« Esther, une résistante en paroles et en actes » (18.06.23)
Lecture du livre d’Esther 4,13 – 5,8
Mardochée fit dire Esther : « N'espère pas échapper, toi seule, au sort des Juifs parce que tu vis dans le palais. Si tu te tais dans les circonstances présentes, penses-tu que les Juifs seront sauvés en recevant de l'aide d'ailleurs ? Non, toi et ta famille vous mourrez. Mais qui sait ? Peut-être est-ce pour faire face à une telle situation que tu es devenue reine. »
Alors Esther envoya ce message à Mardochée : « Va rassembler tous les Juifs qui se trouvent à Suse, et observez un jeûne en ma faveur. Pendant trois jours et trois nuits ne prenez ni nourriture ni boisson. Mes servantes et moi, nous ferons de même. Puis je me rendrai auprès du roi, bien que ce soit contraire à la loi, et si je dois mourir, je mourrai ! » Alors Mardochée partit et agit comme Esther le lui avait ordonné.
Au bout de ces trois jours, Esther revêtit ses habits royaux et se rendit dans la cour intérieure du palais, en face des appartements royaux. Le roi était dans le palais, assis sur son trône, en face de l'entrée. Lorsqu'il vit la reine Esther debout dans la cour, il la considéra avec bienveillance et il lui tendit le sceptre d'or qu'il avait en main. Esther s'approcha et en toucha l'extrémité. Le roi lui demanda : « Que se passe-t-il, reine Esther ? Quelle est ta demande ? Tu peux avoir jusqu'à la moitié de mon royaume ! » – « Si le roi le juge bon, répondit Esther, j'aimerais qu'aujourd'hui même il vienne avec Haman au banquet que je lui ai préparé. » Le roi envoya immédiatement quelqu'un chercher Haman pour exaucer le souhait d'Esther. Puis ils se rendirent tous les deux au banquet qu'elle avait préparé. À la fin de ce banquet bien arrosé, le roi dit à Esther : « Quelle est ta demande ? Cela te sera accordé. Que veux-tu ? Tu peux avoir jusqu'à la moitié de mon royaume. » – « Ce que je désire te demander ? répondit Esther. Eh bien, si j'ai obtenu la faveur du roi, si le roi est prêt à exaucer mes vœux, j'aimerais qu'il vienne de nouveau avec Haman au banquet que je leur offrirai demain. Alors je dirai au roi ce qu'il veut savoir. »
Prédication : « Esther, une résistante en parole et en actes »
Résumé : Où est Dieu dans la souffrance ? Le livre d’Esther, formidable conte d’espérance, nous invite, devant les situations inextricables de nos vies, à ne pas désespérer, mais à croire en nous. Si Dieu se cache, il est peut-être en chacune et chacun de nous pour faire de nous des ambassadeurs de sa tendresse, des porteuses d’espérance qui peuvent, simplement et avec courage, apporter de la lumière dans un monde de ténèbres. Comme Esther.
Chers frères et sœurs en Christ,
Dieu, il est où ? l’avez-vous vu ?
- Certains disent qu’il est dans le ciel… mais les aviateurs n’ont rien vu (et le dernier homme qui a essayé de chevaucher un avion… non plus !)!
- Il est où Dieu, peut-être avez-vous déjà eu ce sentiment que Dieu est trop loin de moi, c’est triste. Je ne le vois pas, il est vraiment trop lointain !
- Il est où Dieu, quand la planète terre, sa création, est en train de mourir ?
- Il est où Dieu, quand tout explose autour de nous, que le monde va à vau l’eau, malgré le même message de paix et d’amour que Jésus, Moïse et Mahomet ont délivré ?
- Il est où Dieu, quand à Annecy un désaxé Syrien attaque au couteau des enfants sur une place de jeux ?
Il est où, Dieu ?
Le livre d’Esther invite à une réflexion profonde sur cette question de la présence/absence de Dieu. Chose étonnante pour un livre de la Bible : Dieu n’y est jamais mentionné. Aurait-on dissocié Dieu et l’histoire humaine ?
Dans ce livre d’Esther, en fait, Dieu est comme caché, d’où le nom de ce livre (« Esther » veut dire « caché »): Dieu semble caché mais il se laisse dévoiler au travers des actions humaines. Il nous invite à voir sa main invisible dans cette histoire d’espérance.
Car au fond, malgré les points de suspension sur la présence ou absence de ce Dieu caché, le livre d’Esther porte un formidable message d’espoir : l’humble qui semble le plus insignifiant peut renverser même le plus puissant des hommes et des régimes. Renversement que l’Évangile confirmera encore par la suite… Ce livre d’Esther en devient donc – pour des juifs exilés ou d’autres persécutés – un symbole d’espoir, espoir que le faible peut dans un renversement spectaculaire avoir raison du fort.
L’espérance, c’est elle qui fait changer le cours des choses. L’espérance, c’est elle qui habite les personnages de ce conte.
Esther, c’est une jeune orpheline, qui a été éduquée par son cousin plus âgé Mardochée. Esther, elle est juive; elle fait partie de ces moins-que-rien que Haman veut exterminer. Elle est donc le symbole de la faiblesse dans la société perse : une femme, orpheline et juive. Et elle aurait dû ne jouer aucun rôle dans cette histoire. Mais voilà, Esther est très belle. Lorsqu’il a fallu trouver la plus belle parmi toutes les jeunes filles de l’immense royaume de Perse, c’est elle qui a été choisie pour devenir la nouvelle reine. Et c’est elle qui va être la courageuse résistante, au nom d’une espérance qui se traduit par des paroles et des actes concrets.
Mardochée, ensuite. C’est le seul homme qui refuse de se mettre à genoux devant le pouvoir d’un homme. Ce refus n’est jamais expliqué, tant il va de soi: on ne se met pas à genoux devant des humains qui se croient tout-puissants. Et ce geste audacieux de Mardochée va inspirer largement le comportement d’Esther.
A la fin du chapitre 4, Esther se demande si elle aura le courage de risquer sa vie pour essayer d’empêcher le massacre de son peuple. Pour mûrir sa décision, Esther décide de jeûner complètement pendant trois jours et trois nuits. Dépouillement profond qui la ramène à l’essentiel. Temps de silence, mais silence habité. De communion aussi, pour se sentir soutenue et en lien avec son peuple qui lui aussi, jeûne pour elle. Comme disait Samuel à la prière jeudi, « se serrer la ceinture pour se serrer le coudes ».
Et nous, comment faisons-nous quand nous souffrons ? quand nous avons peur ? quand nous vient une épreuve ou quand nous avons un choix à faire ? Silence. Dépouillement. Se centrer sur l’essentiel. Peut-être que Dieu est là, justement, dans ce fin silence, comme ce fut le cas pour Elie dans sa caverne où Dieu était dans « une voix de fin silence. ». Et alors, si on le lui demande, Dieu peut nous inspirer Sa force…
Esther se relève alors. On la voit debout, vivante et solidaire de son peuple menacé, prête à résister à cette injustice : elle ira négocier avec le roi, tout en se disant à elle-même : « et si je dois mourir, je mourrai… » A l’époque en effet, la personne qui allait trouver le roi sans invitation était condamné à mort… « Et si je dois mourir, je mourrai… » : en disant cela, elle se place dans les mains de Dieu. Par son engagement total, elle est prête à se sacrifier, à mourir pour la vie et le salut de son peuple. Tiens, cela ne vous fait pas penser à un autre sacrifice ? Celui du Christ qui, sur la croix, donnera sa vie pour nous…
Pour être prête à aller jusqu’au bout, Esther puise donc sa force non seulement dans le jeûne et le silence, dans la prière et dans sa confiance en Dieu, mais également en l’exemple de Mardochée. Elle n’est pas seule. Par sa résistance, Mardochée lui a ouvert un chemin d’espérance.
En fait, c’est grâce à lui qu’elle prend conscience qu’elle peut faire changer les choses, même si ce n’est qu’une femme... Mais ce livre est quasi féministe, puisqu’il met au centre Esther, une femme considérée comme moins que rien par certains, mais qui va prendre conscience non seulement de sa valeur mais aussi réaliser que Dieu peut agir à travers elle. Est-ce dû au Hasard qu’elle se retrouve dans cette délicate position ? Comme le dit Mardochée : « Et qui sait si ce n’est pas pour un temps comme celui-ci que tu es parvenue à la royauté… ? » Qui sait ? Serait-ce le hasard ? Mais le hasard, comme l’a dit Einstein, c’est le nom que prend Dieu pour rester incognito. Esther est donc là, pas tout à fait par hasard, pour négocier le salut de son peuple menacé d’extermination.
Esther est la plus belle, mais c’est surtout la plus fine, la plus subtile et la plus audacieuse. Avez-vous remarqué sa stratégie de négociation ? Pour attirer l’attention du roi, elle choisit non pas la confrontation directe, mais une stratégie de non-violence qui en fin de compte va faire croire au Roi qu’il a le contrôle sur les choses : elle invite le roi, et son tout-puissant premier ministre, à un repas somptueux ; pour une première soirée, puis pour une deuxième. Elle le fait mariner, si j’ose dire. Séduit, le roi ira jusqu’à dire : « Esther, ô ma reine ? Quelle est ta requête ? Jusqu’à la moitié de mon royaume cela te sera accordé ! » On ne découvrira pas aujourd’hui la fin de cette histoire. Il y a encore plusieurs chapitres… A vous de les lire.
Mais le message que j’aimerais tirer de ce passage est un message d’espérance. Devant les situations qui semblent inextricables, sans issue, Dieu nous invite à ne pas désespérer, comme le Christ l’a initié sur la croix, en ouvrant un chemin d’espérance. Mais surtout, le livre d’Esther nous invite à croire en nous. Parfois, nous, les simples gens, monsieur et madame tout-le-monde, nous pouvons nourrir un sentiment d’impuissance dans une société qui va de pénurie en pénurie, et même entrer dans la tentation de se replier dans une sorte de défaitisme : bah, à quoi ça sert de me bouger, mes actions vont faire « plouf »!
Et pourtant, cher frère, chère sœur, Dieu te redit ce matin que, dans ta situation, tu peux faire la différence pour beaucoup de gens qui t’entourent, et même à un niveau plus large. Comme Esther, tu as de la valeur. Et aussi simple et humble sois-tu, tu peux changer la donne à des niveaux que tu ignores parfois. Ce livre d’Esther est donc une invitation à te comprendre, toi ma sœur, toi mon frère, comme porteuse, porteur d’espérance ! Yes we can, yes Lord, for the rest of our days !
Alors, où est Dieu dans la souffrance ? Peut-être qu’il se « cache » en chacune et chacun de nous pour faire de nous des ambassadeurs de sa tendresse, des porteurs d’espérance qui peuvent, simplement et avec courage, apporter de la lumière dans un monde de ténèbres. Rappelez-vous de cette citation de Martin Luther King : « L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité, seule la lumière le peut ». Que Dieu affermisse donc en nous aussi cette espérance plus forte que les ténèbres !
Amen