, dans l’espérance.
SM
Un moment de grâce…
On nous parle
du monde d’avant,
du monde d’après.
Mon regard l’aperçoit,
lui, si petit, bien loin
de ces préoccupations.
Il nage sous le soleil matinal.
Ces mots de Jacques 3,17
se glissent à mon oreille:
la sagesse d'en haut est pure,
… elle est pacifique,
douce et raisonnable;
elle est riche en bonté,
… elle agit avec bienveillance;
elle est sans parti pris, sans hypocrisie.
Lui, avec son sillage à peine visible,
m’invite à savourer l’instant présent.
La bible à méditer sur l’essentiel.
Tous les deux me pacifient.
SJB
Prier
Le mot «prière» vient du latin precari… Est-ce que cela ne vous fait pas penser à «précarité»? Eh oui, «prière» et «précarité» ont la même racine! Lorsque je prie, il m’arrive d’exprimer un besoin, une demande… mais il n’y a pas que cela! La prière est dialogue avec Dieu, et elle me permet de dire «merci», d’exprimer mes émotions, de me libérer de certaines choses trop lourdes qui ne peuvent plus être tues, et qui doivent trouver un chemin de parole. Elle me permet de mettre des mots sur ce qui m’arrive, et par là de prendre distance des situations difficiles; par la prière, je peux mettre des mots sur des maux. Il y a tant de façons de prier, en m’émerveillant de ce que je vois et découvre, par exemple dans la nature; ou le cœur lourd au chevet d’une personne malade; inquiet à l’écoute des informations du moment; sereinement en chantant, ou élégamment en dansant… Je peux prier seul, en duo, en famille, en communauté… Il y a une variété folle de manières et de situations pour prier. Et ce qui est beau, c’est que la prière peut aussi être silencieuse. Ce que j’aime dans cette idée de prier en silence, c’est de me dire que si Dieu est partout, il est aussi en moi. L’apôtre Paul a écrit : «Vous savez sûrement que vous êtes le temple de Dieu et que l'Esprit de Dieu habite en vous» (1 Co 3,16). Dans le silence, je suis invitée à rejoindre le Seigneur au plus profond de moi, à écouter ce qu’il me dit, à sentir sa force en moi.
Anne-Christine Rapin,
pasteure, EERV
Traces…
Il y en a qui surfent, d’autres qui skient; il y en a qui marchent, d’autres qui font de la raquette; il y en a qui descendent, d’autres qui montent ; il y en a qui coupent en travers et d’autres qui restent tout simplement chez eux… A chacun.e sa trace !
Seigneur, dans la vie, il y a de tout, pour tous. Tu nous laisses libres et responsables du mode de déplacement et de la direction que nous voulons prendre.
Sur notre chemin de chaque jour, donnes-nous d’être attentifs aux signes de ta présence; de percevoir ce regard bienveillant que tu poses sur nous; et d’entendre ta voix qui nous dis: «Je trouve ma joie en toi, va de l’avant avec confiance!».
Amen!
ACR
Sarrebourg
Ces jours, le bruit des bottes aux frontières de l’Ukraine le rappelle : la paix n’est jamais acquise. Le magnifique vitrail de Chagall nous inspire. Il se trouve en Lorraine, une terre proche et éprouvée par tant de guerres. Vision de paix avec les animaux « Alors le loup séjournera avec l'agneau, la panthère se couchera près du chevreau. Le veau et le lionceau se nourriront ensemble » (Esaïe 11), entre les nations et entre les hommes. Au centre d’un bouquet éclatant de roses et de rouges figure le couple originel, deux êtres humains qui s’allient. La vie est dans la relation à l’autre, pacifiée et réconciliée. A voir aujourd’hui pour espérer demain. (FvB)
Légende photo: Marc Chagall, Vitrail pour la paix, Chapelle des Cordeliers, Sarrebourg @FvB
La clé au cou
J’ai un souvenir d’enfance de quelques montagnes parcourues dans le Binntal, en Valais. Ce coin est réputé pour ses cristaux. Ce qui m’avait frappé le plus n’était pas la beauté sublime du coin, ni les quelques morceaux de cristaux trouvés ici ou là, non, c’est tout autre chose.
Cette vallée avait la réputation de vivre en laissant les maisons ouvertes, toujours. Certaines n’avaient même pas de serrures disaient les anciens. Enfant, je comprenais ce paradoxe, moi qui habitais en ville et qui allait à l’école avec la clé autour du cou, pendue par un vague lacet.
Adulte, j’ai mesuré le changement du monde. Et les clés ne se sont pas posées que sur les maisons, les appartements. Elles sont partout, dans les digicodes, les comptes en banques, les téléphones, la voiture, l’ordinateur etc… Comment vivre aujourd’hui en sécurité sans bloquer les accès à nos vies privées ? Ce serait fou. Irréaliste. Dangereux. Vivre sans clés.
Il y a quelque chose de l’ordre du paradis que de penser que l’on pourrait vivre sans clé. Et que l’on peut s’ouvrir aussi aux autres, sans filtres, sans clés. Il y a quelque chose de l’ordre du passé, un passé pas forcément toujours idéal, peut-être fantasmé ou alors quelque chose de l’ordre du promis.
Croire aujourd’hui en des lendemains sans serrures et sans clés, c’est assurément un rêve. Un rêve que quelques ermites pauvres, ou quelques pauvres migrants vivent. Un rêve ou un cauchemar.
Mais une clé peut apporter aussi son bien, du positif. La clé de l’énigme, le mot-croisé qui s’ouvre, la clé du sudoku, la compréhension tout à coup d’une histoire de vie, la clé d’un souvenir, ce verrou qui saute et qui libère, fais sourire, ou rassure, fais plaisir, fait avancer. La clé d’un bonheur.
Nous cherchons nos clés souvent. Nos contemporains cherchent leurs clés. Jésus n’a jamais dit « je suis la clé », mais il a dit « je suis la porte des brebis », et là, je comprends ce monde de confiance.
François Lemrich, Grandson
C’était pour rire…
Le film « Dont’t look up » (Ne levez pas la tête) du réalisateur Adam McKay a eu beaucoup de succès. Mais ce cadeau de Noël, malgré l’emballage très attrayant affichant une brochette de stars offre un contenu plus qu’inquiétant.
Le sujet de la fin du monde est régulièrement abordé par des livres et des films. Mais à l’inverse du scénario traditionnel où le monde est sauvé in extremis par un héros qui se sacrifie, ce film-ci nous entraîne inexorablement vers une fin dont nous sommes les spectateurs ahuris et impuissants.
Chacun·e y est enfermé·e dans son petit monde (politique, financier…) et ne voit pas plus loin que ses propres intérêts. Une sorte d’anesthésie générale contre laquelle les scientifiques sont impuissants. L’issue sera de toute façon tragique, mieux vaut en rire. Personnes responsables et engagées, veuillez vous abstenir.
Est-ce que ce scénario si particulier peut contribuer à ce que nos sociétés décident de s’orienter vers un meilleur avenir ? On peut en douter. Malgré l’alerte récurrente des études scientifiques. Et puis, entre le pouvoir armé d’une cohorte de dictateurs, l’argent roi, une pandémie dont on n’est pas sorti et le fait que nous n’ayons pas vraiment fait les frais du désastre climatique, la prise de conscience sera longue.
Les histoires de fin du monde sont vieilles comme… le monde. Dans le texte biblique, on les regroupe sous le nom d’« apocalypses », un mot que l’on traduit par « dé- voiler ».
Les récits apocalyptiques bibliques sont destinés à donner espoir et courage aux croyants en détresse. Ils invitent à « lever la tête » plutôt qu’à renoncer, à regarder les choses en face plutôt qu’à se voiler la face ! Il ne s’agit pas de nier la réalité du malheur, mais de refuser de se laisser dominer. Regarder à Dieu, c’est une façon d’agrandir l’horizon en même temps que de se redonner un espace de respiration.
L’esprit des apocalypses nous est donné par ce verset : « Quand tu entendras un bruit de pas dans les cimes des mûriers, alors dépêche-toi, car c’est le Seigneur qui se met en campagne devant toi… » (II Sam 5,24).
Il s’agit d’une prise de conscience et d’une mise en route. On est loin de se replier sur ses propres intérêts, on est loin d’en rire… on veut s’en sortir ! Avec l’appui de Dieu.
Thierry Baldensperger, pasteur EERV
Transmission
Elle est installée sur la table que son grand-père
est entrain de ciseler
Il lui a même confié un outil !
Elle est fière et ravie.
L’aîné encore plus :
Il déborde de fierté et de bonheur.
Etre entouré de ses petits enfants
Au cœur du marché,
Continuer de sculpter, ciseler, décorer
Le plateau de la table en devenir
Avec soins et passion
C’est l’art d’aimer ce qu’on fait,
les siens et ce qu’on est.
C’est l’art de la transmission !
Donne-nous Seigneur d’imiter
Le vieux Ibrahim.
tha
La vie dans les racines
En hiver, les arbres nus ont mis leur vie à l’abri dans les racines. Mais ils restent, peut-être, sensibles à la lumière… En certitude d’un prochain printemps.
Pour nous autres, comment rester sensibles à la lumière, alors que la vie parfois, les forces, le moral sont « dans les chaussettes » ? A moins que ce ne soit : dans les racines. Qui abritent quoi, comme sève ?
Seigneur, quand la vie me semble nue, froide, viens jusque dans mes racines, rappelle-moi la vie qu’elles contiennent. Que je puisse aussi redire à d’autres la vie cachée dans leurs racines. Amen
FS
Comment voir l’invisible
De nos jours, il faut se montrer, être visible. Que ce soit dans le virtuel, sur la toile, dans les vitrines des magasins ou à la une des journaux : sans visibilité, vous n’existez tout simplement pas. Souvent ce qui est exposé importe moins que la visibilité en elle-même.
Autour de Noël, le visuel joue un grand rôle : les mages d’Orient voient l’étoile qui les guidera jusqu’à l’endroit où ils verront le messie. Et les bergers quittent les champs pour voir l’enfant nouveau-né, le signe qui leur fera reconnaître le Christ. Et l’évangéliste Jean (1.14) peut affirmer : « le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire ».
Mais pour nous, après (et même pendant) les fêtes, c’est moins évident : nous peinons à voir Dieu à l’œuvre aujourd’hui dans nos vies, sa gloire, son influence et son rayonnement dans le quotidien du monde. Un déficit flagrant de visibilité. Croire sans rien voir, aveuglément, ce n’est pas simple. Même Moïse aimerait bien contempler sa gloire, avoir un peu plus de visibilité sur Dieu. Pour lui, comme pour Dieu, c’est un dilemme : personne ne peut voir Dieu en face et rester en vie, mais comment vivre si la gloire de Dieu demeure cachée ? Alors Dieu propose de passer devant lui en manifestant sa gloire, mais en même temps de couvrir Moïse de sa main « jusqu’à ce que je sois passé. Ensuite, je retirerai ma main et tu me verras de dos » (Exode 33,23).
Seulement après son passage, après coup, il est possible de dire que Dieu n’était pas absent, mais bien là, à l’œuvre. Peut-être est-ce une consolation de pouvoir voir après coup les traces de sa bonté parmi nous. Une visibilité suffisante pour garder la foi.
Prendre soin car chaque autre est précieux
Alors que les hôpitaux se remplissent et que les soignants sont touchés par une diminution des effectifs dues aux quarantaine, aux départs et à l’épuisement, la nécessité de prendre soin de ceux et celles qui nous entourent se rappelle brusquement à nous. Nous avions peut-être oublié toutes ses personnes qui travaillent bien souvent dans l’ombre afin de garantir notre santé au quotidien. Aujourd’hui la réalité et l’importance des soins se manifestent à nous.
Plus globalement, c’est la réalité de notre interdépendance qui est soulignée avec les mesures de quarantaine qui pèsent sur de nombreux secteurs. Même si notre société s’individualise petit à petit, nous avons toujours besoin, plus que nous en sommes conscients, des uns et des autres. Nous avons besoin de ce que chacun et chacune apporte à la collectivité. Il nous faut donc prendre soin les uns des autres, de l’ensemble du corps de notre société, comme nous prenons soin de l’ensemble de notre corps.
Lors de son dernier repas, Jésus lave les pieds de ses disciples. Cette tâches est d’ordinaire confiée à un serviteur, au plus petit de ceux-ci. Or ce soir-là, c’est Jésus lui-même, le maître, qui va laver les pieds de ses disciples. S’agenouillant devant eux, il va prendre soin de cette partie du corps souvent dénigrée, peu mise en avant, alors que c’est celle-ci qui sert de base, de fondation à l’ensemble du corps, qui permet à celui-ci d’avancer.
Prendre soin, ce n’est pas une tâche basse. Au contraire, ce que Jésus explique à ses disciples c’est que prendre soin est la plus noble des tâches, la plus essentielle qu’il soit. C’est à cette occasion qu’il donne ce commandement nouveau : « aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». C’est une invitation à toujours considérer la communauté et la société comme un ensemble précieux sans lequel nous ne pouvons pas vivre. Chaque membre de cette communauté doit être aimé et soutenu par les autres car nous avons besoin de chacun et de chacune.
Christophe Collaud, Pasteur EERV