La quinzième année du règne de Tibère César, lorsque Ponce Pilate était gouverneur de la Judée,
Hérode tétrarque de la Galilée, son frère Philippe tétrarque de l’Iturée et du territoire de la Trachonite,
Lysanias tétrarque de l’Abilène, et du temps des souverains sacrificateurs Anne et Caïphe,
la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert.
Et il alla dans tout le pays des environs du Jourdain,
prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés,
selon ce qui est écrit dans le livre des paroles d’Ésaïe, le prophète:
C’est la voix de celui qui crie dans le désert:
Préparez le chemin du Seigneur,
Aplanissez ses sentiers.
Toute vallée sera comblée,
Toute montagne et toute colline seront abaissées;
Ce qui est tortueux sera redressé,
Et les chemins raboteux seront aplanis.
Et toute chair verra le salut de Dieu.
Évangile selon Luc 3, 1-6
« Préparez le chemin du Seigneur ;
aplanissez ses sentiers.
Toute vallée sera comblée,
toute montagne et toute colline seront abaissées ;
les chemins tortueux seront redressés,
les chemins raboteux seront aplanis ;
et toute créature verra le salut de Dieu. »
Frères et sœurs,
quand une visite importante doit arriver,
on prépare les lieux pour l’accueillir.
On fait de l’ordre et des nettoyages.
On met des décorations.
On déroule le tapis rouge.
On met soi-même de beaux vêtements.
Et l’on se tient sur le seuil
pour recevoir celui qui vient
et lui offrir un visage,
une attention,
une disponibilité.
Montrer à l’autre qu’il est le bienvenu.
Qu’il ne dérange pas, bien au contraire.
Et le faire en mobilisant le meilleur qu’il y a en nous.
Le meilleur dont on est capable.
Bien sûr, ce n’est pas toujours facile.
Des fois on n’a pas le temps de ranger.
Alors on met les choses pêle-mêle dans les placards.
On cache le désordre pour faire bonne impression.
Pour offrir une belle façade.
On dit que le ministre de Catherine II, Potemkine,
faisait repeindre les villages où elle devait passer.
Et qu’il remplaçait les paysans un peu trop miséreux
par des soldats pleins de santé
déguisés quelques heures en moujiks.
« Préparez le chemin du Seigneur. »
Quand il n’était pas encore
complètement phagocyté par Noël,
le temps de l’Avent était entre autres
consacré au rangement de l’habitat.
On faisait de l’ordre.
On nettoyait.
Que tout soit beau et net
pour accueillir le Fils de Dieu.
Et c’est aussi en soi que l’on faisait de l’ordre,
en réparant les erreurs ou les injustices
que l’on avait commises.
En se réconciliant avec ceux avec qui l’on était brouillé.
En demandant pardon.
Et en pardonnant aussi de son côté.
Oui, que tout soit beau et net
pour accueillir le Fils de Dieu.
Jean-Baptiste le dit bien :
« Préparez le chemin du Seigneur. »
Seulement, est-ce bien cela qui nous est demandé ?
Si un réparateur vient chez vous,
vous n’allez pas masquer la fuite,
et dire que tout va bien.
« Vous ne voulez pas un café ? »
Vous allez au contraire dégager le lieu
pour lui permettre d’intervenir.
Le pire pour le médecin ou le psychologue,
c’est la personne qui va visiblement mal,
voire même très mal,
et qui affirme le contraire.
Qui prétend que tout est en ordre.
« Oh, parfois un peu de fatigue,
mais rien d’important ! »
Préparer le chemin du Seigneur,
c’est lui permettre d’accéder
à ce qu’il vient soigner.
Ne pas cacher les problèmes.
Ne pas les nier.
Ne pas détourner la conversation.
Et ce n’est pas facile.
On a été éduqué à ne pas embêter les autres
avec nos ennuis.
À répondre à celui qui nous demande « Comment ça va ? » :
« Mais très bien. Et vous ? »
Reconnaître que « Non, ça ne va pas ! »
Parler de ses idées noires, de ses peurs, de ses angoisses.
Dire sa fatigue.
Dire sa douleur.
Ça ne vient pas naturellement.
Il faut du courage.
Le courage de la lucidité.
Arrêter de se mentir à soi-même.
Et ça, ça demande du travail.
Beaucoup d’efforts.
Une grosse préparation.
Les quatre semaines de folie avant Noël
sont loin d’être le moment idéal pour cela.
Toute cette agitation.
Ces lumières scintillantes.
Cette énergie qui se veut positive.
On n’a pas envie de gâcher la fête avec ses soucis.
Le Psaume que nous avons entendu
dit que Dieu vient juger la terre.
On pourrait ainsi comprendre la venue de jésus comme un test.
Êtes-vous de ceux qui ont su le trouver dans l’étable à Bethléem,
ou bien avez-vous au contraire fermé votre porte à ses parents ?
Mais il y a malentendu.
Dans la Bible, le juge n’est pas celui qui évalue.
C’est celui qui répare.
Celui qui dégrippe ce qui est coincé.
Celui qui rétablit ce qui était affaissé.
Le juge comme celui qui regarde la réalité en face.
Qui voit ce qui bloque.
Et qui intervient pour que la vie puisse reprendre.
Pour que l’on puisse à nouveau avancer
au-devant de ce qui vient.
Le Christ ne vient pas inspecter son Église.
Il vient apporter son salut, son secours, sa lumière.
Sa douceur dans ce qui fait mal.
Sa présence dans ce que l’on a l’impression d’être seul à porter.
Un ancien collègue tchèque
qui travaille maintenant hors Église comme commercial
vient de publier un petit livre.
Il ne s’agit pas de méditations ou de prières.
Il s’agit de bénédictions.
Des petits textes qu’il mettait sur Twitter pendant le covid
pour apporter du réconfort.
Des invitations à voir Dieu tout proche de nous,
et à accueillir l’attention qu’il nous consacre,
l’amour dont il nous entoure,
la douceur, la lumière qu’il nous partage.
Ces textes m’ont parlé.
D’autant plus que ce collègue était connu
pour son caractère conflictuel.
Mais peut-être est-ce pour cela qu’il a su discerner
la présence guérissante de Dieu
justement là où nous atteignons nos limites :
quand ça coince, quand ça ne va pas.
Voici trois échantillons de ce petit livre
qui me semble tellement en phase avec ce temps de l’Avent.
« Même si la situation autour est grave,
même si le monde branle,
même si tu te représentes autrement une soirée tranquille,
même si tu ne vois pas la lumière au bout du tunnel,
même si ta foi est très faible,
même si ton entourage ne te comprend pas,
aie confiance que quelqu’un t’aime,
et maintenant il veille sur toi. »
« Quand tu es de plus en plus seul,
quand tu es malade,
quand quelqu'un te manque beaucoup,
quand les projets se défont comme la pluie qui tombe dehors,
quand tu doutes de toi,
quand tu as besoin de plus de sommeil,
sois étreint par la bénédiction
maintenant et dans les heures à venir »
« Que dans tes ténèbres entre la lumière,
que les bonnes forces te protègent,
que dans la nuit le sommeil te submerge,
que l’amour t’accompagne, et aussi la foi, et aussi l’espérance,
que le visage lumineux de Dieu
soit au-dessus de chacun de tes péchés,
à toi bénédiction ! »
Nous l’avons entendu dans l’Évangile, Jean-Baptiste dit :
« Préparez le chemin du Seigneur. »
En d’autres mots,
regardez la réalité en face.
Et ne vous cachez pas votre désarroi,
votre détresse.
Ne cherchez pas non plus à les fuir.
Mais vivez-les vraiment.
Avec des soupirs.
Avec des cris.
Avec des larmes.
« Oui, j’ai mal.
J’ai mal à mon monde.
J’ai mal à ma vie.
Et je ne sais pas quoi faire.
Je me sens dépassé. »
Il ne s’agit pas de désespérer.
Juste de placer ailleurs son espérance.
Non pas dans ses propres forces.
Ni dans celles de ceux qui promettent monts et merveilles.
Juste dans Celui qui vient.
Celui qui vient nous sauver.
Celui « qui porte la guérison comme un soleil dans ses rayons. »
Le cantique le dit bien :
« Voici, divin Sauveur, Jésus le Rédempteur. »
Utilisons donc à bon escient ces semaines du temps de l’Avent
qui nous sont données.
Et préparons comme il le faut le chemin du Seigneur.
Le chemin de celui qui vient nous secourir.
Nous guérir.
Nous bénir.
Amen