Vos lieux de culte Église 29

Il adressa ensuite une parabole aux conviés,

en voyant qu'ils choisissaient les premières places;

et il leur dit:

"Lorsque tu seras invité par quelqu'un à des noces,

ne te mets pas à la première place,

de peur qu'il n'y ait parmi les invités une personne plus considérable que toi,

et que celui qui vous a invités l'un et l'autre ne vienne te dire: Cède la place à cette personne-là.

Tu aurais alors la honte d'aller occuper la dernière place.

Mais, lorsque tu seras invité, va te mettre à la dernière place,

afin que, quand celui qui t'a invité viendra, il te dise: Mon ami, monte plus haut.

Alors cela te fera honneur devant tous ceux qui seront à table avec toi.

Car quiconque s'élève sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera élevé."

Il dit aussi à celui qui l'avait invité:

"Lorsque tu donnes à dîner ou à souper,

n'invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni des voisins riches,

de peur qu'ils ne t'invitent à leur tour et qu'on ne te rende la pareille.

Mais, lorsque tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles.

Et tu seras heureux de ce qu'ils ne peuvent pas te rendre la pareille;

car elle te sera rendue à la résurrection des justes.

Évangile selon Luc 14, 7-14

 

« Quand tu seras invité,

va te mettre à la dernière place ;

et lorsque celui qui t’a invité viendra,

il te dira : « Mon ami, monte plus haut ! »

Alors ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous. »

 

« Quand tu donnes un festin,

convie des pauvres, des estropiés, des boiteux et des aveugles […]

cela te sera rendu à la résurrection des justes. »

 

Frères et sœurs,

 

quel calculateur, ce Jésus ! Non ?

 

Faire quelque chose pour obtenir quelque chose d’autre !

Se mettre à la dernière place

pour être conduit à la première place

en dépassant tout le monde.

Ou encore inviter des miséreux

pour obtenir en retour,

non pas une simple invitation à dîner,

comme ce serait le cas avec des notables,

mais une récompense royale

à la résurrection des justes.

 

Bien des gens vivent ainsi la religion.

Je me rappelle d’une discussion

avec un témoin de Jéhovah

qui me disait que, dans le Royaume,

les élus auraient tous leur propre maison

avec un jardin dont il pouvait me dire la superficie.

Toute sa foi, tout son engagement

avaient en fait ce but très pragmatique :

pouvoir passer l’éternité

dans une banlieue résidentielle,

sans même avoir d’hypothèque à payer.

 

On connaît aussi ces terroristes islamistes

qui se font exploser dans la foule,

juste dans le but de pouvoir passer du bon temps

avec septante-deux vierges.

 

Eh oui, je fais quelque chose,

non pas parce que je pense que c’est bon

ou parce que j’y trouve de la joie,

mais dans le but d’obtenir une récompense

d’un autre ordre.

Je donne une pièce au SDF qui me dégoûte

pour obtenir quelques points Cumulus supplémentaires

auprès de Dieu.

Je suis tout sourire avec des gens qui m’insupportent

dans la conviction que cet effort ne sera pas vain,

mais qu’il me vaudra une récompense bien plus grande.

 

« Quand tu donnes un festin,

convie des pauvres, des estropiés, des boiteux et des aveugles […]

cela te sera rendu à la résurrection des justes. »

 

Jésus est-il vraiment sérieux quand il dit ça ?

Si j’organise un apéritif pour les junkies

qui traînent autour de la gare,

ce sera le jackpot au ciel ?

Et si je dis « Bonjour ! » avec un sourire

à untel ou à unetelle ?

Ça mérite bien quelque chose en retour, non ?

 

Mais, vous l’avez peut-être déjà entendu :

les apparences sont souvent trompeuses.

 

La corvée qui vaut une récompense :

ce n’est certainement pas selon ce modèle

que nous devons vivre notre foi.

Ce n’est pas selon ce modèle

que nous devons vivre notre vie.

 

Les exemples que Jésus donne

semblent d’ailleurs passablement boiteux,

à tel point que l’on peut se demander

si ce n’est pas volontaire.

 

C’est vrai :

si vous vous mettez à la dernière place,

eh bien, vous avez toutes les chances d’y rester !

Et si vous organisez un repas de fête pour des SDFs,

préparez-vous plutôt à des dégâts

qu’à une reconnaissance sans borne de leur part.

 

Ça, un calculateur le verrait tout de suite.,

Un calculateur, c’est quelqu’un de réaliste.

Pour lui, un « Tiens ! » vaut mieux que deux « Tu l’auras ».

Alors, la première place,

il n’attend pas qu’un autre l’y installe :

il s’y met tout seul.

Quant à l’invitation lancée,

pourquoi se contenter d’une seule catégorie ?

Quelques miséreux ?

Pourquoi pas si l’on peut y gagner quelque chose.

Mais, ces gens,

on pourrait les mélanger avec des notables du coin

qui, eux, nous revaudront la pareille à bien plus court terme ?

 

 

En fait, dans ces deux images,

Jésus ne nous présente pas un mécanisme,

mais un chemin.

 

Si l’on écoute attentivement

ce qu’il nous demande de faire,

on s’aperçoit qu’il ne nous encourage pas

à nous installer à une place d’honneur,

ou à jouir d’une belle récompense dans l’éternité.

En fait, ce que Jésus nous invite à faire,

c’est à nous mettre à la dernière place

et à inviter sans rien attendre en retour.

 

Le calcul,

c’est une blague pour nous faire avaler cela.

 

Alors, oui,

s’installer, non pas à la première place,

mais à la dernière.

Inviter,

non pas ceux qui peuvent nous rendre la pareille,

mais ceux qui ne nous donneront même pas forcément

la satisfaction de leur reconnaissance.

 

« Pourquoi ? », demanderez-vous.

Jésus dit : « Ce n’est pas la question !

Faites-le, tout simplement. »

 

C’est alors qu’il se passe des choses.

On découvre que la dernière place

n’est pas celle qui est le plus loin de Dieu,

comme on le pensait,

mais que c’est au contraire là

qu’il se trouve d’une façon mystérieuse, et aussi très intense.

 

On découvre également.

que le mouvement de la générosité sans calcul

contient en lui une joie qui est déjà sa récompense :

cette communion, cette consonnance avec Dieu

qui est lui-même générosité et don.

 

En fait,

par ses paroles,

Jésus nous invite

à réfléchir à cette question fondamentale

qui est en filigrane dans toute la Bible :

« Qui est Dieu ? »

 

Souvent, c’est spontanément l’image d’un juge,

d’un arbitre, d’un policier, ou encore d’un instituteur

qui nous vient à l’esprit.

Dieu comme celui qui distribue les bons points et les amendes.

Celui qui dit : « Ça, c’est bien ! », « Ça, c’est mal ! »,

« Bravo ! », « À reprendre ! ».

 

Seulement, en Jésus, le Christ,

c’est un autre visage

que Dieu nous a montré.

Non pas celui qui dit,

mais celui qui fait.

Non pas celui qui tranche,

mais celui qui rejoint,

celui qui vient inspirer là où nous sommes.

Une parole – et même la Parole - !

Mais qui n’a rien à voir

avec une idée ou des mots.

Car elle s’est faite visage,

elle s’est faite chair, cette parole.

Un chemin de vie

– Jésus l’a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie ».

Mais un chemin sur lequel nous nous trouvons déjà

et qui nous porte,

même si nous n’en sommes pas toujours conscients,

même si nous hésitons encore à faire le pas.

 

Jésus n’est pas qu’un maître

qui donne de bons conseils.

Sa vie est là qui éclaire ses propos.

 

Vous savez :

ce Serviteur sur lequel Dieu a mis son Esprit

et qui n’élève pas la voix,

ni ne brise pas le roseau froissé,

qui n’étouffe pas le lumignon qui va s’éteindre.

 

Ou encore :

cet homme qui n’avait ni beauté, ni éclat

pour attirer nos regards,

mais qui portait nos maladies

et s’était chargé de nos douleurs.

 

Eh oui, la dernière place

comme le chemin du Christ.

Non pas briller,

mais servir,

être utile.

 

Avec aussi cette invitation :

« Venez à moi,

vous tous qui êtes fatigués et chargés,

et je vous soulagerai.

Chargez-vous de mon joug,

et recevez mon enseignement ;

car je suis doux et humble de cœur.

Et vous trouverez le repos de vos âmes. »

(Matthieu 11, 28-29)

 

L’auteur de l’épître aux Hébreux

nous invite à ne jamais oublier

qui est Celui en qui nous plaçons notre foi.

Le mot « Dieu » est tellement vague,

et il recouvre tant de représentations

souvent diamétralement opposées.

 

Nous ne croyons pas en un Dieu

qui récompense et qui sanctionne.

Nous croyons en un Dieu

qui libère et qui élève.

Un Dieu qui pardonne

et qui transforme.

 

Un Dieu qui, en Jésus-Christ, s’est fait notre frère,

pour que nous soyons tous rassemblés

et éclairés par l’amour du Père.

 

L’important,

ce ne sont pas les bons points

que nous pourrions obtenir

en faisant ceci ou cela.

L’important,

c’est le Christ vivant en nous,

maintenant.

Lui qui s’est donné sans calcul,

afin que nous ayons la vie

et que nous l’ayons en abondance.

Lui qui nous invite à le suivre

sur ce chemin du service et du don de soi.

Un chemin qui n’a pas besoin de conduire à la joie,

puisqu’il est déjà lui-même joie.

 

Amen

 

Pasteur Jean-Nicolas Fell