Voici le commandement, les prescriptions et les ordonnances que l'Éternel, votre Dieu, a commandé de vous enseigner,
afin que vous les mettiez en pratique dans le pays dans lequel vous allez passer pour en prendre possession,
afin que tu craignes l'Éternel, ton Dieu, en observant, tous les jours de ta vie, toi, ton fils et le fils de ton fils,
toutes ses prescriptions et tous ses commandements que je te donne, et afin que tes jours soient prolongés.
Tu les écouteras donc, Israël, et tu les observeras pour les mettre en pratique,
afin que tu sois heureux et que vous multipliiez beaucoup, comme te l'a dit l'Éternel, le Dieu de tes pères,
dans un pays découlant de lait et de miel.
Écoute, Israël ! L'Éternel, notre Dieu, l'Éternel est un.
Tu aimeras l'Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force.
Et ces paroles que je te donne aujourd'hui seront dans ton cœur.
Deutéronome 6, 1-6
Un des scribes, qui les avait entendus discuter et voyait que Jésus avait bien répondu,
s'approcha et lui demanda : Quel est le premier de tous les commandements ?
Jésus répondit : Voici le premier : Écoute Israël, le Seigneur, notre Dieu, le Seigneur est un,
et tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force.
Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas d'autre commandement plus grand que ceux-là.
Le scribe lui dit : Bien, maître, tu as dit avec vérité que Dieu est unique et qu'il n'y en a pas d'autre que lui,
et que l'aimer de tout son cœur, de toute son intelligence et de toute sa force, ainsi qu'aimer son prochain comme soi-même,
c'est plus que tous les holocaustes et tous les sacrifices.
Jésus, voyant qu'il avait répondu avec intelligence, lui dit : Tu n'es pas loin du royaume de Dieu.
Et personne n'osa plus lui poser de questions.
Évangile selon Marc 12, 28-34
Frères et sœurs,
les textes que je viens de lire
sont les lectures prévues pour ce jour
par le lectionnaire catholique.
Un choix un peu surprenant
pour marquer le dimanche de la Réforme.
Mais j’aime bien ce genre de décalage
qui oblige à sortir des sentiers battus
et offre une approche inédite,
un autre éclairage.
Dans nos Églises protestantes,
la Réforme s’est quelque peu pétrifiée.
C’est devenu une institution inerte.
Un peu comme ce monument aux morts
où l’on va déposer une gerbe aux anniversaires,
mais dont on oublie jusqu’à l’existence le reste de l’année.
Alors il n’est pas mauvais de faire un pas de côté
pour s’éloigner des discours convenus,
et retrouver la vie qui a animé les hommes et les femmes
au cœur de cet événement,
et aussi tous ceux qui ont voulu vivre dans le même Esprit
au cours des siècles.
« Quel est le premier des commandements ? »,
demande le scribe à Jésus.
Et nous nous intéressons à la réponse.
Alors que nous devrions d’abord
nous pencher sur la question,
pour être sûrs
que nous la comprenions bien.
Une grande partie du vocabulaire de la Bible est piégé.
On parle parfois de patois de Canaan
pour dire que ces mots ne nous disent plus rien,
que c’est comme une langue étrangère.
La réalité est différente.
Ces mots nous disent quelque chose.
Mais ils nous laissent froids.
Tout simplement parce que nous entendons autre chose
que ce qu’ils nous disent.
Parce qu’ils ont été déformés au cours des siècles
au point de devenir méconnaissables.
« Quel est le premier des commandements ? »
Vous aimez que l’on vous commande, vous ?
Pas vraiment, non ?
Ce que l’on doit nous commander de faire,
c’est quelque chose que nous ne ferions pas spontanément.
Quelque chose que nous n’avons pas envie de faire.
Une bonne partie de notre éducation protestante nous dit
que ce que Dieu nous demande de faire,
c’est quelque chose qui va nous embêter,
quelque chose de désagréable.
Dans le meilleur des cas, on nous dira : « C’est pour ton bien ! »
Comme quand on nous forçait à avaler
de l’huile de foie de morue.
Mais voilà, dès qu’on entend « commandement »,
on se dit qu’il va falloir serrer les dents
et faire le poing dans la poche.
S’appliquer.
Se donner de la peine.
Faire des efforts.
Rien de bien réjouissant.
Mais, bon : « Cela vient d’en haut !
Alors on ne discute pas. »
Mais quelle vision de Dieu y a-t-il derrière cela ?
Dieu comme un général ?
Ou pire, comme un adjudant
qui multiplie les consignes inutiles
pour faire sentir son pouvoir ?
Dieu comme un petit chef
qui a besoin d’écraser ses subordonnés
pour se sentir exister,
et dont le plus grand plaisir est
que l’on tremble devant lui ?
Dieu comme quelqu’un d’extérieur,
d’étranger,
qui doit imposer sa force
pour nous lier à lui ?
Dans le livre du prophète Osée,
Dieu dit d’Israël :
« Je vais l’attirer à moi pour la conduire dans le désert,
et je parlerai à son cœur. »
Vous l’avez bien entendu :
« Je parlerai à son cœur. »
Dieu est un amoureux
qui parle à Sa bien-aimée.
Quand Dieu ouvre la bouche,
c’est pour réveiller notre cœur.
Pour nous faire vibrer.
En allant un peu loin,
on pourrait dire que,
si nous ne vibrons pas,
ce n’est pas Dieu qui a parlé.
Alors, oublions ce mot de commandement,
anonyme et froid,
qui nous induit en erreur.
La Parole de Dieu ne se gère pas au mégaphone.
Elle est intime.
Personnelle.
De cœur à cœur.
Ce que l’on traduit par « commandement »,
en réalité c’est une recommandation insistante
et pleine de sollicitude.
Un encouragement.
Une promesse.
Une parole qui nous révèle la grandeur
à laquelle nous sommes appelés,
et qui est déjà en nous,
même si nous n’en sommes que rarement conscients.
« Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu,
de tout ton cœur,
de toute ton âme
et de toute ta force. »
N’est-ce pas beau d’avoir quelqu’un pour qui vivre ?
N’est-ce pas beau d’avoir quelqu’un
qui a soin de nous,
qui nous accompagne,
qui nous guide,
qui nous aime,
et à qui l’on a envie de répondre
par tout ce qu’il y a en nous,
par tout ce que l’on est ?
Ce dont il est question ici,
ce n’est pas d’aimer son employeur ou ses autorités politiques.
Aimer Dieu, c’est aimer Son bien-aimé.
Aimer Celui qui nous a fait du bien.
Aimer Celui qui S’est donné pour nous,
et qui a donné Son fils,
afin qu’aucun de nous ne se perde,
afin que nous ayons la vie, et que nous l’ayons en abondance.
Aimer son prochain comme soi-même,
c’est le même mouvement, le même Esprit.
Suivre la recommandation de Celui qui tient à nous.
Et découvrir qu’aimer son prochain,
ce n’est pas une corvée ou un défi.
Mais ce qui fait que l’on se sent vivant.
ce qui fait que l’on se sent à sa place.
« Essaie ! Tu verras : c’est beau, c’est grand ! »
L’amour du prochain, ce n’est pas une vertu.
C’est la vie !
Il ne s’agit pas de s’occuper de bibelots posés sur une étagère.
Il s’agit de rencontrer des frères et des sœurs.
Les reflets de Celui qui nous aime.
Son Esprit. Son souffle.
Et notre chair.
« Et la Réforme dans tout ça ? », me direz-vous peut-être.
« Vous vous éloignez du sujet. »
En réalité, c’est tout le contraire.
On a fait de la Réforme une question de disputes théologiques.
Luther, lui, cherchait un Dieu miséricordieux,
qui apaiserait ses angoisses.
Et s’il y a eu la Réforme, c’est parce qu’il L’a trouvé.
Une relation personnelle
où Quelqu’un qui tient à nous prend sur Lui
tout ce qui nous pèse.
Une relation personnelle
qui nous permet de construire notre vie,
non pas sur nos forces et nos mérites bien précaires,
mais sur la solidité de Dieu,
ce Dieu qui s’engage pour nous.
Pour Luther,
la vie chrétienne, ce n’est pas un effort.
C’est un chant de liberté et de reconnaissance.
Il le dit lui-même :
« Pour ce Père qui m’a comblé de Ses biens surabondants,
je veux faire, en retour,
librement, joyeusement et gratuitement,
ce qui lui est agréable. »
Et il dit aussi :
« Quant à mon prochain,
je veux devenir pour lui un Christ,
comme le Christ l’est devenu pour moi,
et ne rien faire de plus
que ce que je verrai lui être nécessaire, utile et salutaire,
puisque par ma foi je possède toutes choses en suffisance
dans le Christ. »
Il est bon d’entendre ces exclamations de Luther,
un homme qui a vécu une vraie conversion,
en se découvrant le bien-aimé de Dieu.
Il est bon de retrouver pour nous ce même Esprit.
Vivre ainsi notre foi dans l’émerveillement et dans la joie,
dans l’amour et la gratitude.
Oui, à Dieu la gloire, maintenant et toujours,
et pour les siècles des siècles.
Amen