Comment, pourquoi s'être engagé dans l'accueil des Ukrainiens ?

L'histoire a commencé par une inscription sur le site de l'OSAR fin février pour accueillir une famille ukrainienne, sans trop savoir pourquoi, je n'ai pas osé en parler à mon épouse sur le moment... au bout de 3 jours, je me suis quand même dit que ce serait pas mal de lui en parler... et dans la discussion, elle m'avoue qu'elle s'était aussi inscrite sans m'en avoir parlé encore.

Puis les choses se sont précipités, par un autre réseau que l'OSAR, une connaissance m'a proposé le jeudi après-midi d'accueillir une famille qui était censé arrivé le samedi en fin d'après-midi. Les nuits de jeudi et vendredi, nous avons mal dormi avec mon épouse.

Nous avons discuté avec notre voisin qui possède une petite dépendance à 3 mètres de chez nous (mais sans cuisine ni salle de bain) s'il nous la mettait à disposition pour accueillir une famille ukrainienne. Son oui a été le top départ. Mais il fallait meubler entièrement cette maison, trouver 4 lits et là, on peut parfois râler sur les réseaux sociaux, mais une publication sur facebook nous a permis en moins de 24 heures de trouver tout le matériel. Nous avons passé la journée du samedi à nettoyer cette petite maison de 2 pièces avec des bénévoles d'Essertines et de Gimel. Cette famille de réfugiés est arrivée le samedi soir vers 19h30, nous venions de finir le grand nettoyage de cette maison inoccupée pendant 30 ans.

 

Facile pour nous car nous avions la possibilité de les loger à 3 mètre de chez nous en partageons seulement la cuisine et la salle de bain, mais pour d'autres personnes, accueillir quelqu'un pour une durée indéterminée est pratiquement impossible. Et puis l'accueil ne demande pas que de la place physique mais aussi de la place mentale. C'est mon premier article que j'ai rédigé sur le sujet de l'accueil : la place physique et la place psychique

A partir du 12 mars les choses se sont enchaînées rapidement. Beaucoup de paroissiens ou de connaissances (ou parfois d’inconnus) se sont adressés à moi pour savoir comment faire pour accueillir des réfugiés. Nous avons rapidement monté une petite structure bénévole en lien avec la paroisse où nous avons répertoriés les offres d’accueil de familles suisses dans notre paroisse et les besoins de logements des réfugiés.

Les Ukrainiens habitant chez moi s’occupaient des contacts avec les réfugiés en Ukraine, en Pologne ou sur le chemin de la Suisse, tandis que je m’occupais du placement dans les familles d’accueil. A ceci s’est ajouté, le projet d’accueil mené par Catherine Martin et Isabelle Rubin dans une maison à Longirod mis à disposition par le Département missionnaire où nous avons pu placer 19 personnes, grâce au soutien des habitants, de la commune et de réseaux de bénévoles. En tout, nous avons placé plus de quatre-vingt personnes. La paroisse de Gimel-Longirod a vraiment œuvré à sa manière au commandement de l’Ancien Testament de prendre soin de la « veuve, de l’orphelin et de l’étranger » et à l’accueil inconditionnel du Christ.

Je me suis souvent demandé pourquoi je m'étais engagé dans l'accueil d'Ukrainiens, alors que je ne m'étais jamais engagé lors d'autres flux migratoire ? Pourquoi les suisses ont été si solidaire, généreux  et si prêt à aider alors que souvent les réfugiés ont beaucoup de peine à être accueilli en Suisse ? Le fruit de cette réflexion est cet article que j'ai publié dans le journal de Morges en juin : la veuve et l'orphelin 

Rien n'est parfait, tout est compliqué et l'aventure continue. Avec l'équipe de bénévoles, Anna et Dima, nous avons passé des dizaines (centaines ?) d'heures pour gérer les arrivées, faire matcher la famille Suisse et Ukrainienne... parfois nous avions l'impression d'être à la fois une agence immobilière et une agence de rencontres... Des journées de folie: 227 SMS ou What's app échangés 55 téléphones en une seule journée du mois de mars (le record)...
Le coté amusant dans tout cela, c'est que de l'extérieur, beaucoup de personnes avaient l'impression que je m'occupais de familles ukrainiennes, alors que dans les faits, je m'occupais juste de gérer la solidarité de familles Suisse et de préparer l'accueil chez eux d'une famille de réfugiés. Durant cette période de mars à mai, je n'ai jamais fait autant de visites à des paroissiens éloignés de l'Eglise (que je ne connaissais pas du tout).

Un moment fort a été de réunir toutes ces personnes, les premiers ukrainiens arrivés en Suisse, les paroissiens classiques et les familles Suisses accueillant des réfugiés le vendredi saint au soir pour une veillée de prière:

Ce temps entre le 10 mars et mi-juillet a été pour moi un temps hors case et hors cadre, en général, la société civile (en particulier l'école) se méfie un peu de l'institution de l'Eglise et des pasteurs, mais tout d'un coup, le pragmatisme a complètement pris le dessus. J'ai passé plusieurs heures en séance avec des responsables des écoles du coin à organiser l'accueil des enfants ukrainiens en classe, j'ai reçu des demandes pour trouver des psychologiques, maîtresses d'école, logopédistes ukrainiennes et les envoyer à la direction des écoles vaudoise. J'ai été contacté par des infirmières, assistantes sociales du CHUV (sans savoir comment elles avaient obtenu mon numéro de téléphone) pour trouver des lieux d'hébergement pour des familles d'enfants ukrainiens souffrant d'un cancer et hospitalisés au Chuv, etc.

Il est impossible de faire tout juste dans une telle situation de crise et je sais parfaitement que je me suis trompé, que j'ai pu décevoir des gens ou que j'ai pu blesser certaines personnes. Néanmoins, en ayant discuté plusieurs fois avec notre team (Isabelle, Catherine, Dima et Anna), nous avons fait beaucoup. Il faut se rappeler qu'à part, les écoles (directeurs, maîtresse, etc.), l'administration fédérale ou cantonale (Evam) était complètement dépassée et impossible à atteindre ou incapable de donner une réponse claire.

Simplement, je crois que je suis fier de ce que nous avons fait et j'aimerais remercier mon épouse, mes enfants, Isabelle, Catherine, Anna, Dima, le conseil de paroisse de Gimel-Longirod dans son ensemble, mon collègue pasteur Emmanuel , Claude (CR), Sandro (CR), Philippe (DM), le DM, Catherine, Jérôme, Sarah, Paul, Snezhana, Léo, Ruth, Jean-Patrick, Claude, Diane, le Père Alexandre, Simon Aladjem (EVAM), toutes les personnes qui se sont adressé à nous pour accueillir des familles de réfugiés, tous les bénévoles qui m'ont donnés du temps, un lit, un frigo, une armoire, des draps, parfois de l'argent, des jouets, etc., tous les bénévoles qui ont monté des cours de français, les communes de Longirod, Essertines, Gimel, les écoles de Mont-sur-Rolle, Gimel, St-George, Begnins, etc.
La liste est longue et je suis sûr d'oublier des noms, des rencontres passionnantes et pour m'en sortir si jamais un nom a été oublié rappelez-vous cette parole du Christ:

 

Pensée du jour

4e dimanche de l’Avent (Luc 1,57–66)

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