"Vous êtes la lumière du monde;
une ville située sur une montagne ne peut être cachée,
et on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau;
mais on la met sur un support,
et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.
Que votre lumière luise ainsi devant les hommes,
afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres,
et qu'ils rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux."
Évangile selon Matthieu 5, 14-16
« Vous êtes la lumière du monde ! »
Frères et sœurs,
ces paroles sont pleines de force.
Elles nous relèvent.
Elles nous encouragent.
Nous nous sentons si facilement démunis,
insignifiants,
sans la moindre prise sur le réel,
sur le monde,
et même sur nos vies.
Et là,
Jésus dit que nous nous méprenons :
« Non, vous n’êtes pas rien.
Vous êtes importants.
Et même très importants.
Vous êtes la lumière du monde. »
Une grande responsabilité, bien sûr.
Mais aussi et surtout une grande joie.
Nous sommes appelés à rayonner,
à montrer le chemin qu’il est bon de suivre.
Ne pas avoir honte de sa foi.
Au contraire.
Car c’est justement ce qui éclaire nos vies,
ce qui leur permet de porter loin.
Ne pas rester embourbé
dans les petites affaires du quotidien.
Mais voir devant soi, distinctement,
ce Règne de justice et de paix que Dieu prépare pour nous,
et qu’Il va instaurer sur cette terre.
« Vous êtes la lumière du monde ! »
Jésus parle de nous.
Et il parle aussi du monde.
Un monde qui a besoin de lumière.
Un monde qui ne voit pas clair.
Un monde qui est dans la nuit.
Nous vivons pourtant sous le feu des projecteurs.
Partout des lumières électriques.
Des caméras.
Et même des satellites
qui nous informent en temps réel,
non seulement de la météo,
mais aussi de la circulation,
des bouchons.
Dans le monde actuel, rien ne reste caché.
Les médias dévoilent tout.
Et nous leur emboîtons le pas.
Combien de gens exposent leur vie
sur les réseaux sociaux.
Même des aspects qu’ils feraient mieux
de garder pour eux.
Avec encore cette passion du selfie.
Prendre la pose à chaque micro-événement
de la semaine,
pour ne pas dire de la journée.
Et qu’ainsi rien ne se perde.
Rien ne soit oublié.
Oui, à l’heure actuelle, la transparence semble totale.
Comme dans ces bâtiments faits de vitres
où l’on ne sait plus si l’on est à l’intérieur ou dehors.
Même la nuit n’est plus obscure.
Il y a tant de lumières artificielles
que l’on ne voit plus le ciel,
que l’on ne voit plus les étoiles.
Alors parler d’un monde plongé dans l’obscurité,
cela semble paradoxal.
Qui va nous croire ?
Et pourtant…
On croit voir clair.
Mais on ne voit pas à deux pas.
On ne se rend même pas compte que l’on a quitté
le monde bien balisé des années huitante,
et que l’on est passé à autre chose.
Pourtant nos yeux devraient s’être ouverts.
Rappelez-vous.
Il y a quelques années encore,
personne n’imaginait une pandémie.
Il y a quelques mois encore,
personne ne croyait possible
une guerre d’une telle proportion en Europe.
Et toutes ces actions que l’on ne peut plus faire
sans Internet ou sans smartphone ?
Oui, un monde nouveau est là
dont nous n’entrapercevons même pas les contours.
Il y a quelques semaines, en France,
des étudiants ont rendu des travaux rédigés
par un programme d’intelligence artificielle.
La triche n’a été décelée
que parce que plusieurs étudiants ont eu recours à ce procédé
et ont rendu des copies un peu trop similaires.
Oui, bientôt, ce seront des ordinateurs
qui rédigeront les articles que vous lirez.
et aussi les rapports d’expertise remis aux autorités.
Ce sera bien plus rapide, bien meilleur marché.
Et de nombreuses personnes se découvriront obsolètes
du jour au lendemain.
Le monde change très vite.
Et nous n’avons pas idée d’où il va.
Et Jésus nous dit :
« Vous êtes la lumière du monde ! »
C’est quand une sacrée pression qu’il nous met.
Y voyons-nous vraiment plus clair que les autres ?
C’est loin d’être sûr.
Sinon pourquoi les Églises suivraient-elles pareillement
les modes de la société ?
Non, la foi n’est pas l’assurance de la génialité.
Nous tombons dans les panneaux tout aussi sûrement
que ceux qui se disent non-croyants.
Alors quoi ?
Dire à Jésus qu’il se fait des illusions ?
Qu’il nous croit plus beaux que nous le sommes ?
« Vous êtes la lumière du monde ! »
Mais est-ce vraiment un appel que Jésus nous lance ?
Ne serait-ce pas plutôt un constat ?
« Vous ne le savez peut-être pas,
mais vous êtes la lumière du monde.
Oui, maintenant, sans le vouloir,
sans chercher à l’être,
vous êtes la lumière du monde. »
Pas d’effort particulier à faire.
Juste être soi-même.
Vivre sa foi, sans chercher plus loin,
sans chercher à être parfait,
en acceptant ses lacunes,
ses failles,
ses hésitations,
ses doutes.
Pas besoin d’être Frère Roger, Mère Térésa, Desmond Tutu.
Maintenant, tels que nous sommes,
nous sommes la lumière du monde.
Et Jésus d’ajouter :
« Que votre lumière luise ainsi devant les hommes. »
Et nous voilà à chercher un miroir pour nous repeigner.
On aimerait tellement montrer une foi lumineuse,
sereine, rayonnante.
Jésus parle de bonnes œuvres,
et nous voilà à chercher la liste de nos BAs.
Toujours ces mots
qui ne disent pas forcément ce que l’on pense.
Aider l’aveugle à traverser,
porter les courses de la vieille dame :
ce n’est pas de cela que Jésus parle.
Une bonne action, c’est déjà simplement
être dans une relation juste, adéquate, avec Dieu.
Reconnaître que je ne me suis pas fait seul.
Que c’est à chaque instant que j’ai besoin d’aide
pour trouver le bon chemin
et avoir dans mon cœur
suffisamment de courage et de bienveillance
pour affronter les difficultés de l’existence.
Et que cette aide, elle m’est donnée.
« Vous êtes la lumière du monde ! »
Jésus ne nous demande pas d’être des surhommes, des dieux.
Il nous dit juste qu’être croyant,
être vraiment croyant,
cela apporte une ouverture
dont notre monde a besoin,
pour ne pas s’asphyxier,
pour ne pas perdre la tête.
Il y a tellement d’experts
qui savent tout mieux que les autres,
et qui n’ont aucune peine à vous démontrer
que « C’est comme ça qu’il faut faire ! »
Ce n’est pas ce chemin que Jésus nous indique.
Être la lumière du monde,
ce n’est pas répéter : « Moi je sais ! »
C’est au contraire reconnaître que l’on ne sait pas,
et que ce n’est pas grave.
Car Quelqu’un est là, qui veille sur nous et qui guide nos pas.
Qui remplit nos cœurs de Sa douceur et de Sa paix.
Qui nous aide à avancer.
Et, quand nous tombons, à nous relever.
Oui, « vous êtes la lumière du monde ».
Vous êtes déjà la lumière du monde,
même si vous ne le savez pas.
C’est maintenant que vous brillez.
C’est maintenant que vous éclairez.
Alors surtout ne vous crispez pas.
Ne cherchez pas à faire encore mieux.
Ne cherchez pas à jouer un rôle.
Soyez juste vous-mêmes.
Seulement, sans vous cacher sous le boisseau.
Amen