Vos lieux de culte Église 29

Le premier jour de la semaine,

Marie de Magdala se rendit au sépulcre dès le matin, comme il faisait encore obscur;

et elle vit que la pierre était ôtée du sépulcre.

Elle courut vers Simon Pierre et vers l’autre disciple que Jésus aimait, et leur dit:

“Ils ont enlevé du sépulcre le Seigneur, et nous ne savons où ils l’ont mis.”

Pierre et l’autre disciple sortirent, et allèrent au sépulcre. Ils couraient tous deux ensemble.

Mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre, et arriva le premier au sépulcre;

s’étant baissé, il vit les bandes qui étaient à terre, cependant il n’entra pas.

Simon Pierre, qui le suivait, arriva et entra dans le sépulcre;

il vit les bandes qui étaient à terre, 7et le linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus,

non pas avec les bandes, mais plié dans un lieu à part.

Alors l’autre disciple, qui était arrivé le premier au sépulcre, entra aussi; et il vit, et il crut.

Car ils ne comprenaient pas encore que, selon l’Écriture, Jésus devait ressusciter des morts.

Et les disciples s’en retournèrent chez eux.

Évangile selon Jean 20, 1-10

 

« Ils vont, ils vont, ils courent là-bas.

D'abord Pierre, puis ensuite Jean.

Une route pleine de pierres.

Ils courent à la recherche d'un signe

Ils vont, ils vont, ils courent là-bas.

Des pas. Des nuages. Moi aussi je le veux.

Jean a un air confus sur son visage.

Il n'ose pas entrer

Ils vont, ils vont, ils courent là-bas.

D'abord Jean, puis ensuite Pierre

Le monde va tourner autour d’eux.

Ils vont s’émerveiller et revenir en courant

Ils vont, ils vont, ils reviennent en courant.

Moi aussi je cours, moi aussi je le sais.

Moi aussi je cours. Je le sais ! »

 

Frères et sœurs,

le texte que je viens de lire

est celui d’une chanson d’un groupe punk féminin de Prague.

La seule chanson de leur répertoire qui fasse allusion à l’Évangile.

 

Sous le régime communiste, elles en ont fait un enregistrement

pour une maison de disque officielle.

Avec pour titre : « Pierre et Jean ».

 

Après la chute du régime,

elles ont repris cette chanson sur un autre disque

avec ce titre : « Le tombeau est vide ».

 

J’avoue préférer le premier intitulé.

Toute la force de cette chanson est dans son dépouillement.

On ne parle pas de disciples, mais juste de Pierre et de Jean.

Et on ne nous dit pas où ils vont en courant.

Juste que ce qui se passe là-bas

va être un bouleversement pour eux.

 

L’Évangile de Pâques dans toute sa force.

Toute son urgence aussi.

D’ailleurs le rythme de la chanson

fait bien sentir que Pierre et Jean courent.

Ils courent pour aller à un endroit non précisé.

Et ils courent également quand ils en reviennent,

complètement transformés.

 

Il n’est pas question de Pâques.

Il n’est pas question d’Église, d’œufs, de lapins.

Pas même la mention de la mort de Jésus sur la croix.

De sa mise au tombeau.

 

Juste cette course effrénée de Pierre et de Jean.

Parce qu’il s’est passé quelque chose de fou

qu’ils doivent aller voir de leurs yeux.

Une course effrénée qui va reprendre

après l’éclair d’une seconde.

Avec cependant un tout autre cœur dans leur poitrine.

Un tout autre esprit.

Une tout autre urgence.

 

« Le tombeau est vide ».

Cet intitulé est un peu plat.

Pour nous, chrétiens, c’est une banalité, et non un choc.

« Le tombeau est vide »,

cela veut dire que les choses sont revenues dans l’ordre.

Car, Jésus mort et enterré, ça, cela posait problème.

Ça, ce n’était pas normal.

 

Mais que le tombeau soit vide,

c’est plus un soulagement qu’un bouleversement.

On va pouvoir reprendre sa vie là où on l’avait laissée.

 

« Ils vont, ils vont, ils courent là-bas.

D'abord Pierre, puis ensuite Jean. »

 

Avons-nous seulement conscience

de la folie de l’événement de Pâques ?

 

La vie plus forte que la mort.

La vie plus forte que le mal.

 

Tous les journaux ne cessent de nous répéter

que c’est la mort, que c’est la violence,

que c’est le mal qui sont les plus forts.

 

La guerre en Ukraine qui ne peut se terminer

que lorsqu’une nation aura été mise à genoux,

pour ne pas dire anéantie.

La situation à Gaza qui n’aura d’issue

que lorsqu’il n’y aura plus une maison debout,

et qu’un peuple aura débarrassé le plancher.

 

Nous aimerions croire au bien et à sa force.

Mais, en réalité, nous croyons surtout au mal et à son emprise.

Au point de souhaiter que le bien s’empare

des armes de son adversaire pour pouvoir le vaincre.

Et les braves pacifistes d’appeler au meurtre des tyrans

et de leurs partisans.

 

Dans ce contexte, Pâques est une folie.

Tout sauf le sens commun.

 

La mort défaite.

Le deuil détricoté.

La vie qui s’impose là où elle n’a rien à faire.

 

On sait bien ce qu’est une catastrophe :

un événement subit qui bouleverse tout

en apportant le chaos, la dévastation.

Mais on a de la peine à imaginer le contraire :

un événement subit qui bouleverse tout

en apportant la vie, la joie.

 

C’est cela, le matin de Pâques.

Bien plus qu’une heureuse surprise.

L’inconcevable qui devient réalité,

et qui change du tout au tout notre conception de cette réalité.

 

Comment recevoir cet évènement ?

 

La chanson le souligne :

Pierre et Jean ne sont pas assis.

Contemplatifs.

Ou les yeux fermés, à méditer ce qui s’est passé.

Non, ils courent.

 

Quelque chose a eu lieu.

Quelque chose d’incroyable a fait intrusion dans leur monde.

Dans ce monde.

 

Et ce n’est pas quelque chose que l’on peut ranger

après en avoir pris connaissance.

C’est quelque chose qui fait tout bouger.

Qui fait aussi bouger ceux que cela a touchés.

 

Et Pierre et Jean de courir à nouveau,

et en même temps avec un tout autre élan.

Car on ne peut pas rester bouche bée.

C’est un monde différent, nouveau, qui commence.

Il faut aller au-devant.

Il faut le proclamer.

 

Dans la Tchécoslovaquie des années huitante,

le communisme n’était pas tant la barbarie que l’inertie.

L’ennui, la grisaille.

Rien qui bouge.

Rien qui ne peut bouger.

Une bureaucratie démesurée.

Un mécanisme lourd et pesant

que personne ne peut seulement imaginer changer.

 

Dans ce contexte, pour ces jeunes musiciennes,

la nouvelle de Pâques, du tombeau vide,

c’est une irruption formidable

qui vient disqualifier ce qui semblait immuable.

 

On croyait savoir de quoi demain serait fait,

et après-demain, et après-après-demain.

Et voilà qu’un tout autre horizon vient s’imposer.

Une autre histoire commence qui vient court-circuiter

ce récit dont on connaissait déjà si bien la fin.

 

En deux mille ans de christianisme,

on a fait de la Résurrection du Christ une normalité.

Quand on met un mort dans un tombeau, il y reste à jamais.

Mais quand on y met Jésus, cela se passe différemment :

après trois jours, il ressuscite !

 

Plus de surprise.

Une routine.

Une banalité.

Une platitude.

 

Le tombeau vide comme un événement punk.

Une décharge d’énergie qui fait courir dans tous les sens.

Une voie s’ouvre là où il n’y avait rien,

tellement loin de ces autoroutes qui formatent nos esprits.

 

Oubliez vos leçons de catéchisme !

Oubliez cette foi chrétienne bien balisée

qui est devenue une institution !

En ce jour de Pâques,

entendez dans toute sa fraîcheur la nouvelle qui résonne,

comme si vous ne l’aviez jamais entendue :

« On a trouvé le tombeau de Jésus ouvert et vide ! »

 

Le cœur qui bat.

L’esprit qui ne comprend pas.

Les jambes qui se mettent à courir.

Avant le saut de l’inconcevable :

« Il est vivant !

C’est fou.

Mais c’est vrai. »

 

Comme le dit la chanson :

« Moi aussi je cours, moi aussi je le sais.

Moi aussi je cours.

Je le sais ! »

 

Amen