"Mais Dieu est riche en miséricorde ;
à cause du grand amour dont il nous a aimés,
alors que nous étions morts à cause de nos fautes,
il nous a donné la vie avec le Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés –,
avec lui, il nous a ressuscités et fait asseoir dans les cieux, en Jésus Christ.
Ainsi, par sa bonté pour nous en Jésus Christ,
il a voulu montrer dans les siècles à venir l’incomparable richesse de sa grâce.
C’est par la grâce, en effet, que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi ;
vous n’y êtes pour rien, c’est le don de Dieu.
Cela ne vient pas des œuvres, afin que nul n’en tire fierté.
Car c’est lui qui nous a faits ;
nous avons été créés en Jésus Christ pour les œuvres bonnes
que Dieu a préparées d’avance afin que nous nous y engagions."
Lettre aux Éphésiens, chapitre 2, versets 4 à 10
« C’est par grâce que vous êtes sauvés. »
Frères et sœurs,
dans certains pays,
il y a l’institution de la grâce présidentielle :
le président peut libérer
des prisonniers
sans avoir de compte à rendre
à personne,
et sans que la justice puisse intervenir
et bloquer le processus.
Cela ne va pas sans poser des problèmes :
le président peut libérer certains de ses amis
qui ont été sanctionnés à juste titre
pour des problèmes de corruption.
Cela s’est vu il n’y a pas si longtemps
en République tchèque.
Et dans ce même pays,
beaucoup de personnes en veulent encore
à Vaclav Havel
qui avait décrété une grande amnistie
quand il avait été nommé pour la première fois président.
Certains criminels y avaient vu
comme une invitation à reprendre leurs activités :
vols, et aussi homicides.
« C’est par grâce que vous êtes sauvés. »
L’apôtre met en avant
que notre salut n’est pas
couvert par nos mérites.
C’est un don gratuit.
Seulement,
ce mot de grâce
ne va pas sans problèmes.
Une grâce, c’est forcément une exception.
Avec aussi quelque chose d’arbitraire :
un caprice, une fantaisie du monarque.
Si c’est par grâce que je suis sauvé,
et s’il est impossible
que l’on soit sauvé autrement que par grâce,
alors il faut que d’autres ne soient pas sauvés.
La grâce est une exception.
Et il n’y a pas d’exception sans règle.
Donc, si je suis sauvé par grâce,
il faut quand même qu’un grand nombre
soit puni avec toute la rigueur de la loi.
J’ai bien sûr de la chance d’être du bon côté.
Mais, puisque c’est par grâce,
qui me dit que celui qui a décidé de faire une exception
ne reviendra pas sur sa décision ?
Vous pensez certainement que j’exagère.
Vous n’avez pas tort.
Mais ce mot de grâce instille quand même
une certaine couleur,
une certaine atmosphère
que l’on peut qualifier de troublante.
« C’est par grâce que vous êtes sauvés. »
Avec le temps,
le mot finit par remplacer
ce qu’il désigne.
Il se suffit à lui-même.
Il ne renvoie plus à une expérience,
à une réalité que l’on touche du doigt.
C’est un grand malheur.
Les protestants opposent les œuvres et la grâce.
Deux mécanismes.
Et souvent ils ne cherchent pas plus loin.
Pourtant, dans la Bible, il y a grâce et grâce.
Le mouvement du Père qui prend son fils dans ses bras
dans la parabole du Fils prodigue
n’a pas grand-chose à voir
avec Pilate libérant Barabbas sur demande de la foule.
D’un côté, il y a un cœur qui parle,
qui vibre en voyant celui qui s’approche penaud.
De l’autre, il y a le jeu d’un puissant
qui n’a pas le moindre regard,
le moindre intérêt pour celui qu’il libère.
Qui ne sait rien de lui.
Alors,
dépendons-nous de l’arbitraire
d’un souverain qui joue à pile ou face avec nous :
« Pile : tu es libre ;
face : tu vas griller en enfer » ?
Ou bien
pouvons-nous compter sur l’amour d’un Père
qui ne prêtera pas attention
à l’insuffisance de nos efforts,
tout simplement
parce qu’il y a chez nous
quelque chose de plus important pour lui ?
Parler de grâce,
parler d’acte gratuit,
c’est tronquer la réalité.
Passer sous silence
ce lien essentiel
par lequel Dieu s’est uni à nous.
L’amour de Dieu n’est pas une tocade
qu’il pourrait réviser demain.
C’est un engagement qu’il a pris une fois pour toutes,
et en même temps chaque jour à nouveau.
Rien d’arbitraire.
Dieu ne joue ni aux dés,
ni à pile ou face.
Et ce n’est pas non plus une exception
qui exigerait, pour être valable,
qu’une autre règle soit en cours
dans la majeure partie des cas.
« C’est par grâce que vous êtes sauvés. »
La grâce, comme la manière d’agir de Dieu.
Le choix de Dieu.
La décision de Dieu.
La volonté de Dieu.
La grâce, comme le « Oui ! » de Dieu
à ce qui est,
à ce qu’Il a créé,
à ce qu’Il aime.
La grâce, comme le mouvement de générosité
qui porte ce monde,
qui porte la vie.
Nous n’avons pas
à pousser un soupir de soulagement
en disant :
« Coup de bol,
je suis du bon côté ! »
Nous avons à comprendre
que tout ce qui fait ce monde
est aimé de Dieu,
et donc précieux,
même si, nous,
nous ne voyons pas
ce qu’Il lui trouve.
Oui, la valeur de notre vie,
la valeur de ce monde
et de ce qui le compose,
ce n’est pas quelque chose
dont on pourrait faire la liste :
nos réalisations,
nos qualités,
notre utilité.
La valeur de notre vie,
la valeur de ce monde
et de ce qui le compose,
c’est simplement cet amour
dont Dieu l’entoure,
cet amour qui le porte.
« C’est par grâce que vous êtes sauvés. »
Autrement dit,
« vous n’avez rien à faire valoir. »
Ou plutôt,
« vous n’avez pas à chercher
à faire valoir quoi que ce soit :
ce n’est pas ça l’important. »
C’est un sacré changement de regard
auquel nous sommes invités.
Parce que, justement,
nous ne cessons d’évaluer.
Nous parlons de parasites,
d’asociaux,
de bouches inutiles.
Pour les animaux,
nous parlons d’utiles et de nuisibles.
Nous exigeons des gages.
Nous faisons passer le monde
devant le tribunal de nos intérêts.
Alors que Dieu, Lui,
regarde ce monde en Père
qui refuse de faire de différences
entre Ses enfants.
« C’est par grâce que vous êtes sauvés. »
Pas par hasard !
Pas par inattention !
Pas par légèreté !
Mais par la volonté de Dieu,
par l’engagement de Dieu,
par l’amour de Dieu.
Nous ne sommes pas suspendus dans le vide.
Nous sommes portés
par une attention de chaque instant.
Par un cœur qui vibre pour nous.
Quelqu’un veut que nous vivions.
Nous n’avons pas à faire nos preuves.
Nous n’avons pas à présenter de dossiers.
Et nous n’avons pas non plus
à en exiger des autres.
C’est cela l’essentiel.
Une tout autre approche de la vie.
Personne n’est ici sur terre à l’essai,
en attendant qu’une commission ou un comité statue.
Personne n’est ici sur terre par erreur,
parce que les contrôles n’ont pas bien fait leur travail.
« C’est par grâce que vous êtes sauvés. »
La sollicitude de Dieu plus vivifiante,
plus nourrissante que l’oxygène que nous respirons.
Dieu, non pas comme une menace,
mais comme un soutien,
un encouragement.
Dieu comme le sens de notre vie :
il y a Quelqu’un pour qui nous comptons,
juste parce que c’est Lui,
juste parce que c’est nous.
Oui, « c’est par grâce que vous êtes sauvés. »
Amen