"A la suite de MLK et de tant d’autres prophètes, oser une parole de vérité qui bouscule"
Lecture de Jérémie 38: Jérémie jeté dans une citerne
4En ces jours-là, pendant le siège de Jérusalem, les ministres qui tenaient Jérémie en prison dirent au roi Sédécias : « Nous réclamons la peine de mort contre ce Jérémie : par ses discours, il démoralise complètement la population civile et militaire encore présente dans la ville. Au lieu de chercher à améliorer la situation du peuple, cet individu l'aggrave plutôt. » 5Le roi Sédécias leur répondit : « Eh bien, faites de lui ce que vous voudrez. J'ai beau être le roi, je n'ai pas le pouvoir de vous en empêcher. » 6Ces quatre ministres firent donc arrêter Jérémie pour le jeter dans la citerne du prince Malkia, située dans la cour de la garde. On y descendit Jérémie au moyen de cordes. Il n'y avait pas d'eau dans la citerne, seulement de la vase, dans laquelle Jérémie s'enfonçait.
7Heureusement un Éthiopien, nommé Ébed-Mélek, qui était un ministre attaché au palais royal, apprit qu'on avait mis Jérémie dans la citerne. Comme le roi se tenait à la porte de Benjamin, 8Ébed-Mélek sortit du palais royal pour lui parler. Il lui dit : 9« Mon roi, ces hommes ont commis une mauvaise action en traitant ainsi le prophète Jérémie ; ils l'ont jeté dans une citerne ! Il y mourra de faim, d'autant plus vite qu'il n'y a plus de pain dans la ville. »10Alors le roi ordonna à Ébed-Mélek l'Éthiopien : « Emmène avec toi trente hommes d'ici, et fais sortir Jérémie de la citerne avant qu'il ne meure. »
11Escorté par ces hommes, Ébed-Mélek se rendit dans un sous-sol du palais royal. Il y prit de vieux vêtements usés et déchirés, qu'il fit passer à Jérémie dans la citerne au moyen de cordes. 12Puis Ébed-Mélek l'Éthiopien dit à Jérémie : « Mets-toi ces vieux chiffons sous les bras pour éviter le frottement des cordes. »
Quand Jérémie l'eut fait, 13ils tirèrent sur les cordes et le firent remonter de la citerne. Après cela Jérémie resta dans la cour de la garde.
Prédication : « A la suite de MLK et de tant d’autres prophètes, oser une parole de vérité qui bouscule »
Version audio ici: ....
Chers frères et sœurs,
Quelle est la dernière fois que vous avez osé ?
Bon, je ne parle pas d’oser des folies pour la Saint-Valentin, là où certains ont osé… l’humour potache un peu « si tu m’aimes, dis-le ! » « Le ! », ou beaucoup « Le seul réchauffement climatique que j’aimerais provoquer, c’est celui de ton cœur », d’autres encore un plan à 3… avec cuillère et nutella ! Je ne parle pas non plus d’oser vous mettre en danger pour le fun, comme lors d’un saut à l’élastique ou oser une coupe de cheveux originale pour être plus tendance.
Non, je parle d’oser sortir de sa zone de confort (image8) pour prendre position. Quelle est la dernière fois que vous avez osé sortir du cadre (image9), pas uniquement en soi et pour soi, mais au nom de valeurs ou d’une cause qui vous semblait juste ?
S’il y en a bien un qui dans sa vie a osé, c’est Martin Luther King, lui qui a si souvent souligné l’importance d’oser prendre position, oser lutter pour la justice, oser prendre la parole pour ce qui est important. En voici 3 citations:
- « Celui qui accepte le mal sans lutter contre lui/ coopère avec lui. »
- « A la fin, nous ne nous souviendrons pas des mots de nos ennemis, mais du silence de nos amis. »
- « Nos vies commencent à finir/ le jour où nous devenons silencieux/ à propos des choses qui comptent. »
Oser. Oser sortir du silence et oser une parole qui bouscule, voilà ce qu’a fait MLK. Oser au péril de sa vie, puisqu’il est mort, rappelons-le, assassiné.
Oser. N’est-ce pas là un verbe-clé dans la manière que nous avons, chacune et chacun, de suivre le Christ ?
Oui je le crois, être chrétien, ce n’est pas juste faire confiance à Dieu, passivement, mais c’est croire qu’il nous a choisis, individuellement et collectivement, pour être ses instruments sur cette terre. Dieu n'a pas d'autres mains que les nôtres pour agir sur cette terre, disait toujours un collègue, citant Bernanos. C’est tellement vrai. Même si Dieu peut tout, Dieu compte sur nous et sur nos mains pour être ses instruments. Il compte sur nous pour que nous osions l’Evangile, même si c’est parfois à contre-courant de notre société.
Jérémie, comme bien d’autres prophètes, a osé cette parole qui bouscule, au nom des messages de Dieu. Au péril de sa vie également. Dans un contexte de guerre contre les Babyloniens, la ville est assiégée. Et le discours de Jérémie dérange. Il dérange tellement que les ministres veulent le mettre à mort. « Nous réclamons la peine de mort contre ce Jérémie : par ses discours, il démoralise complètement la population civile et militaire encore présente dans la ville. » Et hop, dans une citerne.
La citerne, à l’époque, c’est un endroit creusé pour conserver l'eau de pluie. La citerne c’est surtout une prison, qui était généralement un trou dans lequel on plaçait les prisonniers, comme Joseph par exemple (cf. Genèse 37,20-24 et 40,12-15), pour leur signifier qu'il n'y avait plus d'espoir pour eux. La citerne, en fait, c’est comme un tombeau.
Le prophète Jérémie a donc osé parler, il a osé cette parole qui bouscule. Mais à cause de ses paroles, il risque la mort. Au fond de la citerne, c’est comme s’il était déjà quasiment mort: « Il n'y avait pas d'eau dans la citerne, seulement de la vase, dans laquelle Jérémie s'enfonçait. » Sans d’eau pour s’hydrater, Jérémie s’enfonce dans la terre, comme un enterrement.
Mais Dieu n’abandonne pas son prophète. Mais contre toute attente, le salut ne viendra pas des juifs ou d’autres croyants fidèles, mais d’un étranger, un Éthiopien. En fait, il s’agit d’un Africain dont on ne connaît pas le nom, mais simplement le titre, la fonction : « Ebed Melek », cela signifie « serviteur du roi ». C’était un travailleur étranger, au service du roi d’Israël, et ce serviteur intervient donc auprès du roi qu’il sert. Il sort sur la place publique et ose une parole qui bouscule et son intervention est efficace : le roi lui donne l’autorisation de sauver Jérémie. Dans la fin du récit, l’auteur accumule volontairement les détails qui mettent en valeur la délicatesse du païen qui vient au secours du prophète, prenant mille précautions pour ne pas risquer de le blesser au cours de la remontée ! « Ébed-Mélek y prit de vieux vêtements usés et déchirés, qu'il fit passer à Jérémie dans la citerne au moyen de cordes. Puis Ébed-Mélek l'Éthiopien dit à Jérémie : « Mets-toi ces vieux chiffons sous les bras pour éviter le frottement des cordes. » Quand Jérémie l'eut fait, ils tirèrent sur les cordes et le firent remonter de la citerne. » Quelle délicatesse ! Quelle leçon de charité, d’amour de son prochain ! Comme dans la parabole du bon samaritain, pour nous, quelle leçon de vie … qui nous vient d’un étranger !
Et pour nous ?
Honneur à nos frères et sœurs d’Afrique qui font le bien, avec délicatesse, dans tant de services pour les autres. Dans les EMS, les hôpitaux, ou même ici en cuisine…
Honneurs à ceux et celles qui s’engagent, contre tout défaitisme du « c’est comme ça » ou du « je n’ai pas le pouvoir », des hommes et des femmes qui osent des paroles qui bousculent pour intervenir en faveur ceux et celles qui souffrent. Et qui agissent, en lançant une corde à ceux et celles qui sont au fond de la citerne, au fond du trou, pour les relever, pour les ressusciter.
Et si nous aussi, nous essayions d’être, en toute-humilité, des mini-prophètes ? D’être, comme MLK, des hommes et des femmes qui osent des paroles qui, au nom de l’Evangile, bousculent ? Je vous voir venir : « je suis trop jeune, je ne sais pas quoi dire », diront certains. « Oh non je peux pas…, j’ai pas le pouvoir… » diront d’autres, « c’est trop risqué », concluront encore d’autres. Rappelez-vous de Jérémie, il était pareil, quand Dieu l’a appelé, au premier chapitre : « 6Hélas ! Seigneur Dieu, je suis trop jeune pour parler en public !7Mais le Seigneur me répliqua : Ne dis pas que tu es trop jeune ; tu iras trouver tous ceux vers qui je t'enverrai et tu leur diras tout ce que je t'ordonnerai. 8N'aie pas peur d'eux, car je suis avec toi pour te délivrer. »
N’aie pas peur, je suis avec toi, dit Dieu. Alors ose.
Pour MLK, « la question la plus persistante et urgente de la vie est : que faites-vous pour les autres ? » Bonne question.
La semaine passée, j’ai osé, moi aussi, sortir de ma zone de confort pour dire une parole qui bouscule, au nom des valeurs de l’Evangile. Moi qui ne suis pas un homme de conflit qui ne suis pas un grand fan des lettres de réclamation, j’ai écrit une lettre à nos autorités d’Eglise, cherchant à intercéder auprès d’eux pour un homme selon moi injustement mis au ban de notre institution. Ici n’est pas le lieu pour parler du fond ou de ce sujet en particulier. Mais c’est le lieu pour nous rappeler que Dieu nous invite, au nom de l’Evangile, à oser des paroles qui bousculent. Même si c’est risqué.
Car la bonne nouvelle, chers frères et sœurs, c’est que Dieu ne nous laisse pas au fond du trou. Comme il l’a fait pour Jérémie, Dieu nous accompagne, il nous envoie ses anges, ses messagers, parfois… inattendus !
N’arrêtons donc pas de prendre des risques pour l’Évangile, de dénoncer les injustices, d’avertir des impasses dangereuses… A la suite de MLK et de tant d’autres prophètes, osons des paroles de vérité qui bousculent, osons dénoncer ce qui ne joue pas dans notre société ; osons aussi des gestes de vie pour prendre soin de ceux qui subissent l’injustice, soyons attentionnés les uns envers les autres. Oser, comme la meilleure preuve d’amour pour son prochain. Et pas que lors de la St-Valentin.
Amen.