« Ne baisse pas les bras ! Persévère ! Crois ! » (01.09.24)
Lecture biblique : Jésus guérit la fille d'une femme étrangère (Mat 15)
21Puis Jésus partit de là (Génésareth) et s'en alla dans le territoire de Tyr et de Sidon. 22Une femme cananéenne qui vivait dans cette région vint à lui et s'écria : « Seigneur, fils de David, prends pitié de moi ! Ma fille est cruellement possédée par un démon ! » 23Mais Jésus ne lui répondit pas un mot. Ses disciples s'approchèrent pour lui adresser cette demande : « Renvoie-la, car elle ne cesse de crier en nous suivant. » 24Jésus répondit : « Je n'ai été envoyé que vers les moutons perdus du peuple d'Israël. » 25Mais la femme vint se prosterner devant lui et dit : « Seigneur, aide-moi ! » 26Jésus répondit : « Ce n'est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. » – 27« Seigneur, c'est vrai, dit-elle. Pourtant même les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » 28Alors Jésus lui répondit : « Oh ! que ta foi est grande ! Que tout se passe pour toi comme tu le veux. » Et sa fille fut guérie à ce moment même.
Prédication : « Ne baisse pas les bras ! Persévère ! Crois ! »
Résumé : Face à la maladie, à l’adversité ou plus généralement les difficultés de la vie, bien souvent nous sommes tentés de baisser les bras. Mais l’Evangile nous invite à persévérer dans la foi et la ténacité, nous laissant inspirer par l’exemple de la Syro-Phénicienne, femme étrangère méprisée par Jésus et les disciples qui pourtant ne baisse pas les bras, et devient par sa persévérance non-violente un exemple de foi.
Chers frères et sœurs en Christ,
C’est quand la dernière fois… que vous avez baissé les bras ?
- comme disait un ancien paroissien de Forel : lever le coude est la meilleure façon de ne pas baisser les bras. Bon.
- Et celui-ci : si votre qualité principale est de ne jamais baisser les bras, n’oubliez pas de mettre du déodorant
- L’important, c’est de se souvenir de cette phrase : n’abandonne pas, tiens le coup !
- Ou comme disait ma grand-mère anglaise qui raffolait des pâtisseries : DONUT ever give up
- Bref, ne pas baisser les bras, surtout si on te crie « haut les mains » et qu’on chante « Sapés comme jamais »…
Plus sérieusement. Baisser les bras, je peux être tenté de le faire dans ma vie, quand je vois l’actualité, écrasé par l’ampleur du désastre mondial. Ou plus généralement devant les difficultés de la vie, de ma vie, la maladie, l’adversité. Est-ce que j’arrive à ne pas baisser les bras ? Pas si simple…
Dans le récit du jour, cette femme étrangère aurait pu précisément baisser pas les bras. Il y avait tant de barrières qui la séparaient de Jésus ! D’abord, elle est Cananéenne, pas de Cana donc mais de Syrie, c’est pourquoi je l’appellerai ici la Syro-phénicienne. Ce pays, c’est l’ennemi d’Israël, impie et impur.
C’est donc une étrangère, impure, à qui les juifs ne devaient en aucun cas parler. D’autre part, elle est une femme, ce qui rajoute, si j’ose dire, à son étrangeté. Alors en s’adressant à Jésus, elle transgresse deux interdits : le fait de parler à un homme, alors qu’elle est une femme, et s’adresser à un juif, alors qu’elle est non-juive…
Et que fait-elle ? Elle crie. Elle implore Jésus de guérir sa fille, en criant d’une voix rauque, gutturale, presque caverneuse, sous-entend le mot grec. En fait cette voix ressemble plus à une voix animale, voire bestiale, qu’à une voix humaine. Le verbe grec évoque d’ailleurs les aboiements d’un chien. Les juifs traitaient de « chiens », les habitants de Canaan. Ainsi, on comprend mieux la suite du dialogue.
La femme syro-phénicienne implore donc : « Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David ». Elle fait appel à la miséricorde de celui qu’elle reconnaît comme le Sauveur. Elle prend des risques, franchissant les limites de son territoire symbolique.
Et face au silence de Jésus, la femme insiste, avec ces mots d’une simplicité profonde : « Seigneur, aide-moi ». Elle supplie Jésus à genoux. Elle se prosterne. Elle ne baisse pas les bras, mais prend une position basse.
Les disciples, eux, sont dérangés par l’intrusion de cette femme : « renvoie-là, elle nous dérange par ses cris ! » Comme un grain de sable dérangeant, elle importune les autres par son désespoir qu’elle leur jette à la figure. Ce serait tellement plus simple de l’effacer du tableau. Mais Jésus ne la renvoie pas.
Si Jésus ne rejette pas la femme comme les disciples le lui demandent, cependant il ne répond pas à sa requête. Plusieurs étapes rythment le cheminement du Christ.
D’abord le silence. Peut-être parce qu’il ne veut pas répondre. Peut-être parce qu’il est stupéfait. Peut-être qu’il est débordé par son ministère de guérison. Peut-être qu’il a besoin de réfléchir à quelle réponse lui donner. Peut-être qu’il veut simplement laisser résonner en lui ses cris.
Puis sa réponse tombe, constat objectif d’exclusion : « Je n'ai été envoyé que vers les moutons perdus du peuple d'Israël. » Désolé, c’est pas pour vous. Un peu avant dans ce même évangile selon Matthieu, lorsque Jésus avait envoyé ses disciples en mission, il leur avait déjà demandé de privilégier les Juifs, en leur disant: « Ne partez pas sur le chemin des non-Juifs, et n’entrez pas dans une ville des Samaritains ; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël. » (Mt 10, 5-6)
Puis, suite à l’insistance de la femme, Jésus se fait méprisant. Son attitude est choquante : il lui fait la morale ! « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour les jeter aux petits chiens. » C’est juste scandaleux ! Avez-vous bien entendu que Jésus traite cette femme… de chienne ? On peut bien l’entendre ainsi. Choquant, non ? Oui cette réponse qu’il donne à cette femme nous met fort mal à l’aise…
Parce qu’en fait, pendant un instant, Jésus est en porte à faux avec son message et sa mission. Jésus, cet homme humain comme nous, se fait prendre par ses préjugés. Je le crois, contrairement à d’autres interprétations qui voient Jésus cherchant à vérifier la foi de la femme syro-Phénicienne, Jésus ne fait pas semblant. Il est pris par les préjugés de son temps. Mais finalement, il se laisse toucher par les paroles de cette femme, il dépasse à son tour ses propres limites, il élargit l’espace de sa tente. Jésus, par cette rencontre avec la femme syro-phénicienne, change de chemin, évolue, se convertit à un nouvel Evangile, celui qui sera destinés aussi aux païens.
Et qu’est-ce qui a opéré ce renversement ? L’attitude de la femme syro-phénicienne, bien sûr.
En effet, au lieu de se résigner, la femme insiste. Devant le refus, elle persévère, elle la mère veilleuse, la mère battante, elle persévère. Elle ne baisse pas les bras. Devant le mépris et la violence des propos de Jésus, elle s’abaisse, pleine d’humilité et de pugnacité, dans une réponse non-violente. Très fine, elle reprend les propos de Jésus et les réinterprète positivement : elle entend profiter des miettes de pain qui restent après que les enfants ont mangé. Il n’est pas question de prendre aux autres. Il y a surabondance et tous peuvent donc en profiter, un peu comme dans la péricope suivante où le miracle de la multiplication des pains et des poissons (15,32) montrera qu’il y a assez pour rassasier le monde entier.
Et c’est alors que Jésus comprend. C’est comme si les rôles étaient inversé : la femme est comme le maître qui fait cheminer le « disciple » Jésus jusqu’à ce qu’il comprenne. Jusqu’à ce qu’il soit transformé. Jusqu’à ce qu’il soit converti. Oui chers frères et sœurs, c’est une femme étrangère qui évangélise Jésus ! Et c’est son Evangile qui en est transformé : désormais, suite à la syro-phénicienne, toutes les nations, oui toutes les nations, pourront recevoir l’Evangile. Quelle bonne nouvelle !
Oui Jésus comprend et s’exclame avec ces mots si rares : « Oh ! que ta foi est grande », qui contraste avec les disciples et leur « peu de foi ». Sa foi est grande, car elle a su se montrer audacieuse, humble et confiante, n’ayant pas peur de dire et de vivre l’Evangile, tout en sachant se faire petite, car elle reconnaît que tout vient de Dieu.
Sa foi est grande, comme sa persévérance et sa pugnacité devant les adversités de la vie, la maladie notamment.
Et pour nous? Ce récit vient nous poser de nombreuses questions : quelles images j’ai de Jésus, pleinement humain et pleinement divin ? comment par des préjugés je peux être le vecteur de mépris et de violence ou au contraire comme je réponds à cette violence ? Comment je me laisse déranger, dans mon petit confort, comment j’accueille le changement de chemin et fais face à l’inattendu ?
Mais ce que ce texte principalement met en avant, c’est bel et bien l’exemplarité de cette femme, étrangère, méprisée, qui ne baisse pas les bras, qui persévère et qui garde la foi, avec audace et humilité. Ce texte est en fait un concentré d’espérance : ne baisse pas les bras ! Persévère ! Crois !
Oui toi mon frère, toi ma sœur, ce matin, laisse-toi inspirer par ce récit, dans ta vie, dans tes combats, quand tu dois faire face à l’adversité, à la maladie ou plus globalement aux difficultés: ne baisse pas les bras. Persévère ! Crois ! Continue de demander de l’aide au Christ, même si on t’écarte, même si on te méprise, même si c’est dur. Ne baisse pas les bras ! Persévère ! Crois ! Si cette femme étrangère a réussi à changer la conception de la mission enseignée par le Christ, alors, avec Dieu, tout devient possible, pour toi aussi, un miracle est possible. Ne baisse pas les bras ! Persévère ! Crois !
Amen.