« D’une naissance dans la fragilité à un accueil dans la bergerie de nos vies !» (par Clara Molina-Vienna - 15.12.24)
Luc 2 : La naissance de Jésus
1En ce temps-là, l'empereur Auguste donna l'ordre de recenser tous les habitants de l'empire romain. 2Ce recensement, le premier, eut lieu alors que Quirinius était gouverneur de la province de Syrie. 3Tout le monde allait se faire enregistrer, chacun dans sa ville d'origine. 4Joseph lui aussi partit de Nazareth, une ville de Galilée, pour se rendre en Judée, à Bethléem, là où était né le roi David ; en effet, il était lui-même un descendant de David. 5Il alla s'y faire enregistrer avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. 6Pendant qu'ils étaient à Bethléem, le jour de la naissance arriva. 7Elle mit au monde un fils, son premier-né. Elle l'enveloppa de langes et le coucha dans une mangeoire, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans la salle destinée aux voyageurs.
8Dans cette même région, il y avait des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leur troupeau. 9Un ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur les entoura de lumière. Ils eurent alors très peur. 10Mais l'ange leur dit : « N'ayez pas peur, car je vous annonce une bonne nouvelle qui réjouira beaucoup tout le peuple : 11cette nuit, dans la ville de David, est né, pour vous, un sauveur ; c'est le Christ, le Seigneur ! 12Et voici le signe qui vous le fera reconnaître : vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une mangeoire. » 13Tout à coup, il y eut avec l'ange une troupe très nombreuse d'anges du ciel, qui louaient Dieu en disant : 14« Gloire à Dieu dans les cieux très hauts, et paix sur la terre pour ceux qu'il aime ! »
Prédication : « D’une naissance dans la fragilité à un accueil dans la bergerie de nos vies !» (par Clara Molina-Vienna)
Prédication à écouter ici.
Je vous propose d’entrer plus en profondeur dans ce récit de Noël en deux étapes : la première autour de la naissance de Jésus à proprement parler, et seconde autour de la suite. Car oui, Luc aurait pu s’arrêter là : « Jésus est né ; point final ». Mais non, il poursuit son récit avec les premiers qui entendront parler de cette bonne nouvelle : les bergers. Car, ce qui l’intéresse, c’est ce que cette naissance provoque en nous !
D’une naissance dans la fragilité…
Mais commençons par le commencement : l'histoire de Noël commence par un ordre de l'empereur Auguste venu de la lointaine Rome. L’ordre d’un puissant oblige Marie et Joseph à faire un long voyage, plein d'épreuves. Dans les conditions actuelles, le trajet à pied de Nazareth à Bethléem dure de 34h à 36h, selon google maps. Et il faut dire que google maps ne tient pas compte des conditions très rudimentaires des routes – ou des chemins – de l’époque. Marie et Joseph devaient être complètement épuisés en arrivant à Bethléhem. En plus, Marie était enceinte jusqu'aux dents – et, comme disait une paroissienne de MLK lors de notre rencontre de prière Zoom : « pas sûr que j’aurais fait le trajet, moi, si j’étais enceinte comme ça ! ». Marie et Joseph ont donc certainement dû faire de nombreuses, nombreuses pauses, et le voyage dû être rallongé, rallongé… En plus, avec ce recensement ordonné par Rome, plus aucune place dans les auberges de l’époque ! Du coup, c’est dans une étable, une bergerie, que l’accouchement a lieu – rien ne nous est dit de l’accouchement lui-même, mais ça a dû être, comme tous les accouchements, un sacré challenge ; et, dans cette étable, pas très confortable ! Après que l’enfant est né, Marie l’enveloppe dans des langes – oui, les pampers n’ont été inventés qu’en 1961 !- et elle le couche… non pas dans un joli couffin, mais dans une mangeoire ! Une mangeoire pour le bétail, pour les animaux !
Cela me touche que Jésus, le Fils de Dieu, naisse dans cet un endroit tout simple, dans cette bergerie, et que Marie le dépose dans la paille... Cela me touche que Jésus, le Fils de Dieu, naisse dans ces conditions humbles – voire précaires, dans cette simplicité, dans cette fragilité, dans cette vulnérabilité.
Nous, qu’est-ce qui nous évoque, Noël ? Les guirlandes lumineuses, les repas opulents, les montagnes de cadeaux ?! Pour fêter Noël, peut-être faudrait-il se retrouver dans une grange, dans la paille, à côté des vaches, avec cette odeur de ferme ;-)…
Dans tous les cas, j’ai l’impression que l’histoire de Noël nous invite à retrouver de la simplicité dans notre monde, dans ma vie. Est-ce qu’au-delà de toutes les sollicitations ou obligations que nous avons, est-ce que nous n’aspirons pas à un peu plus de simplicité ? D’essentiel ? De profondeur ? De vérité ?
Cette simplicité, ce n’est pas de la facilité, comme disait un autre paroissien de MLK lors de notre Zoom, au contraire, c’est exigeant ! Mais ça peut commencer par un petit pas.
… à un accueil dans la bergerie de nos vies !
Après cette première étape de la naissance – dans la simplicité et la vulnérabilité, que la Bible mentionne de manière ciblée et succincte, l’évangéliste Luc attire l’attention des lecteurs et lectrices sur la suite, sur les réactions et les actions des gens, qui formeront le cœur de son récit. Comment les uns et les autres accueillent-ils cette naissance ? Et, plus précisément pour nous ce matin, comment les premiers à entendre parler de cette nouvelle – les bergers –, l’accueillent-ils ?
Après le focus sur le voyage de Marie et Joseph et les quelques phrases autour de la naissance de Jésus, Luc met donc le focus sur les bergers : il les présente. Ils sont dans les champs la nuit et gardent leur troupeau : rien de surprenant ; c'est ce que font habituellement les bergers à cette heure nocturne. Mais ensuite, la scène change soudainement. Les bergers sont effrayés : un ange, un messager du Seigneur s'approche d'eux ; ils sont entourés de la lumière de Dieu. Eux, des simples bergers dans les champs la nuit ! "Ils eurent alors très peur", dit Luc. On peut tout à fait supposer que c'est la panique, une peur panique, qui les saisit. L'ange semble s'en apercevoir, car il cherche à les rassurer et s'adresse à eux avec bienveillance : "N'ayez pas peur !" Il vient avec une nouvelle remplie de JOIE (« Joy to the world ! » a-t-on-chanté ), une nouvelle sensationnelle, oui, qui fait sensation - jusqu'à aujourd'hui, plus de 2’000 ans après : Le Christ est né, le Seigneur, le Sauveur ! Et c'est à Bethléem que cette naissance a eu lieu, tout près d'eux les bergers ! Et, même « pour eux » : « cette nuit, dans la ville de David, est né, pour vous, un sauveur » ! Pour chacune et chacun d’entre nous, et pour nous tous et toutes ensemble.
L'ange n'invite pas directement les bergers à se rendre à Bethléhem : c’est comme s’il allait de soi qu'ils le feront, qu’ils iront, à pied eux aussi, jusqu’à Bethléhem. L’ange leur donne simplement un signe pour le reconnaître – et, comme disait votre pasteur lors de notre Zoom, pour un « signe », et bien il n’a rien d’extraordinaire, on pourrait attendre mieux ! Voici le signe : « un bébé enveloppé de langes, couché dans une mangeoire ». Ce n’est pas le signe miraculeux et impressionnant qu’on attendrait ! À nouveau, un signe tout simple, tellement ordinaire… Puis, l'ange reçoit un renfort soudain ; des troupes d’anges l'entourent. Ils louent Dieu (comme nous ce matin à MLK ) et – avant de repartir et laisser la suite aux humains, aux bergers – les anges proclament : "Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre parmi les hommes qu'il aime".
Paix sur la terre ?! Ce n’est pas trop ce qu’on voit ces temps, la paix sur la Terre ! Que ce soit en Israël/Palestine, en Ukraine et ailleurs ! Oui, bien sûr… Mais y a environ 2’000 ans, il y avait aussi des guerres ; la brutalité, la haine, la précarité, la souffrance, les injustices. Nous, à notre époque, on a peut-être progressé dans ce que nous pouvons nous faire de mal les uns aux autres. Dans tous les cas, le récit de Luc nous rappelle que Dieu ne nous abandonne pas, qu’il a agi. Qu’il a choisi de venir parmi nous. Comme un tout petit bébé, dont il faut prendre soin. Comme un tout petit être, qui va grandir, se développer, mûrir, grâce aux autres – comme cela se fait dans l’espèce humaine. Comme un enfant à accueillir dans la bergerie de notre cœur. Dans la simplicité, l’humilité, la fragilité. Avec qui nous sommes.
Les bergers, eux, ne réfléchissent pas longtemps. À cette nouvelle si étonnante, ils décident de partir immédiatement. « Ils se dépêchèrent » dit Luc. Ils laissent tout en plan ! « Grave faute professionnelle », aurait pu dire le propriétaire du troupeau ! Les bergers, eux, savent qu’il y a urgence à faire place à Dieu dans ce monde. Ils sont pressés d'aller voir ce qui s'est passé, d’aller rencontrer ce bébé, Sauveur, Christ, Seigneur…
Peut-être connaissez-vous des personnes autour de vous qui semblent avoir désappris à s'émerveiller. Ils se détournent de cette nouvelle étonnante – qui, 2000 ans plus tard, même si connaissons bien ce récit, nous étonne toujours !
D’autres personnes renoncent d'emblée à s'intéresser à ce qui est si étrange. Ils ne veulent pas s'engager dans quoi que ce soit. « Restons-en aux faits », disent-ils.
D'autres argumentent, parlent de toute la misère et la détresse du monde, des injustices, des guerres, qui sont devenus chez nous des thèmes omniprésents, oppressants… "Comment Dieu peut-il permettre cela ?" demandent-ils.
La réponse de Dieu est déconcertante. Elle se trouve dans ce petit être, si fragile, si simple, qui attend seulement que nous lui ouvrions grand les bras, et que nous grandissions avec lui, avec lui à nos côtés. Que comme les bergers, nous ne tergiversions pas. Car Dieu ne nous abandonne pas, il n’abandonne pas le monde à sa détresse. Il vient nous rejoindre, non seulement dans cette nuit de Noël, mais tous les jours de notre vie, si nous lui ouvrons les bras, si nous lui faisons de la place. Alors il viendra, sur la paille de notre vie, dans son désordre, dans les bergeries de nos vies, oui!
Amen.