Des applaudissements au silence
La parole est un élément essentiel dans l’histoire de l’humanité et plus particulièrement l’humanité en relation : « Le langage apparaît comme la plus récente des huit transitions majeures dans l’évolution de la vie, permettant l’émergence des sociétés humaines. Plus généralement, l’évolution de la communication permet l’émergence des différents niveaux de sociabilité. »
Origine du langage, Wikipedia, fr.wikipedia.org/wiki/Origine_du_langage
Il n’est pas possible de dater précisément l’apparition du langage dans l’humanité, étant donné qu’il ne laisse pas de trace. Seules les traces écrites et donc des traces d’écritures permettent d’avoir accès au langage oral. La parole est ce qui permet de communiquer, afin d’une part de transmettre des informations qui peuvent être vitales, la présence d’un danger par exemple. La parole permet d’autre part de se dire, de partager des émotions intérieures. Pour parler, il est indispensable d’avoir un cerveau avec une conscience, c’est-à-dire une faculté de connaître sa propre réalité. La parole a besoin d’intelligence pour émerger et la parole fait évoluer l’intelligence.
La parole a d’abord commencé par être des signaux sonores, comme dans le cadre du développement humain : le bébé, durant sa première année de vie, va d’abord crier, puis moduler sa voix pour exprimer différentes émotions et arriver à marmonner des syllabes (Robert CLARKE, Naissance de l’homme. Conscience et Langage, Éd. du Seuil, 1980.). Selon des chercheurs, il y a 200 millions d’années, les Hominiens pouvaient produire des sons combinés en syllabes. Il existait ce qu’on appelle une lallation, un pré-langage comme celui du jeune enfant . (Pour en savoir plus)
Il est intéressant de noter que plusieurs scientifiques pensent que tous les langages humains actuels ont quelque chose de commun : « une structure profonde, fondamentalement identique, qui paraît imprimée dans le patrimoine héréditaire de l’homme. »( Travaux de groupes, L’impact de la voix dans l’acte éducatif, École Sociale et Pédagogique, Lausanne, 1994.) Ce qui fait penser au récit symbolique de la Tour de Babel (Genèse 11, 1-9).
Il est aussi fascinant d’observer comment se forme la voix dans notre corps. Pour parler, il faut des cordes vocales, une trachée, un vestibule pharyngé, le pharynx, la langue, la bouche, les lèvres et les joues, la voûte palatine et le voile du palais, les fosses nasales pour que l’onde sonore devienne une voix. Et il faut ajouter l’intelligence (les neurones, le cerveau, etc.), sans oublier l’ouïe pour que cette voix devienne parole ! En effet, peu de personnes sourdes sont réellement muettes : « Les sourds ont pour la plupart la capacité physique de parler, mais du fait qu’ils n’entendent pas les sons qu’ils produisent, ils sont souvent difficiles à comprendre. Alors ils choisissent de ne pas se servir de leur voix, à cause de l’amalgame qui s’est fait à la longue entre sons inintelligibles et manque d’intelligence. »
(Kathy BLACK, Évangile et handicap, Labor et Fides, 1999, p. 80.)
La parole est ainsi centrale dans notre vie et dans la Bible. C’est par la parole que Dieu crée le monde : « Alors Dieu dit : “Que la lumière paraisse !” et la lumière parut. » (Genèse 1,3). Tout au long de l’histoire de Dieu et des êtres humains, Dieu prend la parole pour appeler des personnes (Abraham en Genèse 12, Moïse en Exode 3, Samuel en 1 Samuel 3, etc.). Il prend la parole pour transmettre un message au travers de ses prophètes. La Parole, le Logos en grec, désigne Jésus dans l’Évangile de Jean : « Au commencement de toutes choses, la Parole existait ; la Parole était avec Dieu, elle était Dieu. […] La Parole est devenue un homme et il a habité parmi nous. Nous avons vu sa gloire, la gloire qu'un Fils unique, plein du don de la vérité, reçoit du Père. » (Jean 1,1.14). Jésus parle, il guérit en parlant (« Lève-toi, prends ta civière et rentre chez toi ! » Matthieu 9,6), sa parole est écoutée et transmise.
Pourtant parfois, Jésus appelle au silence (Marc 7,36). Il fait silence lui-même également (Jean 8, 1-11). Le silence dans la Bible est lié :
- au mystère, se taire devant l’indicible : « Que chacun fasse silence en présence du Seigneur, car soudain il va sortir de sa sainte demeure ! » Zacharie 2,17 ;
- à la désolation, se taire devant l’inexprimable : « Ce temps est un temps de malheur, c'est pourquoi l'homme averti préfère garder le silence » Amos 5,13 ;
- à l’écoute, se taire devant la sagesse « Quand je me tairai, ils attendront et, quand je prendrai la parole, ils seront attentifs. Si mon discours se prolonge, ils garderont un silence respectueux, la main sur la bouche » Sagesse 8,12 ;
- à l’émerveillement, se taire devant l’incroyable « Au contraire, sa réponse les remplit d'étonnement et ils gardèrent le silence » Luc 20,26.
Le silence permet à une autre parole d’émerger.