Vos lieux de culte Église 29

Jésus commença dès lors à montrer à ses disciples qu'il lui fallait aller à Jérusalem,

souffrir beaucoup de la part des anciens, des principaux sacrificateurs et des scribes,

être mis à mort et ressusciter le troisième jour.

Pierre, le prit à part et se mit à lui faire des reproches en disant :

"A Dieu ne plaise, Seigneur ! Cela ne t'arrivera pas. "

Mais Jésus se retourna et dit à Pierre :

"Arrière de moi, Satan ! Tu es pour moi un scandale,

car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. "

Alors Jésus dit à ses disciples :

"Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive.

Quiconque en effet voudra sauver sa vie la perdra, mais quiconque perdra sa vie à cause de moi la trouvera.

Et que servira-t-il à un homme de gagner le monde entier, s'il perd son âme ?

Ou que donnera un homme en échange de son âme ?

Car le Fils de l'homme va venir dans la gloire de son Père avec ses anges,

et alors il rendra à chacun selon sa manière d'agir.

En vérité je vous le dis, quelques-uns de ceux qui se tiennent ici ne goûteront point la mort,

qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme venir dans son règne."

Évangile selon Matthieu, chapitre 16, versets 21 à 27

 

« Que servirait-il à un homme

de gagner le monde entier,

s’il perdait son âme ? »

 

Frères et sœurs,

 

bien des expressions de la Bible

sont entrées dans le domaine courant.

 

Mais souvent,

il suffit de s’arrêter un moment

pour s’apercevoir

que nous ne savons pas vraiment

de quoi nous parlons.

 

« Perdre son âme ».

Cela semble clair.

On nous a appris

à être honnête,

à toujours dire la vérité,

à ne jamais tricher.

Mais une opportunité se présente.

Et pour la saisir,

on se met à louvoyer,

à transiger sur ses principes.

Et c’est ainsi qu’on en vient

à perdre son âme.

 

Mais est-ce de cela que Jésus parlait ?

 

« Perdre son âme »,

plus personne ne le prend

au pied de la lettre.

Pour nous, c’est juste une image.

De la poésie.

 

Les nouvelles traductions

ne parlent d’ailleurs pas d’« âme »,

mais de « vie ».

Comme si Jésus s’intéressait juste

aux battements du cœur

et à l’activité du cerveau.

 

« Que servirait-il à un homme

de gagner le monde entier,

s’il perdait son âme ? ».

 

Pour recevoir cette parole dans sa force,

il faut voir que Jésus ne fait pas de poésie,

ni de rhétorique.

Il parle de quelque chose de réel,

de concret :

notre âme.

 

Quelle erreur

que de n’y voir qu’une liste de valeurs

que l’on peut noter sur un papier !

L’âme,

c’est autrement plus intime :

le fondement, le noyau de notre personne.

 

Les maîtres du bouddhisme zen

donnent à leurs disciples

cette énigme :

« Quel était ton visage

avant que tes parents ne naissent ? »

 

Souvent,

nous nous définissons par notre héritage.

Nous avons le nez de notre père.

Les yeux de notre mère.

Le caractère difficile de notre grand-père maternel.

 

Et avec la génétique,

nous nous voyons toujours plus

comme la simple somme

d’une multitude d’influences.

Des tests d’ADN permettent de voir

qu’il y a en vous tant de pourcents d’Espagnol,

de Scandinave.

Avec aussi de l’Allemand,

du Français.

Peut-être un peu d’Africain ou d’Asiatique.

Et même un soupçon d’homme de Néanderthal.

 

« Quel était ton visage

avant que tes parents ne naissent ? »

C’est une façon de sortir de cette arithmétique.

Et de se demander

ce qu’il y a d’unique en moi,

la marque que Dieu a laissée en moi quand il m’a créé.

Et, justement, c’est ça, mon âme.

 

Cela paraît simple.

Mais ça ne l’est pas.

Car il ne s’agit pas de définir son âme,

comme si on la regardait de l’extérieur.

Il s’agit de l’habiter,

comme un virtuose habite sa virtuosité,

c’est-à-dire sans y penser,

sans faire le moindre effort.

L’épouser avec aisance

à chaque instant,

dans chaque parole,

dans chaque geste.

 

Et c’est tout sauf facile.

Tant de rôles nous sont proposés autour de nous

dans lesquels nous n’avons qu’à nous glisser.

Et l’on finit par se définir

par sa profession,

ses convictions politiques,

ses goûts esthétiques ou ses intérêts,

les événements auxquels on a été associé.

 

« Je suis socialiste. »

« Je suis un ancien de La Poste. »

« Je suis ornithologue. »

« Je suis cycliste. »

 

Oui,

mais quel était ton visage,

avant d’être socialiste,

avant d’entrer à La Poste,

avant de t’intéresser aux oiseaux,

avant de faire du vélo ?

 

Il ne s’agit pas d’écrire une réponse

sur une feuille de papier.

Ça serait trop simple.

Et surtout trop superficiel.

 

Non, il s’agit de retrouver en soi ce lieu

où la main de Dieu a laissé une empreinte vivante,

et où l’Esprit souffle

pour vivifier le feu ainsi allumé.

 

Découvrir ce lieu où je suis aimé de Dieu

d’un amour qui me donne mon visage,

d’un amour qui me permet d’être unique,

et d’apporter à ce monde une touche

que personne d’autre ne pourra apporter.

 

La religion a hélas souvent schématisé les choses.

L’âme comme du prêt-à-porter :

la même pour tout le monde.

L’amour de Dieu, lui,

crée toujours des modèles uniques.

Du sur-mesure.

 

Perdre son âme,

c’est ainsi ne se voir

que comme un élément du troupeau.

Croire que Dieu

aime en bloc,

sans distinguer entre nous.

Ne pas voir cette valeur infinie

que chacun, que chacune de nous a,

justement parce qu’il, parce qu’elle,

est toujours unique.

 

Il est facile de tracer des plans de carrière.

De calculer le profit

que l’on pourra tirer de telle formation,

de telle expérience.

Entrer dans un modèle,

dans un moule.

Se conformer

aux modes du moment.

Le nonante-neuf pourcents

de la communication des médias

nous y invite.

 

Notre vie se réduit ainsi

au cadre dans lequel elle se déroule :

la hauteur de notre salaire,

les biens que l’on a achetés,

la prospérité du pays dans lequel on vit,

le prestige de la profession que l’on exerce,

les fonctions que l’on occupe.

 

Jésus nous dit que

ce n’est pas cela,

l’important.

Non, l’essentiel,

c’est avant tout de ne pas perdre son âme,

et de l’habiter vraiment.

 

Montrer au monde ce visage unique

que Dieu nous a donné,

et qui n’est pas constitué d’un nez,

de deux yeux,

et d’une bouche.

Mais d’une foi qui a une couleur bien à elle,

d’une espérance dont le mouvement est unique,

d’un amour qui ne ressemble à aucun autre.

 

Et lorsque je découvre en moi ce lieu unique et intime

où Dieu ne cesse de me créer et de me recréer,

cela ne m’éloigne pas des autres.

Bien au contraire.

Cela me rend incroyablement plus attentif et réceptif

à ce qu’il y a d’unique chez eux,

à ce visage qui est le leur

et qu’ils avaient déjà

avant la naissance de leurs parents.

 

Et c’est tout naturel.

Puisque c’est le même artiste,

le même Père,

qui nous a tous faits si différents.

Puisque c’est le même Esprit

qui nous a faits chacun si précieux,

si uniques.

 

Mon âme, ce n’est pas l’éducation que j’ai reçue,

qui d’ailleurs peut n’être qu’un vernis.

Mon âme,

c’est ce qui fait que je ne me soucie pas d’abord

de ce que le monde peut m’apporter,

mais des couleurs dont moi seul

peut enrichir cette terre.

 

Nous voyons facilement notre cœur

comme un gouffre sans fin,

qu’il faut nourrir

d’émotions,

de réflexions,

d’impressions,

de spectacles,

d’expériences,

et qui ne cesse d’en redemander encore et encore.

Chaque fois que l’on cherche à gagner le monde,

chaque fois que l’on fait du monde qui nous entoure

le critère de sa vie,

c’est ce qui se passe :

on ne ressent plus qu’un grand vide en soi,

que l’on cherche à combler par tous les moyens.

 

Le Christ, lui,

nous invite à nous souvenir

que nous avons une consistance,

que nous avons une âme.

Nous sommes déjà pleins

de la grâce de Dieu,

de la lumière de Dieu,

de cette présence de Dieu qui nous donne notre visage unique.

Nous avons donc de quoi donner.

Et nous pouvons le faire,

sans avoir à craindre d’y perdre.

 

Amen