Ils pénètrent dans Capharnaüm.
Et dès le jour du sabbat, entré dans la synagogue, Jésus enseignait.
Ils étaient frappés de son enseignement,
car il les enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes.
Justement il y avait dans leur synagogue un homme possédé d’un esprit impur ;
il s’écria : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ?
tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es : le Saint de Dieu. »
Jésus lui commanda sévèrement : « Tais-toi et sors de cet homme. »
L’esprit impur le secoua avec violence et il sortit de lui en poussant un grand cri.
27Ils furent tous tellement saisis qu’ils se demandaient les uns aux autres :
« Qu’est-ce que cela ? Voilà un enseignement nouveau, plein d’autorité !
Il commande même aux esprits impurs et ils lui obéissent ! »
Et sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de Galilée.
Évangile selon Marc, chapitre 1, versets 21 à 28
« Qu’est-ce que ceci ?
C’est un enseignement tout nouveau ! »
Frères et sœurs,
vous connaissez bien sûr
la différence entre un trolleybus et un pasteur :
le trolleybus, quand il perd le fil,
il s’arrête.
La vie de l’Église
est faite de beaucoup de paroles,
de discours,
sans oublier les analyses de différents offices
et les grandes déclarations
des organisations nationales ou mondiales.
Il est assez sidérant
de prendre la mesure
de tous les textes qui sont produits.
Un numéro de Réformés,
c’est cinq à six fois plus de mots
qu’un numéro de Croire,
si vous vous rappelez le journal de notre Église
dans les années 90.
Oui, beaucoup de mots,
avec son corollaire inévitable :
beaucoup de blabla.
Cette vision un peu naïve
qu’il suffit de répéter un mot
pour qu’il devienne réalité.
Justice.
Respect.
Entraide.
Proximité.
Et ainsi de suite.
Il y a eu un temps la mode
du langage managérial.
Les œuvres d’entraide se sont, elles,
mises à parler gestion et efficacité.
Des discours qui finissent
par être interchangeables.
Un ronron qui berce,
sans grand contact avec la vie.
« Qu’est-ce que ceci ?
C’est un enseignement tout nouveau ! »
Dans la synagogue de Capernaüm,
ce n’est pas un virtuose des mots
qui se présente.
C’est quelqu’un dont la parole
a une force telle
qu’elle change la réalité :
qu’elle chasse d’un malheureux
l’esprit mauvais
qui s’était emparé de lui.
Une parole,
non pas brillante,
mais efficace.
Une parole
qui a un effet mesurable.
Une parole qui a prise
sur la vie des hommes.
Une parole agissante,
qui ne demande pas une mise en œuvre,
puisqu’elle est déjà la mise en œuvre.
Dans un livre de psychologie,
j’ai découvert
que la compréhension de son problème par le patient
peut être un obstacle insurmontable à sa guérison.
Il va passer son temps à commenter sa situation,
à l’analyser.
À s’installer dans la position passive
d’observateur.
Son mal comme l’occasion de mettre en valeur
ses capacités d’analyse,
la finesse de son esprit.
Alors que ce qu’il faudrait faire,
c’est prendre sa vie réelle en main
pour changer.
En dépassant la situation présente.
Et en ne cherchant pas à y revenir sans arrêt.
Aujourd’hui,
c’est le dimanche missionnaire.
Avec ce projet qu’a notre paroisse
de nouer une relation
avec la communauté de Tanzoun au Bénin.
La grande question est :
« Qu’est-ce que nous en attendons ? »
Ou, pour faire écho à l’Évangile d’aujourd’hui :
« Sommes-nous prêts à ce que, lors de nos contacts,
résonne,
non pas juste de beaux discours de part et d’autre,
mais une parole d’un genre nouveau
qui nous secoue,
qui nous transforme ? »
À ce moment,
vous avez peut-être envie de me demander :
« Mais en quoi est-ce qu’elle nous secouerait ? »
Ou bien de vous exclamer :
« Ça serait merveilleux si nous pouvions avoir
la même gaieté que nos frères et sœurs d’Afrique ! »
Seulement, voilà,
la parole transformante,
la parole secouante,
c’est quand elle nous transforme,
quand elle se saisit de nous,
qu’on découvre ce qu’elle est.
On n’y est pas préparé.
On ne peut pas y être préparé.
Et justement les discours peuvent être
une façon de se protéger
de la survenue de ce moment.
Si cet homme possédé
se trouve dans la synagogue de Capernaüm,
c’est bien parce que ce lieu
semble sans danger pour l’esprit impur
qui l’habite.
On dira peut-être des choses
pas très gentilles à son égard.
Mais on ne lui fera pas le moindre mal.
Il pourra rester bien au chaud
dans ce malheureux
dont il s’est emparé.
Ce qu’il n’a pas prévu,
c’est que, ce jour-là,
c’est quelqu’un de différent qui parle.
Son exposé est moins recherché,
moins savant que celui
des autres rabbins.
Par contre,
ses mots sont bien plus que des mots.
Des gifles pour l’esprit impur.
« Tais-toi et sors de cet homme ! »
Et l’esprit est contraint de sortir de cet homme,
d’abandonner son abri.
Irions-nous à l’église,
si nous risquions d’y être confronté à une parole
qui nous libère sur le champ
de nos petits calculs,
de notre hypocrisie,
de nos fiertés mal placées,
de notre avidité,
et autres faiblesses ?
Pas sûr !
Nos défauts,
ce sont bien sûr des défauts.
Mais ils sont aussi
comme une partie de nous-mêmes.
Nous y sommes habitués.
Nous y sommes même attachés,
bien plus que nous le pensons.
Cela fait partie des meubles.
Cela serait bien sûr merveilleux
si nous étions plus généreux
ou moins mauvaise langue !
Mais, en même temps,
cela ne presse pas.
On arrive très bien à vivre avec !
« Qu’est-ce que ceci ?
C’est un enseignement tout nouveau ! »
Une parole est dite,
et l’on n’est plus le même.
Ça devrait être ça, l’Église.
Et il faut le rappeler,
ça l’a été,
et ça l’est encore.
J’en ai rencontré,
des personnes qui ont
été transformées
par un mot
tiré de la Bible,
ou par la rencontre
avec une autre personne.
Le plus souvent,
ce qui surprend,
c’est qu’il n’y a pas
d’intention particulière,
de mise en scène
de la part de l’émetteur.
Ce n’est pas ce mot d’ordre
que martèle le prédicateur
pour convaincre son auditoire.
Juste une phrase citée en passant,
ou sur laquelle les yeux tombent dans une brochure.
Un verset biblique
entendu des dizaines et des dizaines de fois.
Et là, il touche quelque chose en nous
dont on n’était pas conscient.
Une ouverture se fait
qui va très loin.
Oui, cela arrive.
Seulement,
comment faire pour que cela arrive ?
Et bien, justement,
on ne peut pas le provoquer.
On peut juste essayer
de faire en sorte de ne pas l’étouffer.
Je l’ai dit :
les discours sont
une des façons les plus efficaces
de neutraliser la Parole.
On fait des théories,
on brasse des idées.
Et les mots ne sont plus que des mots.
Ils n’ont plus cette force qui vient d’un cœur.
La mission est un phénomène
qui a suscité une abondante littérature :
de nombreuses analyses,
avec des accusations,
des justifications,
et ainsi de suite.
Entrer en relation
avec la communauté de Tanzoun
peut se voir dans ce cadre :
la continuation
d’une histoire
vieille de plus d’un siècle.
Mais on peut aussi l’aborder
d’une tout autre façon,
beaucoup plus simple.
Juste une rencontre avec d’autres chrétiens.
Une rencontre
où peut jaillir une parole qui touche
et qui vient de plus loin que nous.
Pas de leçons à donner ou à recevoir.
Juste être ouverts ensemble
à cet enseignement nouveau
qui bouleverse les vies
et trace un chemin inédit.
Oui, un voyage qui commence.
Une aventure,
à des lieues de ce que l’on aurait imaginé.
Amen