Vos lieux de culte

Henri Beauclair architecte, parlant de son projet pour ce temple, dit ceci :

L’essentiel était de créer une ambiance autre que celle où le fidèle vivait quotidiennement.

Il fallait l’abstraire de son environnement habituel en créant un lieu entièrement refermé,

favorable au recueillement et à la réflexion, par la recherche prépondérante d’une lumière.

Celle-ci devait venir « d’en haut », bien sûr,

et devait être immuable, quelle que soit la saison et quelle que soit l’heure.

D’où l’idée d’une ouverture vers le haut et invisible,

captant la lumière dont on ne verrait pas la source,

lumière qui devait environner les fidèles,

tenus rassemblés sous une sorte de dais, masquant le ciel toujours changeant.

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 6, le verset 6

« Mais toi, lorsque tu veux prier, entre dans ta chambre, ferme la porte

et prie ton Père qui est là, dans cet endroit secret ;

et ton Père, qui voit ce que tu fais en secret, te récompensera. »

 

« … dans le secret… »

 

Frères et sœurs,

 

si nous avons organisé hier des portes ouvertes,

c’est parce que le Temple de Fontenay

n’est pas facile d’accès.

La plupart du temps,

il est fermé.

Et de l’extérieur,

on ne voit rien de ce qu’il y a à l’intérieur.

Les façades n’ont pas la moindre ouverture.

Pas de fenêtres.

Pas de vitraux.

Juste le gris du béton.

 

Fontenay, un temple secret.

Et notre époque n’aime pas le secret.

Tout doit être accessible en deux clics,

en deux pas.

Toutes les informations sur une personne.

Tous les endroits

qui pourraient intéresser quelqu’un.

 

Jésus nous rappelle que le secret

fait partie de notre personne,

et que c’en est même

la partie la plus importante.

 

Toutes les photos que l’on peut mettre

sur son compte Facebook ou sur Instagram

passent à côté de l’essentiel.

 

Car l’essentiel est dans le secret,

là où l’on rencontre le Père.

Une rencontre intime

qui ne peut pas,

qui ne doit pas s’exposer.

 

Il y a une année,

j’ai trouvé sur la petite galerie qui mène à la sacristie

une jeune fille qui avait franchi la chaîne

et qui était assise là.

 

Elle m’a supplié de ne pas lui demander de partir,

car elle avait besoin d’être seule.

Dispute avec les parents,

ou premier chagrin d’amour ?

Je ne sais pas.

Mais il y avait ce besoin d’être seule.

 

On se donne beaucoup de peine

à créer des lieux de rencontre,

des occasions de contact :

fêtes en tous genres,

apéritifs,

moments de convivialité.

Et c’est très bien.

 

Seulement nous ne sommes pas

que des animaux sociaux.

Les interactions,

c’est important.

Mais de temps à autre se fait sentir

le besoin de retrouver le secret de notre être.

Là où le Père est là qui nous voit,

qui nous écoute,

qui nous parle.

Non pas la solitude, l’isolement.

Mais l’intimité.

Le recueillement.

 

Être à l’abri des regards

et de toutes les sollicitations de la société.

Un lieu préservé

où l’on peut retrouver

qui l’on est vraiment en profondeur,

dans une relation vivante au Père.

 

Il n’est pas mauvais

de se rappeler

que c’est là la première raison d’être

de ce Temple.

 

Amen

 

Henri Beauclair, parlant de son projet, dit également :

Tout de suite vint l’idée de murs périphériques élevés, s’évasant vers le haut,

formant comme une pyramide inversée dont la pointe serait située sous l’assemblée des fidèles.

Ceux-ci seraient donc rassemblés au centre d’un espace pyramidal dont ils ne percevraient pas les limites,

suggérant les deux infinis de Pascal, qui voyait l’être humain perdu entre l’infiniment grand et l’infiniment petit.

A l’entrée dans l’église, il est important que l’on soit frappé par un contraste très lumineux.

Il sera obtenu par la réflexion sur les murs, inclinés et enduits blancs,

de la lumière provenant de la verrière périphérique que l’on n’aperçoit pas.

 

Lettre aux Philippiens, chapitre deux, versets cinq à onze :

« Comportez-vous entre vous comme on le fait quand on connaît Jésus-Christ : 

Il possédait depuis toujours la condition divine, mais il n'a pas voulu demeurer de force l'égal de Dieu. 

Au contraire, il a de lui-même renoncé à tout ce qu'il avait et il a pris la condition de serviteur.

Il est devenu homme parmi les hommes, il a été reconnu comme homme ;

il a choisi de vivre dans l'humilité et s'est montré obéissant jusqu'à la mort, la mort sur une croix. 

C'est pourquoi Dieu l'a élevé à la plus haute place et lui a donné le nom supérieur à tout autre nom. 

Il a voulu que, pour honorer le nom de Jésus, tous les êtres, dans les cieux, sur la terre et sous la terre,

se mettent à genoux, et que tous proclament, à la gloire de Dieu le Père :

« Jésus-Christ est le Seigneur ! » 

 

« Une pyramide inversée » !

 

La relation à Dieu est souvent associée à la montagne

qui est en fait une pyramide naturelle

Avec une base très large

qui se réduit à mesure que l’on monte

jusqu’au sommet.

Comme une invitation à s’élever,

à quitter les vains bruits de la plaine,

pour se rapprocher de ce lieu

où il ne reste que le ciel,

et où le Très-Haut vient à notre rencontre.

 

C’est Moïse au Mont Sinaï.

Élie au Carmel et à l’Horeb.

La pyramide comme une invitation

à tourner son regard vers le haut,

et à faire un effort

pour ne pas suivre sa pente,

mais se hisser à la hauteur de Dieu.

 

À Fontenay, la pyramide est inversée.

Non pas l’homme qui monte

pour essayer de rejoindre Dieu.

Mais le Très-Haut qui descend

pour se faire le Très-Bas.

 

Monsieur Beauclair le dit :

le temple n’est qu’un segment de cette pyramide.

 

C’est assez évident :

une pyramide inversée,

ce n’est pas facile à construire

dans son entier.

Imaginez :

tout un bâtiment

qui ne reposerait

que sur un seul point !

 

Mais les raisons pratiques

ne sont pas les principales.

L’infini de Dieu ne saurait se réduire à ce plafond

encore bien près de nos têtes.

D’ailleurs, même le ciel qui se déploie au-dessus du toit,

si vaste, si haut,

n’effleure pas, lui non plus, la grandeur de Dieu.

 

Mais ce n’est pas que vers le haut

que la pyramide se poursuit au-delà de ce temple.

C’est aussi vers le bas.

Au-dessous de nous,

il y a ce point qui nous rappelle que,

pour rencontrer ce Dieu

qui s’est fait serviteur en Jésus-Christ,

il ne faut pas se pousser du col

et jouer au petit roitelet :

s’enfler de connaissances,

de compétences,

de vertus.

Il faut bien plutôt retrouver la simplicité

de Celui qui ne juge pas,

qui n’évalue pas.

De Celui qui se contente d’aimer et de servir.

 

Un bon bout de chemin

nous attend encore

pour nous mettre au niveau

de Celui qui s’est abaissé pour nous.

Et les alpinistes le savent :

descendre n’est pas plus facile que monter.

 

Seulement sur ce chemin nous ne sommes pas seuls.

Puisque Celui qui nous a lavés les pieds

et qui nous invite à faire de même

les uns pour les autres

est là qui nous soutient.

 

Amen

 

 

Henri Beauclair, parlant de son projet, dit encore :

Le sol, en béton brut, ne va pas jusqu’aux murs :

une plate-bande en contrebas, garnie de gros galets rappelant ceux du lac,

empêche d’aller jusqu’aux murs et donc de voir la verrière.

Dans l’axe, une croix, identique à celle de l’extérieur, derrière la table de communion,

en béton comme la chaire située à gauche.

A droite les fonts baptismaux sous la forme d’un rocher légèrement excavé sur le dessus,

rappelant la pierre sur laquelle Moïse frappa, faisant jaillir l’eau (Exode 17 : 6)

L’ensemble serait réalisé en béton brut, matériau de notre époque,

rappelant le traitement simple et la rusticité des églises romanes,

qui tiraient leur force de l’unicité de leurs matériaux et de la justesse de leurs proportions.

 

Première lettre de Pierre, chapitre deux, versets un à six :

« Rejetez donc toute forme de méchanceté, tout mensonge,

ainsi que l'hypocrisie, la jalousie et les médisances. 

Comme des enfants nouveau-nés, désirez le lait spirituel et pur,

afin qu'en le buvant vous grandissiez et parveniez au salut. 

En effet, « vous avez constaté combien le Seigneur est bon. » 

Approchez-vous du Seigneur, la pierre vivante rejetée par les hommes,

mais choisie et jugée précieuse par Dieu. 

Prenez place vous aussi, comme des pierres vivantes, dans la construction du temple spirituel.

Vous y formerez un groupe de prêtres consacrés à Dieu,

vous lui offrirez des sacrifices spirituels, qui lui seront agréables par Jésus-Christ. 

Car voici ce qui est dit dans l'Écriture :

« J'ai choisi une précieuse pierre que je vais placer comme pierre d'angle en Sion ;

et celui qui lui fait confiance ne sera jamais déçu. »

 

« De gros galets rappelant ceux du lac »,

« un rocher […] rappelant la pierre

sur laquelle Moïse frappa,

faisant jaillir l’eau. »

 

Pour Monsieur Beauclair, la pierre est associée à l’eau.

Le galet doit sa forme lisse et arrondie

aux eaux du lac qui l’ont poli.

Quand à ce gros rocher qui sert de baptistère,

il n’est pas qu’un récipient démesuré

pour l’eau qu’on y verse.

Il évoque ce rocher qui, par l’action de Dieu,

s’est fait source

lors de la sortie d’Égypte.

 

L’apôtre Pierre rappelle

que le Christ est la pierre vivante,

rejetée par les hommes,

mais choisie et jugée précieuse par Dieu,

qui est devenue la pierre d’angle.

L’apôtre Paul dit, lui,

que le Christ est ce rocher

dont les Hébreux ont bu dans le désert.

 

Un rocher, c’est solide.

On peut s’appuyer dessus.

On peut construire un temple dessus.

Mais en même temps, c’est inerte.

C’est sec.

C’est stérile.

 

Le Christ est un rocher.

Mais c’est un rocher vivant

qui désaltère,

qui irrigue,

qui vivifie,

qui baptise.

 

Et l’apôtre Pierre

de lancer cet appel :

« Prenez place vous aussi,

comme des pierres vivantes,

dans la construction du temple spirituel. »

 

Non pas des blocs taillés,

bien carrés, tous identiques,

qui s’imbriquent parfaitement.

Mais ces galets arrondis

par l’eau qui ne cesse de jaillir du Christ.

 

Ces galets qui, comme le dit Henri Beauclair, ne sont pas là

pour faire tenir les murs,

mais pour préserver le mystère :

voir la lumière,

et ne pas se soucier

du dispositif

qui lui permet d’arriver à nous.

 

Le rôle d’une paroisse,

d’une communauté

et de tous ceux et celles

qui s’y engagent,

en particulier le conseil paroissial,

n’est pas avant tout

de faire circuler l’information

et de distribuer des papillons

pour les différents événements

organisés ici ou là.

 

Le rôle d’une paroisse,

d’une communauté

et de son conseil,

c’est de permettre de vivre

le mystère de la présence de Dieu

qui éclaire nos vies.

Non pas une énigme à percer.

Mais une rencontre à faire.

C’est cela le mystère :

non pas juste une signification qui fait réfléchir,

mais une présence qui change tout.

La solidité du rocher,

et la fraîcheur de l’eau.

 

Amen