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Pendant que mes cheveux poussent… les graines poussent et les oiseaux font leurs nids !

"Pendant que mes cheveux poussent"... une chanson moins anodine qu'il n'y paraît

D'après une réflexion de Christian Vez, pasteur

Cette chanson nous invite à penser à tout ce qui se passe autour de nous et en nous sans que nous nous en rendions toujours forcément compte. Songez par exemple à tout ce qui va se passer au cours des quelques minutes durant lesquelles vous allez lire cette méditation !
Pendant ce bref laps de temps, quelque part sur terre, des ovules vont être fécondés, des enfants venir au monde, d’autres vivants vont passer de vie à trépas, des gens vont tomber amoureux, tandis que d’autres vont rompre, certains vont s’embrasser et d’autres se déchirer.
La marche du monde est ainsi faite qu’elle ne s’arrête jamais. Et même si vous demeurez immobiles, concentrés sur votre lecture, votre cœur continuera heureusement de battre, votre sang de couler dans vos veines pour véhiculer l’oxygène inhalé par vos poumons, votre système digestif restera en activité, même votre inconscient s’agitera en vous proposant des images ou des associations d’idées plus ou moins saugrenues, jusqu’à vos ongles et vos cheveux qui continueront de pousser.

 

ʺLa vie continueʺ
Rien n’arrête en effet jamais la marche du monde. Il s’y passe toujours quelque chose, comme dans chacune de nos vies. Car c’est précisément là le propre de la vie.
Et le plus étonnant, c’est que nous trouvons cela normal. ʺLa vie continueʺ, dit-on parfois, un brin fataliste, alors que c’est tout à fait extraordinaire en réalité.
La vie continue.
Et en continuant ainsi, elle nous offre du grain à moudre, au sens propre pour nourrir nos estomacs, comme au sens figuré, pour nourrir notre réflexion. 

La providence d’une vie généreuse
Les anciens parlaient de la providence divine pour décrire cette générosité de la vie qui nous permet de subvenir ainsi à nos différents besoins. Dans leur représentation des choses, cette abondance que l’on retrouve au moment des récoltes était l’œuvre de Dieu, le signe tangible de sa générosité et de sa bonté.
Si l’on prend un peu de recul, on ne peut effectivement qu’être fasciné par le foisonnement de vie qui grouille sur notre planète bleue, elle qui semble perdue aux confins d’une galaxie, elle-même totalement anodine dans notre vaste univers.
Les auteurs bibliques ne manquaient d’ailleurs pas de s’émerveiller de la richesse et de la complexité de la création, dont le fonctionnement multi-millénaire semble insaisissable et inarrêtable.

La providence en péril
Aujourd’hui, notre regard s’est toutefois un peu transformé, car nous avons pris conscience de la fragilité des écosystèmes, de l’interdépendance du Vivant et des risques que la folie humaine fait courir à cette providence désormais en péril.
Le plus surprenant, c’est que Dieu semble ne pas s’en soucier outre mesure. Si les humains abîment la création qu’il leur a confiée, ce n’est apparemment pas sur lui qu’il faudra compter pour réparer les dégâts.
Certains mystiques juifs parlent de ce détachement de Dieu face à sa création en lui donnant le nom étrange de tsimtsoum.
Pour eux, il s’agit de concevoir le Dieu créateur comme Celui qui s’est retiré de son œuvre pour lui permettre d’exister.

« Dieu a créé l’homme comme la mer a fait les continents, en se retirant », disait le poète Friedrich Hölderlin. 
Dans cette optique, l’univers entier et la terre en particulier ont pu voir le jour grâce au repli de Dieu qui a volontairement fait place à autre chose que lui, alors que sa présence est par ailleurs bien plus vaste que l’univers.
Pour établir une relation d’amour avec ses créatures, il lui était en effet indispensable de leur laisser de la place, afin qu’émerge une véritable altérité, un vis-à-vis bénéficiant d’une liberté et une indépendance totale.
C’est ainsi que si le monde tourne plus ou moins rond, il le fait sans que Dieu n’y soit plus pour grand-chose, car sa Création est autonome. Elle n’a plus besoin de son action pour exister.
 

Quand Jésus décrit un monde idéal
Dans l’Evangile, Jésus reprend cette idée au travers d’une toute petite histoire à laquelle la tradition a donné le titre de : « Parabole de la graine qui pousse toute seule. »

Cette histoire plutôt banale semble faire injure au travail des paysans qui œuvrent à longueur d’année pour permettre à la récolte d’avoir lieu. Mais elle met surtout l’accent sur le phénomène extraordinaire de la germination et de la prodigalité de la nature. Même si ce phénomène peut être mis à mal par les conditions météo, les animaux ravageurs ou les maladies, il n’en demeure pas moins que ce ne sont ni les paysans ni même Dieu qui font pousser les épis, nous rappelle Jésus, mais bien la terre elle-même, équipée qu’elle est pour cela. Tout l’enjeu de notre époque consiste à agir  pour permettre à ce phénomène extraordinaire de perdurer, donc à la terre de demeurer fertile et à la providence divine de continuer ainsi de nous nourrir.

Mais Jésus ne s’arrête pas là. Car à cette première parabole, il en ajoute immédiatement une deuxième que voici : « Parabole de la graine de moutarde ».

Si cette nouvelle comparaison de Jésus reste dans le domaine agricole, la perspective change toutefois. On est passé des céréales nourricières au plant de moutarde, qui produit un condiment donnant du goût à ce que nous mangeons.
En outre, l’accent n’est plus mis sur la prodigalité de la nature, mais sur le contraste entre la graine minuscule et la plante magnifique qui en émerge.
On retrouve là un trait caractéristique du message de l’Evangile : c’est toujours dans les petites choses que se manifeste l’action de Dieu.
Enfin, l’aboutissement de cette nouvelle parabole n’est pas la moisson ou la cueillette des fruits du plant de moutarde, mais l’accueil des oiseaux qui viennent nicher à son ombre.
J’y vois un autre aspect de la providence divine : celui qui la voit s’inviter en toute discrétion au plus profond de nos âmes.

Pour Christian Vez, cette histoire est entré en résonance avec un texte appris pour un spectacle et écrit par Antoine, un homme qui a entrepris un jeûne de 30 jours, comme une retraite spirituelle pour retrouver ce qui fait l'essentiel de sa vie.
Antoine écrit : « Nous naissons sans mode d’emploi et devons passer toute notre vie à le trouver tant bien que mal. Le sens profond des choses de l’existence – de la vie qui inclut la mort – tout cela nous échappe et nous échappera toujours. La vie vaut pourtant la peine d’être vécue, notamment pour ces brefs instants où notre conscience s’élargit à l’universel, communie avec Dieu et son immense univers. Dans ces moments-là, j’ai le sentiment d’être touché par la grâce, d’entrer dans une communion qui va au-delà de la pensée. Une empreinte s’imprime alors au plus profond de mon âme. Et cette pépite qui reste enfouie en moi me paraît être la vraie connaissance de tout : de tout ce que nous ignorons et qui se voile à notre intelligence. Mais aussi le but de notre passage ici-bas. 
Ces brefs instants d’élévation spirituelle nous font grandir, nous tirent vers le haut.»

La graine de moutarde dont parlait Jésus pourrait donc également ressembler à cette pépite évoquée par Antoine. Les deux images décrivent la relation inespérée qui s’établit entre nous, tout petits humains que nous sommes, et le Dieu dont la grandeur dépasse l’univers.
Il s’agit là d’un tout petit rien dont nous sommes le plus souvent à peine conscients, pris que nous sommes par toute l’agitation du quotidien.
Mais ce petit rien est riche d’un potentiel incroyable. Il nous fait grandir. Il nous tire vers le haut, nous disent en chœur Jésus et Antoine.
 

Quand le ciel se niche à l’ombre de nos vies
Mais la parabole de Jésus va encore plus loin. Elle se termine par l’arrivée des oiseaux qui viennent nicher à l’ombre des plants de moutarde surgis de la graine.
Christian Vez voit dans cette belle image des oiseaux qui descendent du ciel où ils virevoltent pour s’installer sur terre une illustration de l’action de Dieu lui-même.
Dans la Bible, on symbolise souvent le Saint-Esprit par un oiseau. L’Evangile nous raconte même qu’une colombe descendit du ciel pour se poser sur Jésus au jour de son baptême.
En accueillant ces oiseaux à l’ombre de nos vies, c’est une part du ciel, donc de Dieu, à qui nous offrons un abri.
A la providence divine qui nous nourrit, Jésus ajoute ainsi ces plants de moutarde qui représentent notre être intérieur.
Il nous dit que nous sommes à la fois les porteurs d’une saveur qui donne du goût à la vie, mais aussi les hôtes de la douceur d’un nid divin, pour notre plus grand bonheur et le bonheur de celles et ceux que nous côtoyons.
Tout cela, pendant que nos cheveux – ou ce qu’il en reste ! – poussent…


Pensée du jour

Exalter / exulter (Luc 1,46-56)

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