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Aller voir l'enfant de lumière !

La vue est étroitement liée à l’attention. On prête attention à ce qu’on voit, on regarde ce qui attire notre attention. Lorsque les autres sens ont attiré notre attention, notre regard se tourne et alors on se focalise sur l’objet, le sujet et on peut déterminer s’il y a danger, gain ou responsabilité. Et ainsi décider, plus ou moins consciemment, du degré de concentration que nous voulons accorder à cet objet ou sujet. D’ailleurs, lorsque l’on parle de vue, il y a en français plus de cinquante verbes pour exprimer ce sens : apercevoir, admirer, apprécier, braquer, distinguer, entrapercevoir, fixer, observer, lorgner, etc. En hébreu et en grec, nous retrouvons également plusieurs mots différents pour exprimer ce sens et déployer les différentes visions : d’apercevoir à observer, d’examiner à contempler, d’apparaître à se faire voir, etc.

« De nos cinq sens, la vision, le plus tard apparu dans l’ordre de la phylogénèse (évolution), est celui qui a la plus longue portée. […] La vue est capable de percevoir – à condition que l’atmosphère soit non polluée et sèche – les photons émis par la braise incandescente d’une cigarette à près de 30 kilomètres ! C’est dire que la profondeur de champ de leur vue constitue, pour les mammifères, le moyen de prévoir, dans le meilleur délai, l’avènement d’un danger et d’augmenter d’autant leur chance de survie. »

« L’intelligence du regard qui porte alentour, sur le milieu, est fonction du nombre de mes neurones – plusieurs milliards – et du réseau incommensurable des connexions nouées entre eux. De plus, le recours historique aux prothèses optiques – besicle, paire de lunettes, télescope, microscope, etc. – lui permet une extension prodigieuse de son rayon d’observation et d’action. Tout l’effort porte, aujourd’hui encore, sur l’invention d’outils permettant de ramener, dans le champ de la vision, des phénomènes qui lui échappent par nature, tels les premiers moments de la création de l’univers ou les particules élémentaires. Le grand collisionneur à hadrons du CERN n’est jamais qu’un oeil de plus de 26 kilomètres de diamètre ouvert sur l’infiniment petit… »

(Jacques MONNIER-RABALL « D’un regard à l’autre », dans Revue Itinéraires n° 93, 2015-2016, p. 8, sur www.calameo.com/read/00227342298f7aaa7699f)

Il y a bien sûr des regards bienveillants, mais aussi des vues malveillantes, sans oublier des yeux jugeurs, et même des yeux doux ! Dans la Bible, les yeux sont liés au coeur.

« L'oeil est la lampe du corps : si ton oeil est en bon état, tout ton corps est éclairé ; mais si ton oeil est malade, tout ton corps est dans l'obscurité. Si donc la lumière qui est en toi est obscurcie, comme cette obscurité sera grande ! »
(Matthieu 6,22-23).

La vue de Dieu, dans le poème de la création, ponctue chaque acte créatif : « Dieu vit que la lumière était une bonne chose, et il sépara la lumière de l'obscurité. » (Genèse 1,4). Et la Bible se termine par le livre de l’Apocalypse qui est un livre retraçant les visions de l’auteur : « Regardez, il vient parmi les nuages ! Tous le verront, même ceux qui l'ont transpercé. Les peuples de la terre entière se lamenteront à son sujet. Oui ! Amen. » (Apocalypse 1,7). Dans son ministère, Jésus n’a cessé de voir et de regarder ceux et celles qui étaient dans l’ombre, dans la nuit. Dans les évangiles, il y a quatre guérisons de nonvoyants. Voir à nouveau fait découvrir la vie autrement. Dans une bande dessinée intitulée "Jésus.Que la lumière soit !" les auteurs racontent un de ces miracles et imaginent le non-voyant gardant son bandeau pour d’abord entendre les bruits, sentir les odeurs puis ouvrir les yeux et avoir une vision de ce qu’il connaissait.
N'est-on pas de fait tous partiellement non-voyants, comme l’exprime le conte hindou des quatre aveugles qui découvrent un éléphant : l’un pense que l’éléphant ressemble à un mur (il avait glissé contre son flanc), le deuxième pense qu’il ressemble à une lance (il avait tâté sa défense), le troisième considère que l’éléphant est un serpent (il avait touché sa trompe) et ainsi de suite. Nul ne peut saisir l’entier du monde, et ainsi détenir la vérité ultime. D’ailleurs, nul ne peut voir Dieu et rester en vie, ainsi qu’il est écrit en Exode 33,20.

Lorsque Dieu se manifeste à Élie, il ne perçoit que son souffle et se couvre le visage (1 Rois 19, 13). Quand un de ses enfants demande « Où est Dieu ? Nous ne le voyons pas ! », Shafique Keshavjee répond : « Je soufflais alors doucement sur vos visages et vous demandais ce que vous aviez vu. “Rien, me répondiez-vous. - N’avez-vous rien ressenti ? - Bien sûr que si ! Alors, Dieu, poursuivais-je, est comme ce souffle. Vous ne le voyez pas, mais vous pouvez sentir ses effets.” Là où il y a de la beauté, de l’amour, de la justice et de la liberté, le Souffle de Dieu est présent… »

(Shafique KESHAVJEE, Dieu à l’usage de mes fils, Paris : Seuil, 2000, p. 52)

Dieu se laisse voir dans la parole des prophètes et il se dévoile dans la présence de Jésus : « Celui qui m'a vu a vu le Père » (Jean 14,9). C’est pourquoi, dans l’Évangile de Luc, les anges invitent les bergers à aller voir l’enfant à Bethléem. Ils préfigurent ainsi les purs dont il est question dans les béatitudes : « Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu ! » (Matthieu 8,5).

Pensée du jour

4e dimanche de l’Avent (Luc 1,57–66)

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