Vos lieux de culte Église 29

Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère,

Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala.

Jésus, voyant sa mère, et auprès d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère: “Femme, voilà ton fils.

Puis il dit au disciple: “Voilà ta mère.” Et, dès ce moment, le disciple la prit chez lui.

Après cela, Jésus, qui savait que tout était déjà consommé, dit, afin que l’Écriture fût accomplie: “J’ai soif.”

Il y avait là un vase plein de vinaigre. Les soldats en remplirent une éponge,

et, l’ayant fixée à une branche d’hysope, ils l’approchèrent de sa bouche.

Quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit: “Tout est accompli.” Et, baissant la tête, il rendit l’esprit.

Dans la crainte que les corps ne restassent sur la croix pendant le sabbat,

car c’était la préparation, et ce jour de sabbat était un grand jour,

les Juifs demandèrent à Pilate qu’on rompît les jambes aux crucifiés, et qu’on les enlevât.

Les soldats vinrent donc, et ils rompirent les jambes au premier, puis à l’autre qui avait été crucifié avec lui. 

S’étant approchés de Jésus, et le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes;

mais un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il sortit du sang et de l’eau.

Celui qui l’a vu en a rendu témoignage, et son témoignage est vrai; et il sait qu’il dit vrai, afin que vous croyiez aussi.

Ces choses sont arrivées, afin que l’Écriture fût accomplie: “Aucun de ses os ne sera brisé.”

Et ailleurs l’Écriture dit encore: “Ils verront celui qu’ils ont percé.”

Évangile selon Jean 19, 25-37

 

 

« Tout est accompli. »

 

Frères et sœurs,

cette parole de Jésus est pleine force.

Souveraine.

Il y a en elle quelque chose d’absolu, de définitif.

Il n’y a plus à rien à ajouter.

Rien que l’on puisse ajouter.

 

Mais, en même temps, Jésus reste très lapidaire,

ouvrant la porte à bien des interprétations.

 

Il est tentant de voir dans ces derniers mots

comme un point final posé sur la copie.

Celle-ci est maintenant achevée.

Tout a été dit.

On range ses affaires.

Et l’on attend le résultat avec félicitation :

la venue du Royaume des cieux.

 

Le temps de l’Église n’est qu’un temps de battement.

L’essentiel a déjà été fait.

C’est l’œuvre de Jésus et de tous ceux qui l’ont précédé.

Ce que l’on appelle l’histoire du salut.

Un chapitre désormais clos,

dont nous ne sommes pas les acteurs.

Juste les bénéficiaires.

Avant que Dieu ne fasse toutes choses nouvelles.

Avant qu’il ne fasse de cette terre

le lieu de Son Royaume de justice et de paix.

 

« Tout est accompli. »

 

Le temps des patriarches et des prophètes a reçu sa conclusion.

Tout ce qui devait se jouer s’est joué.

Il n’y a plus d’enjeu.

Les nouveaux cieux et la nouvelle terre, c’est bon, c’est sûr.

On ne sait juste pas quand.

Alors on patiente.

 

Bien des croyants voient les choses ainsi.

L’œuvre du Christ est parfaite.

Il n’y a rien à ajouter à ce qu’il a fait sur la croix.

 

Le temps de l’Église comme un vacuum

en attendant le retour du Seigneur dans la gloire.

 

« Tout est accompli. »

 

Ces mots, on peut les comprendre aussi autrement.

Non pas « Punkt Schluss ! »

Mais « Tout est prêt ! Cela peut commencer ! »

 

Pour le comprendre, il est bon d’élargir l’image.

Ne pas en rester qu’aux derniers mots de Jésus.

Mais prendre en compte les moments qui les entourent.

Non pas juste des détails poignants

de cette histoire qui se termine.

Mais des semences d’avenir.

 

« Femme, voilà ton fils ! » […]

« Voilà ta mère ! »

 

L’apôtre Jean comme suppléant de Jésus auprès de Marie.

C’est la première idée qui vient à l’esprit.

Jésus qui veille à ce que quelqu’un s’occupe de sa mère,

quand il ne sera plus là.

 

Une image touchante.

Mais quelque peu décalée par rapport à ce que l’on lit

dans les évangiles.

Jésus n’a que peu de regards pour sa parenté terrestre.

C’est le Père céleste qui est son horizon.

 

Alors peut-être cette scène auprès de la croix

a-t-elle une tout autre signification.

Une tout autre portée aussi.

 

Non pas combler une place vacante,

en offrant un ersatz de Jésus à une mère qui perd son fils.

Mais créer du nouveau.

Lancer une nouvelle dynamique.

 

C’est une place de choix

que Jésus demande aux disciples

de faire parmi eux pour sa mère.

Non pas la vieille dame dont il faut s’occuper

pour faire une bonne action.

Mais une guide, une protectrice, une présence.

 

Les apparences sont trompeuses.

Ce n’est pas de Marie que Jésus prend soin en premier lieu,

mais de Jean.

Et à travers lui de toute l’Église.

 

Pour la communauté des disciples orphelins de leur maître

Marie est une personne clé

pour ne pas s’enliser dans les souvenirs, dans le passé.

Marie, c’est la confiance incarnée.

Celle qui n’a pas eu peur de faire le pas.

De s’engager sur un chemin dont elle était loin de voir

tous les méandres.

« Me voici : je suis la servante du Seigneur.

Qu’il me soit fait selon ta parole. »

 

Bien sûr, l’Église des premiers temps,

c’est Pierre,

dont Jésus a dit que c’est sur cette pierre-là

qu’il construira son Église.

Et il y a aussi l’apôtre Paul

qui a reçu une mission importante,

et qui l’accomplit en y mettant une énergie incroyable.

 

Il est juste dommage que nous ayons oublié

cette figure discrète et pourtant essentielle

qu’a été Marie pour la première communauté des croyants.

 

Marie, celle qui croit à la promesse.

Marie, celle qui se sait petite

et en même temps aimée et bénie de Dieu.

Marie, celle qui a offert sa chair

pour que l’amour de Dieu prenne vie.

Pour que l’humanité tout entière puisse contempler son visage.

 

Sur la croix, Jésus donne sa vie pour le monde.

Mais il prépare aussi le chemin de l’Église,

en lui offrant un soutien, une présence, une âme.

 

Marie, celle en qui Jésus a pris forme.

Et qui peut nous aider à être nous aussi porteurs du Christ,

pour tous ceux dont nous croisons la route.

 

On se croit parfois obligé de jouer à Jésus.

En prenant le risque d’être, non pas un reflet,

mais une caricature.

 

Pour apporter le Christ au monde,

c’est la voie de Marie qu’il faut suivre.

La simplicité, la disponibilité, la prière.

Avec aussi la joie du Magnificat.

 

S’ouvrir à Dieu et à son action.

Plutôt que le brandir comme un objet.

Comme un signe de pouvoir.

 

« Tout est accompli. »

 

Ce sont les derniers mots de Jésus avant sa mort.

 

Un témoignage va cependant encore être donné

juste après le dernier souffle.

Un des soldats perce le flanc mort du crucifié.

Et il en sort du sang et de l’eau.

 

Certains cherchent une explication physiologique

à ce phénomène.

Pour le croyant, pour le chrétien,

le sang et l’eau qui sortent de Jésus,

qui sortent de la croix,

cela renvoie aux sacrements

par lesquels Jésus nous fait de vivre de sa vie.

L’eau du baptême.

Et le sang de la cène.

 

Non pas juste un mémorial, un rappel, une image.

Mais quelque chose de réel, de vivant, de vivifiant.

L’amour du Christ montré sur la croix

qui vient irriguer nos vies

et leur donner une autre densité.

En en faisant des vies habitées par Celui qui est le Fils de Dieu.

Par Celui dont l’amour est gage d’éternité.

 

« Tout est accompli. »

 

Jésus semble seul sur la croix.

Non pas abandonné.

Mais souverain, libre.

Sans besoin de personne.

 

Pourtant l’Église est là avec lui à ce moment.

Puisqu’il s’en soucie.

Puisqu’il prépare son avenir.

Notre avenir.

 

Marie comme guide spirituelle

qui offre sa douceur et sa fraîcheur de fille de Sion,

là où il est si tentant de se casser la tête

à faire des théories, à chercher des explications.

 

Les sacrements ensuite

par lesquels l’amour de Jésus se fait vie et nourriture.

Une communion qui transforme nos personnes.

Autrement plus efficace que ces leçons de morale

que nous aimons répéter,

et qui ne font souvent que nous crisper,

nous dessécher.

 

La croix n’est pas la tragédie que l’on pense.

Bien sûr, il y a la violence qui se déchaîne.

Mais au cœur de cette violence,

il y a Jésus qui ouvre un autre chemin, fait d’amour.

Un chemin qui nous porte toujours en ce moment.

Et qui nous permet d’avancer au-devant du Royaume des cieux,

tout en en sentant déjà le parfum,

tout en en goûtant déjà la saveur, toute la liberté.

 

Amen