Lorsqu'ils approchèrent de Jérusalem, et qu'ils furent arrivés à Bethphagé, vers la montagne des Oliviers,
Jésus envoya deux disciples, en leur disant:
Allez au village qui est devant vous;
vous trouverez aussitôt une ânesse attachée, et un ânon avec elle;
détachez-les, et amenez-les-moi.
Si, quelqu'un vous dit quelque chose, vous répondrez: Le Seigneur en a besoin.
Et à l'instant il les laissera aller.
Or, ceci arriva afin que s'accomplît ce qui avait été annoncé par le prophète:
Dites à la fille de Sion: Voici, ton roi vient à toi, plein de douceur,
et monté sur un âne, Sur un ânon, le petit d'une ânesse.
Les disciples allèrent, et firent ce que Jésus leur avait ordonné.
Ils amenèrent l'ânesse et l'ânon, mirent sur eux leurs vêtements, et le firent asseoir dessus.
La plupart des gens de la foule étendirent leurs vêtements sur le chemin;
d'autres coupèrent des branches d'arbres, et en jonchèrent la route.
Ceux qui précédaient et ceux qui suivaient Jésus criaient:
Hosanna au Fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!
Hosanna dans les lieux très hauts!
Évangile selon Matthieu, chapitre 21, versets 1 à 9
« Voici, ton roi vient à toi. »
Frères et sœurs,
nous vivons une année d’élections importantes.
Vladimir Poutine vient d’être reconduit président de la Russie.
À l’automne, on saura qui de Joe Biden ou de Donald Trump
dirigera les États-Unis d’Amérique.
Et les élections européennes de juin
détermineront si Ursula von der Leyen fera
un second mandat à la tête de l’Union européenne
comme elle le souhaite.
Les médias aiment les simplifications.
Réduire un pays ou une cause à un visage,
cela les arrange.
Et cela arrange aussi bien les citoyens :
« Si cela ne marche pas chez nous,
c’est la faute à ceux qui sont en haut ! »
On dit parfois que les dirigeants
reflètent plus l’état d’un pays
qu’ils n’en sont les responsables.
En d’autres mots :
on a les dirigeants que l’on mérite.
Alors, si les américains auront à trancher
entre deux seniors problématiques,
c’est peut-être tout simplement
parce que le pays est à bout de souffle :
sans vision, sans envie.
« Ton roi vient à toi. »
Cinq mots tout simples a priori.
Et pourtant, combien de malentendus possibles,
concentrés pour la plupart
dans un mot de trois lettres : R, O, I, « roi ».
Certaines Églises multiplient
les chants célébrant le fait que Dieu règne.
Et en les entendant,
je ne peux m’empêcher de sentir
comme une démission.
Les foules qui acclament le grand homme
qui va résoudre tous les problèmes à leur place.
Qui va même penser à leur place,
les déchargeant de ce fardeau,
de cette responsabilité.
Seulement, le roi,
c’est autre chose que ce grand homme.
D’ailleurs, ni Napoléon, ni Staline, ni Hitler, ni Mao,
n’ont prétendu ou souhaité être roi.
Et ce n’est pas par hasard.
Le roi ne débarrasse pas de la responsabilité.
Au contraire il stimule cette responsabilité.
Ses sujets, il ne les écrase pas comme des fourmis insignifiantes.
Au contraire, il les fait grandir.
Il leur révèle leur vraie grandeur.
Plus que l’Histoire,
ce sont les contes et les légendes
qui nous disent ce qu’est un roi.
Non pas un dictateur
qui impose sa volonté
à des masses anonymes.
Mais un révélateur
qui connaît chacun de ses sujets par son nom,
et qui sait réveiller
ce qu’il y a de meilleur en chacune, en chacun.
« Voici, ton roi vient à toi. »
Jésus comme le roi.
Ou plutôt : Jésus comme notre roi.
Celui qu’il faut prendre au sérieux.
Celui qu’il faut écouter attentivement.
Non pas juste obéir aveuglément,
sans réfléchir.
Mais exposer son cœur à ce qui est dit,
et le laisser vibrer.
Jésus, notre roi !
Non pas un étranger.
Non pas un aventurier.
Mais bien notre vérité la plus profonde.
La plus intime.
Il ne s’agit pas de reconnaître
une autorité extérieure.
Il s’agit de se reconnaître
dans celui qui vient
et qui nous ouvre un chemin.
Qui nous révèle ces possibles
qu’il y a en nous
et que les soucis du quotidien
nous font trop souvent oublier.
« Voici, ton roi vient à toi, plein de douceur. »
Les dirigeants actuels aiment les discours percutants.
Avoir toujours quelque chose à dire,
quelque chose à proposer.
Avoir toujours le dernier mot.
Se mettre en scène
pour bien montrer que l’on prend les choses en main,
que l’on ne chôme pas,
que l’on est vraiment à l’œuvre.
Jésus, lui, vient à nous plein de douceur.
Il ne cherche pas à occuper le terrain.
Il ne multiplie pas les injonctions et les discours.
Il ne tourne pas comme une hélice
en se voulant à la fois au four et au moulin.
Non, sa royauté, ce n’est pas d’être superman,
c’est d’être plein de douceur.
La douceur, c’est le geste de la foi.
Même si je ne fais rien,
le monde ne va pas s’écrouler,
car il est entre de bonnes mains.
La douceur, c’est aussi le geste de l’accueil.
Le monde, la vie, n’est pas de la pâte à modeler
attendant que j’en fasse quelque chose.
Il a sa densité.
Il a quelque chose à me dire,
à m’apporter.
Le roi qui vient à nous
n’est pas un instructeur militaire
soucieux de son autorité.
C’est quelqu’un qui sait écouter la vie
dans toute sa richesse.
Quelqu’un d’une grande disponibilité intérieure.
Et qui réveille en nous cette même disponibilité.
« Voici, ton roi vient à toi, plein de douceur. »
Nous rêvons de quelqu’un qui débarquerait
avec la solution au réchauffement climatique,
à la guerre en Ukraine, à la crise à Gaza,
aux désastres humanitaires au Soudan, en Arménie.
Sans oublier la santé psychique toujours plus fragile
chez les jeunes et aussi dans la population.
Celui qui vient à nous n’a pas une batterie de mesures
toutes prêtes.
Il est plein de douceur.
Non pas impuissant,
comme on pourrait le penser au premier abord.
Au contraire,
nous révélant
que c’est à vouloir prendre les choses en main
que l’on crée les problèmes
et que l’on s’y enferre.
« Plein de douceur. »
À lire les médias,
on pourrait penser que la douceur a disparu de ce monde.
C’est à qui parlera le plus fort.
À qui saura le mieux se vendre.
Beaucoup d’affirmations.
Pas de doutes.
S’imposer à tout prix.
Surtout pas d’hésitation.
Surtout pas de réserve.
La douceur comme l’attribut le plus important du roi,
de notre roi.
Non pas juste une marque de savoir-vivre.
De la politesse.
Mais la vraie grandeur :
ne pas avoir peur d’être petit.
Ne pas avoir peur de laisser ce monde et la vie
nous dépasser.
Car, le monde et la vie,
ce ne sont pas nos concurrents.
Ce ne sont pas nos ennemis.
Ce sont en réalité comme notre prolongement :
ce qui nous donne notre vraie taille,
notre vraie portée.
« Parce que tu as peu de puissance,
et que tu as gardé ma parole,
et que tu n’as pas renié mon nom,
j’ai mis devant toi une porte ouverte,
que personne ne peut fermer. »
« Parce que tu as peu de puissance, […]
j’ai mis devant toi une porte ouverte,
que personne ne peut fermer. »
Étonnante, cette parole du Christ !
Ce qui ouvre les portes,
en tout cas celles du ciel,
celles de la vie dans sa grandeur,
ce n’est pas de se jeter contre de toutes ses forces.
C’est d’avoir peu de puissance,
et qu’ainsi Quelqu’un d’autre puisse nous ouvrir
et nous accueillir.
À nouveau,
non pas le volontarisme,
mais la disponibilité, l’écoute, la douceur.
L’important aux Rameaux,
ce n’est pas d’agiter des branches
en criant : « Hosanna ! ».
C’est de savoir qui est ce roi qui vient à nous.
Et pourquoi il vient à nous.
Un roi plein de douceur.
Qui vient réveiller en nous la douceur.
Cette douceur qui ouvre devant nous
une porte que personne ne pourra fermer.
Une porte qui ouvre sur l’éternité.
Amen