Vos lieux de culte Église 29

"Qui a cru à ce qui nous était annoncé? Et à qui la puissance de Dieu a-t-elle été révélée?

Il a grandi devant l'Éternel comme un rejeton,

comme un faible arbrisseau qui sort d'une terre desséchée.

Il n'avait ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards,

ni rien, dans son aspect, qui pût nous le faire aimer.

Il était méprisé, abandonné des hommes.

Homme de douleurs, connaissant la souffrance, il inspirait le mépris

comme un objet à la vue duquel on se couvre le visage;

et nous n'avons fait aucun cas de lui.

Cependant, ce sont nos maladies qu'il portait;

c'est de nos douleurs qu'il s'était chargé.

Et nous, nous pensions qu'il était puni, frappé par Dieu et humilié.

Mais il a été meurtri à cause de nos péchés,

brisé à cause de nos iniquités.

Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui,

et c'est par ses meurtrissures que nous avons la guérison.

Nous étions tous comme des brebis errantes;

chacun de nous suivait sa propre voie;

et l'Éternel a fait retomber sur lui l'iniquité de nous tous.

Il est maltraité et il s'humilie: il n'ouvre point la bouche.

Comme l'agneau qu'on mène à la boucherie,

comme la brebis muette devant ceux qui la tondent,

il n'a pas ouvert la bouche.

Il a été enlevé par l'oppression et par le jugement des hommes;

et parmi ses contemporains, qui a compris

qu'il était retranché de la terre des vivants,

frappé à cause des péchés de mon peuple?

On lui avait assigné sa sépulture avec les méchants;

mais, dans sa mort, il a été avec le riche;

car il n'avait pas commis d'injustice

et il n'y avait jamais eu de fraude dans sa bouche."

Ésaïe 53, 1-9

 

« Ce sont nos maladies qu’il portait. »

 

Frères et sœurs,

 

le prophète Ésaïe nous dit quelque chose

de difficile à entendre et à admettre :

nous sommes malades.

 

Quand on a une grosse grippe, on le sent bien.

Par contre, quand on devient sourd,

souvent on ne s’en rend pas compte.

On a l’impression

que ce sont les autres

qui ne parlent pas assez fort.

Et il faut que d’autres personnes nous disent

que le problème est chez nous.

 

Il en va souvent de même

pour les dépressions.

Si l’on est angoissé ou effondré,

c’est parce qu’il y a ceci ou cela.

On a toujours une explication.

On ne se rend pas compte

que notre réaction est disproportionnée,

que notre esprit, que notre cœur est dérèglé.

 

« Ce sont nos maladies qu’il portait. »

 

Il n’est bien sûr pas question de nos rougeoles

ou de nos pneumonies.

Alors de quelles maladies s’agit-il ?

 

Par exemple,

la maladie d’être toujours en concurrence, en compétition.

La maladie de toujours chercher à se mettre en valeur,

à s’imposer.

La maladie de voir la paille dans l’œil de son prochain,

tout en omettant la poutre qui est dans le nôtre.

La maladie de tout analyser, commenter, expliquer, justifier.

La maladie de tout mesurer, calculer :

assurer ses arrières.

La maladie de laisser si peu de place à l’émerveillement,

au silence,

à l’écoute,

à la reconnaissance.

 

« Ce sont nos maladies qu’il portait. »

 

Seulement à quoi ça sert

de porter les maladies d’autres personnes ?

Ne vaudrait-il pas mieux les guérir ?

 

Cela semble évident.

Mais, en même temps, cela ne marche pas comme ça.

À trop s’occuper de sa maladie,

on la cultive.

On s’y enlise.

On en devient le prisonnier.

Pour certaines personnes,

cela devient presque comme un titre de noblesse.

 

Le Christ, Lui, ne donne pas une leçon de prophylaxie.

Il trace un chemin.

 

Beaucoup de chrétiens voient dans la croix

une transaction un peu mystérieuse

qui leur assure l’impunité.

Le Christ comme une sorte de Winkelried :

grâce à sa mort je peux vivre.

La conscience tranquille.

L’âme en paix.

Et bien sûr comme je le veux.

 

C’est là qu’il faut se poser la question :

Qui est le Christ ?

Un otage qui prend ma place ?

Un ami ?

Un frère ?

Mon Seigneur et mon Dieu ?

 

Un chemin est ouvert par la croix.

Un chemin que je suis invité à suivre.

 

C’est le chemin qui est la guérison.

Et tant que je refuse de m’y avancer,

j’ai beau assurer être guéri,

il n’en est rien.

Un peu comme ces fumeurs

qui répètent qu’ils ne sont pas dépendants,

et qu’ils peuvent arrêter quand ils veulent.

 

Oui, sur la croix, il n’en va pas tant de Jésus

que de nous.

« Ce sont nos maladies qu’il portait. »

Et on ne peut pas juste le constater de loin.

Il y a un pas qu’il faut faire.

 

De quel côté est-ce que je me place.

Avec les malades qui prétendent ne pas l’être ?

Ou avec le Christ médecin, le Christ médecine,

le Christ médicament ?

 

Comprendre les enjeux ne sert à rien

si l’on ne se met pas en route.

La croix n’est pas un spectacle,

une tragédie grandiose.

 

Je suis placé encore et encore devant cette question :

« Qui est cet homme ? »

Un raté ?

Un malchanceux ?

Un inconscient ?

Un idéaliste rattrapé par la réalité ?

Une victime d’un pouvoir dictatorial ?

Le salut venu d’en haut ?

Mon Seigneur et mon Dieu ?

 

Dire : « Mon Seigneur et mon Dieu ! « ,

ce n’est pas dire : « Il me plaît, cet homme ! »

C’est dire que l’on se sent comme obligé

par cette personne, par ce qu’il fait.

 

On répète souvent

que le Christ est toujours là avec nous.

Être chrétien,

c’est vouloir toujours être là où est le Christ.

Et à Vendredi Saint,

le Christ est sur la croix.

 

On aimerait tellement que cela soit

une péripétie malheureuse.

La méchanceté de quelques hommes

incapables d’accueillir

le message si généreux de Jésus.

 

Mais sur la croix, Jésus n’a pas crié :

« Vous ne m’avez pas compris ! »,

ou bien « C’est vraiment pas de chance ! »

Non, il a dit :

« Tout est accompli ! »

Une parole

qui interdit toute esquive.

Est-ce que je reste à distance ?

Ou bien suis-je prêt à faire le pas ?

 

Accepter d’être incompris des autres

sans pour autant se désolidariser d’eux.

Sentir que nous sommes un seul corps

aussi avec Pilate,

aussi avec ceux qui plantent les clous dans les mains.

 

Ne pas chercher les honneurs et les plaisirs.

Mais ne pas non plus les fuir.

Ne tout simplement pas y accrocher notre cœur.

 

Ne pas prendre soin des malheureux.

Mais être une seule chair, un seul cœur avec eux.

Sans tomber dans aucune idéalisation.

 

La croix, ce n’est pas le masochisme,

qui n’est souvent qu’un narcissisme inversé.

Rien d’héroïque.

 

Juste ne pas avoir peur d’aller à contre-courant,

sans en faire pour autant quelque chose de systématique.

 

Être le frère, la sœur, de ceux qui vivent mal,

de ceux qui pensent mal.

Ne pas hurler avec les loups,

même quand on nous demande de le faire.

Ne faire une croix sur personne,

même quand tout le justifierait.

Sans pour autant être naïf.

Sans pour autant cautionner

ce qui n’a pas à l’être.

 

Il est tentant de voir le Crucifié

comme quelqu’un de passif,

pris dans des événements qui le dépassent.

Cela nous arrangerait bien,

car la passivité est confortable :

répéter ce que l’on a entendu ailleurs,

faire ce que les autres attendent de vous.

 

Sur la croix, le Christ dit : « Tout est accompli ! »

Non pas un cri désespéré : « Tout est fini ! »

Mais cette conviction : « J’ai fait ce que j’avais à faire ! »

 

« Ce sont nos maladies qu’il portait. »

 

Je suis malade,

comme l’est notre société.

À suivre fiévreusement les actualités,

m’énervant contre celui-ci ou celle-là.

À imaginer un monde parfait

où tout serait comme je le veux.

À rêver d’être enfin reconnu à ma juste valeur

qui est bien sûr considérable.

 

Le Christ ne me dit pas que c’est mal.

 

Il me montre juste le chemin pour une autre vie.

 

Non pas un chemin personnel

pour se distinguer des autres

et acquérir ainsi des mérites.

 

Mais un chemin où ce que l’on vit,

c’est au nom de tous qu’on le fait.

Puisque, par l’amour du Christ,

nous sommes tous membres les uns des autres.

Et la maladie de l’un, c’est la maladie de tous.

Et la bonne santé de l’un, c’est la bonne santé de tous.

 

À Vendredi Saint,

nos maladies sont aussi les maladies du Christ.

Et Sa générosité est aussi notre générosité.

 

Il n’y a pas de fossé.

Nous sommes un.

Et notre le baptême le rappelle.

Puisque nous avons revêtu Christ.

 

Il est juste bon d’actualiser cette réalité,

et puisque le Christ est avec nous sur le chemin de la vie,

marcher nous aussi avec lui sur le chemin de la croix.

 

Amen