« Ne te laisse pas envahir par tes habitudes : veille ! » (03.12.23)

Lecture de Marc 13, 32-37 : Dieu seul connaît le moment de la fin

32Pour ce qui est du jour ou de l'heure, personne ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, ni même le Fils ; le Père seul le sait. 33Faites attention ! Restez éveillés, car vous ne savez pas quand le moment viendra. 34Ce sera comme lorsqu'une personne part en voyage : elle quitte sa maison et en laisse le soin à ses serviteurs ; elle confie à chacun son travail et elle ordonne au gardien de la porte de veiller. 35Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison viendra : le soir, ou à minuit, ou au chant du coq, ou le matin. 36S'il revient à l'improviste, il ne faut pas qu'il vous trouve endormis. 37Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »

Prédication : « Ne te laisse pas envahir par tes habitudes : veille ! »

Résumé : L’Évangile nous invite à veiller, mais qu’est-ce que « veiller » ? Veiller, c’est ne pas se laisser enfermer dans nos habitudes, autant avec tout ce que nous avons à faire en ce mois de décembre surchargé, mais aussi en ce qui concerne notre foi : lutter contre l’habitude en nous mettant aux aguets, guetteur de lumière et d’espérance en ces temps troublés, lanceur d’alerte prêt à nous laisser surprendre par l’inattendu de Dieu. Car il vient. Mais à l’improviste. Alors… veillons !

Ecoutez la prédication ici.

Chers frères et sœurs en Christ,

Quelle est l’habitude dont vous ne vous passez jamais ?

  • Certains répondront : « éteindre mon réveil et me rendormir » et ils recevront cette tasse…

06:50 je me lève
06:55 et je te bouscule
07:03 tu ne te réveilles pas
07:15 comme d’habitude…

  • Certains répondront : conduire en motard… même au volant d’une voiture !
  • Certains répondront « L’habitude de couper la pizza en 8 » (bon au régime ils ne la coupent plus qu’en 3)
  • Certains répondront : « l’habitude d’être pile en retard » (je suis sûr que vous voyez qqn comme ça dans votre entourage)
  • Moi je répondrai : lire une histoire aux enfants avant de dormir (qui s’endort ?), et aller leur faire un bisou quand je rentre tard (parce qu’un enfant c’est surtout mignon quand ça dort, n’est-ce pas ?)

Nous sommes des êtres d’habitude, c’est sûr. Certains sont positives, d’autres beaucoup moins. Mais nous en avons tous et toutes, des habitudes.

Rappelez-vous avec le COVID, elles avaient été complètement chamboulées, nos habitudes : plus de resto, plus de culte en présentiel, plus de contact à moins de 2m, plus de bises ! Il fallait avant tout se laver les mains et aérer (je me rappelle de cet avis : « A tous ceux qui ont l’habitude de brasser de l’air, c’est le moment ! »

Et aujourd’hui, nous avons repris nos anciennes habitudes. Et ce mois de décembre qui s’ouvre ne sera pas différent : course aux cadeaux… habituelle, repas gargantuesques… habituels, embrouilles familiales… habituelles, etc.

Quel effet elle a sur nos vies, l’habitude ? D’abord elle nous rassure : on y est bien, dans nos habitudes. On connaît. On maîtrise. Si on reste dans nos habitudes, il n’y a pas de grand danger, se dit-on.

Erreur. Voyez plutôt cette campagne de sensibilisation autour des accidents :

  1. l’habitude rend aveugle (circulons en tout sécurité)
  2. l’habitude et la routine, des ennemis ; restez vigilants !

Rester vigilant : tiens, j’aime bien cette expression, j’y reviendrai par la suite. Mais c’est vrai, l’habitude, la routine, elles peuvent être néfastes. Voire davantage, comme le dit l’écrivain Paulo Coelho : « Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine : elle est mortelle ! » Au fond, l’habitude et la routine nous enferment dans une forme de repli sur soi. Comme si on restait en circuit fermé.

Et si c’était contre cela que le texte biblique voulait nous mettre en garde ? contre le sommeil de l’habitude ou de la routine que nous ne connaissons que trop bien ? Regardons le texte.

Le texte commence tout de suite avec de l’inconnu, de l’insaisissable, de l’immaîtrisable. 32Pour ce qui est du jour ou de l'heure, personne ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, ni même le Fils ; le Père seul le sait. Personne ne les connaît. Dans un contexte de questionnement des premiers chrétiens sur « quand le Christ va-t-il enfin revenir ? », ce verset à la fois exclut toute spéculation sur la date de la venue du Christ dans l’histoire, mais aussi il ouvre sur la suite : si je ne peux pas savoir quand le Christ va revenir, alors je dois veiller. Alors je dois le chercher dans ma vie d’aujourd’hui. Et si aujourd’hui j’allais rencontrer le Christ ?

Une observation fine du texte original soutient ce point de vue. En effet, tant au verset 33 (Restez éveillés, car vous ne savez pas quand le moment viendra) qu’au verset 35 (car vous ne savez pas quand le maître de la maison viendra), le verbe en grec est – contrairement à la traduction citée ici – au présent : « quand il vient ». La venue du Christ, nous l’attendons maintenant, c’est aujourd'hui qu’il vient, c’est dans mon quotidien qu’il vient. Au présent, pas au futur. Il vient même dans nos moments de reniement, comme l’indique la référence au chant du coq, à la fois celui qui réveille, mais aussi celui du reniement de Pierre. Il vient même dans nos moments de reniements, de manque de foi…

Ensuite, le rédacteur de ce passage utilise plusieurs exhortations impératives : « Faites attention ! », « Restez éveillés » et (à deux reprises) « veillez ! ». Mais que signifie donc tout cela ? en d’autres termes, c’est quoi « veiller »?

Pour répondre à cela, nous pouvons nous poser la question dans l’autre sens : qu’est-ce qui – symboliquement – m’endort ?

Dormir pourrait être se laisser envahir par la paresse et la peur, comme le 3e serviteur de la parabole des talents (que nous avons vue lors du dernier culte gospel). Ici encore, le maître de maison quitte sa maison et en laisse le soin à ses serviteurs ; il confie à chacun son travail (etc.). Veiller veut donc dire aussi prendre ses responsabilités en prenant soin de la maison du Seigneur, à savoir notamment son Eglise, son peuple, sa création. Veiller c’est faire quelque chose de concret pour se préparer à sa venue, c’est ne pas être inactif. Oui veiller, c’est être acteur, avec une tâche pour chacun, pour s’occuper de cette maison pendant ce temps de l’attente.

Dormir pourrait être aussi se laisser gagner par les ténèbres. Ainsi « veiller » c’est également ne pas se laisser aller aux tentations du monde, comme avec ce crochet pour ces poissons. Tentation du consumérisme. Tentation du jugement et du mépris. Tentation des ténèbres. Veiller, c’est donc lutter contre les attaques de notre société qui met à mal l’humain ainsi que la création de Dieu. C’est résister à la désespérance, à croire que les ténèbres ont gagné, et ce n’est pas toujours facile quand on regarde ce qui se passe dans le monde. Oui devenir veilleur, c’est être lanceur d’alerte, éveilleur de conscience, porteur de lumière. Oui veiller, c’est lutter.

Veiller, c’est donc lutter à l’externe, mais aussi à l’interne contre le sommeil de l’habitude ou de la routine qui m’envahit. Le pape François le disait : « la foi est une lutte contre la dégradation de l’émerveillement ». C’est vrai, l’Avent, on connait. Noël, on connaît. On a l’habitude. C’est la routine. Avec le temps, avec l’habitude, l’émerveillement de Dieu disparaît en nous. Je me souviens d’une rencontre forte à Manchester avec des Coréens: ils découvraient la Bible et la Bonne Nouvelle qu’elle contient avec émerveillement. Quand ils en parlaient, ils avaient des étoiles dans les yeux. Est-ce le cas pour nous aussi ou bien la routine et l’habitude ont-elles éteint tout cela ?

Chers frères et sœurs, le temps de l’Avent est un temps unique. En ce jour, selon le calendrier, commence une nouvelle année liturgique. C’est une incitation à renaître, en recevant un souffle nouveau, en nous ouvrant à des horizons inconnus.

Oui chers frères et sœurs, le texte de ce matin nous appelle à vivre ce temps de l’Avent comme un moment unique. Un appel à veiller dans la lutte contre l’habitude. Un appel à recouvrer l’étonnement, la fraicheur et la jeunesse de notre foi, à retrouver l’émerveillement (vous les voyez les étoiles dans les yeux de la fille ici ?). Un appel à s’ouvrir à l’inattendu de Dieu, à se laisser vivre sous le règne de l’imprévisible. Car à chaque instant Dieu peut advenir dans votre vie, chercher à s’incarner dans votre histoire de manière imprévisible ! Il peut arriver de jour comme de nuit, dans votre allégresse comme dans vos malheurs, dans l’abondance comme dans la pauvreté. Il vient par sa Parole, mais aussi dans le silence et dans les chants. Il peut se présenter dans une église, mais tout autant dans le bruit de la rue ou la foule anonyme d’un grand magasin. Voilà pourquoi il nous demande de nous tenir prêts : car il peut apparaitre dans nos vies à l’improviste, sous différents habits. Alors tenez-vous prêts. Et veillez !

Veiller, c’est donc ne pas se laisser endormir par nos habitudes, autant avec tout ce que nous avons à faire en ce mois de décembre surchargé, mais aussi en ce qui concerne notre foi : lutter contre l’habitude en nous mettant aux aguets, lanceur d’alerte de lumière et d’espérance en ces temps troublés, guetteur prêt à nous laisser surprendre par l’inattendu de Dieu. Car il vient. Mais à l’improviste. Alors Veillons !

Amen.

Vers le haut