Les onze disciples allèrent en Galilée,
sur la montagne que Jésus leur avait désignée.
Quand ils le virent, ils se prosternèrent devant lui.
Mais quelques-uns eurent des doutes.
Jésus, s'étant approché, leur parla ainsi :
« Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre.
Allez, faites de toutes les nations des disciples,
les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit,
et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit.
Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde. »
Évangile selon Matthieu, chapitre 28, versets 16 à 20
« Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. »
Frères et sœurs,
cette phrase fait rêver.
Jésus a les pleins pouvoirs.
Il va régler tous les problèmes sur terre :
les guerres, la misère, les famines, les épidémies,
le réchauffement climatique.
Jésus comme Superman.
Jésus plus fort que Vladimir Poutine, Kim Jong Un
et tous les affreux.
Jésus comme ce bon dictateur
qui fait en sorte que tout fonctionne bien,
et que nous n’ayons plus aucun souci.
Seulement il suffit de lire les journaux
pour voir que cela ne se passe pas ainsi.
Gaza, l’Ukraine.
Et aussi tous ces gens perdus,
agressifs,
déboussolés,
malheureux.
Jésus dit qu’il a les pleins pouvoirs.
Mais qu’en fait-il ?
Une histoire que je rappelle souvent
est celle de Robin des Bois.
Jean sans terre a tous les pouvoirs.
Mais c’est un imposteur.
Quelqu’un de stérile.
D’impuissant.
Richard Cœur de Lion, lui, n’a pas d’armée.
Juste quelques compagnons.
Mais il a l’autorité.
Il a la légitimité.
Il a le vrai pouvoir.
Et c’est pour cela que c’est lui le roi.
Celui qui fait prospérer le pays.
De telles personnes,
a priori sans pouvoir,
mais avec une grande autorité,
qui ont amené de grands changements,
il y en a eu au vingtième siècle.
Gandhi.
Martin Luther King.
Soljenitsyne.
Le Dalaï-Lama.
Tout sauf les garants
d’une vie confortable et sans problèmes.
Mais bien des gens les ont suivis.
Parce qu’ils offraient
quelque chose de plus précieux que le confort :
la vérité.
Ce qui fait que les choses se mettent en place.
Ce qui fait que l’on se sent à sa place.
Jésus ne promet pas
un service de dépannage 24h sur 24.
Mais comme l’a dit Pierre,
c’est lui qui a les paroles de la vie éternelle,
de cette vie que même la mort
ne peut pas faire disparaître.
Les paroles qui permettent
de vivre avec Dieu pour toujours.
Et c’est pourquoi le Christ lance cet appel :
« Allez, faites de toutes les nations des disciples. »
Un auteur tchèque,
qui a participé à une nouvelle traduction de la Bible,
a publié à côté un recueil
de passages du Nouveau Testament
actualisés de façon très libre.
Pour ces paroles de Jésus, cela donne :
« Allez vers tous les gens
et offrez leur une nouvelle citoyenneté.
Invitez-les dans la danse de la sainte Trinité
et apprenez-leur à vivre ici sur terre
comme on vit dans le ciel,
là où il n’y a aucun oukase, aucune interdiction,
juste la loi parfaite de l’amour. »
« Allez, faites de toutes les nations des disciples. »
Il ne s’agit pas de soumettre les gens,
de leur imposer quelque chose.
Il s’agit de leur proposer quelque chose.
De leur offrir quelque chose de beau, de grand,
qui va les faire grandir.
Il s’agit,
non pas de les formater
par une doctrine, un catéchisme,
mais de leur faire goûter
combien le Seigneur est bon,
et à quel point il est proche.
Dans l’Histoire,
cela ne s’est pas toujours fait dans cet esprit.
Des conversions ont eu lieu sous la menace.
Des peuplades entières ont été baptisées
sans savoir de quoi il en retournait.
Sans non plus qu’un suivi soit offert.
Faire du chiffre !
Le Christ a quand même dit
qu’il fallait baptiser toutes les nations.
Ces excès nous sont étrangers.
Et pourtant…
Souvent, notre idée est plus
d’élargir nos rangs
et de pérenniser notre communauté,
que de partager une vie différente, plus belle,
que nous vivrions.
Dans l’actualisation du passage dont j’ai parlé,
le Christ dit :
« Allez dans tous les pays,
toutes les villes, tous les villages,
dans chaque groupe ethnique ou culturel,
dans chaque bulle sociale
comme mes ambassadeurs. »
« Allez … comme mes ambassadeurs »
Non pas des spécialistes du Christ
qui maîtrisent parfaitement leur sujet.
Mais les porteurs de son attention.
Les porteurs de sa douceur.
De sa joie.
Le Christ dit :
« Voici, je suis avec vous tous les jours
jusqu’à la fin du monde. »
Dans ma toute première paroisse, en République tchèque,
ces mots étaient inscrits en grand
le long de la voûte de l’église.
Ce sont des mots forts, absolus.
Avec ce danger que l’on en reste à cette seule impression
que ce sont des mots forts, absolus.
Alors il vaut la peine de s’arrêter
pour entendre,
non pas juste l’intensité de l’affirmation,
mais ce qui est dit.
Il y a tout d’abord ce « Je » :
« Je suis avec vous tous les jours
jusqu’à la fin du monde. »
Ce « Je », c’est bien sûr Jésus.
Mais je serais tenté d’ajouter : « Quel Jésus ? »
On imagine parfois un Jésus différent
dès qu’il est en lien avec l’éternité.
C’est le juge suprême des tympans des cathédrales.
Ou le Pantocrator des coupoles des églises orthodoxes,
plus hiératique et sévère,
que doux et humble de cœur.
Dans l’actualisation déjà citée, Jésus dit aux apôtres :
« N’oubliez pas comment je suis
et ce que je vous ai enseigné par mon exemple.
Je serai avec vous en toutes circonstances
et sous tous les régimes. »
En d’autres mots,
le Jésus qui est avec nous tous les jours,
c’est cet homme qui bénissait les petits enfants
et les prenait sur ses genoux.
Qui n’avait pas peur de parler avec les marginaux
et de s’asseoir à la même table qu’eux.
Qui secourait les possédés
et apportait la paix à ceux qui étaient tourmentés.
Cet homme qui était l’amour de Dieu fait chair.
« Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde. »
« Jusqu’à la fin du monde. »
On pourrait entendre ce mot « fin »,
comme si Jésus parlait d’une durée définie, limitée,
et après on verra.
Dans l’actualisation, Jésus dit :
« Je serai avec vous en toutes circonstances
et sous tous les régimes,
et je vous conduirai jusqu’au grand final,
quand ce vieux monde fatigué
renaîtra en un monde nouveau
- et celui-ci sera bien mieux
que tout ce que vous pouvez imaginer. »
C’est de cela qu’il est question dans ces paroles du Christ :
une fidélité et une ouverture.
Un ancrage solide, proche.
Et en même temps, un horizon incroyablement vaste :
être les ambassadeurs auprès de tous
de ce Jésus qui nous a accompagnés
sur les routes de Palestine
et qui nous accompagne encore
sur tous nos chemins.
Être habités par sa présence et sa douceur.
Et pouvoir ainsi avancer
au-devant d’une vie nouvelle,
d’un monde nouveau
qui n’est pas étranger
puisque nous en sommes déjà les citoyens.
Amen