Après avoir ainsi parlé, Jésus leva les yeux au ciel et dit :
« Père, l’heure est venue, glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie
et que, selon le pouvoir sur toute chair que tu lui as donné,
il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés.
Or la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu,
et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.
Je t’ai glorifié sur la terre, j’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire.
Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi
de cette gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde fût.
J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as tirés du monde pour me les donner.
Ils étaient à toi, tu me les as donnés et ils ont observé ta parole.
Ils savent maintenant que tout ce que tu m’as donné vient de toi,
que les paroles que je leur ai données sont celles que tu m’as données.
Ils les ont reçues, ils ont véritablement connu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé.
Je prie pour eux ; je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés :
ils sont à toi, et tout ce qui est à moi est à toi, comme tout ce qui est à toi est à moi, et j’ai été glorifié en eux.
Désormais je ne suis plus dans le monde ; eux restent dans le monde, tandis que moi je vais à toi.
Père saint, garde-les en ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous sommes un.
Évangile selon Jean, chapitre 17, versets 1 à 11
« La vie éternelle,
c’est qu’ils Te connaissent,
Toi, le seul vrai Dieu. »
Frères et sœurs,
plus je prends de l’âge,
plus je m’aperçois
que le vrai défi de la vie,
ce n’est pas d’ajouter encore et encore
de nouvelles connaissances,
mais bien plutôt
de défaire
tout ce que l’on a compris de travers.
Et cela en fait des choses !
Ainsi, souvent,
on voit la vie éternelle
comme une affaire de durée :
la vie telle que nous la menons maintenant
mais libérée des soucis et de la souffrance.
Libérée surtout de cette limite
et aussi de cette pression
qu’amène la mort.
Un gros souci en moins.
Le temps n’est plus un problème.
Ce que l’on n’a pas fait aujourd’hui,
on le fera à coup sûr plus tard.
Demain.
Ou dans un siècle.
Ou dans un million d’années.
Peu importe.
Il n’y a pas à s’inquiéter
à ce propos.
Puisque plus rien
ne vient interrompre
le cours de la vie.
Cela semble parfait.
Idéal.
Mais certains disent que
c’est justement cette limite
que nous ne maîtrisons pas
et qui s’impose à nous
qui donne sa saveur à la vie,
et qu’en général,
quand on a trop de temps à disposition,
on ne sait pas quoi en faire,
et l’on s’ennuie,
ou on le tue en regardant des bêtises
à la télévision ou sur Internet.
La vie éternelle
comme des millions de milliards d’années
qui s’étalent devant nous :
le rêve vraiment ?
Ou bien le pire des cauchemars ?
Personne n’a envie de mourir.
Mais personne n’a envie d’avoir devant lui
une autoroute sans fin dont il est impossible de sortir.
« La vie éternelle,
c’est qu’ils Te connaissent,
Toi, le seul vrai Dieu. »
Défaire tout ce que l’on a compris de travers.
C’est ce que j’ai dit.
Alors mettons-nous-y !
Oublions tout ce que nous croyons savoir
de la vie éternelle.
Oublions même
que nous ayons jamais entendu cette expression.
L’idéal serait même d’effacer ces mots,
de les faire disparaître,
de les remplacer
par quelque chose qui n’a rien à voir.
Décoller cette étiquette.
Car l’important, ce n’est bien sûr pas l’étiquette,
mais la réalité sur laquelle on l’a collée
et que l’on a fini par oublier.
Alors, oublions ces mots : « vie éternelle ».
Et recevons ce que Jésus nous dit.
Le plus grand bien
qu’Il veut nous accorder,
le plus grand bien
qu’Il est venu nous accorder,
c’est de connaître Dieu.
Connaître Dieu !
Une belle expression à nouveau.
Très forte.
Et nous revoilà au début :
le plus grand défi dans la vie,
ce n’est pas d’ajouter des connaissances,
mais de défaire ce que l’on a compris de travers.
Connaître Dieu :
là aussi, il va falloir détricoter.
Car, connaître,
cela fait banque de données, fichier, bibliothèque,
et aussi manuel, mode d’emploi, expertise.
Connaître, cela veut dire
qu’on maîtrise.
On sait.
C’est limpide.
C’est clair.
Cela n’a plus de secrets pour nous.
Dieu comme un papillon rare
que l’on a replacé dans sa famille
et qui est maintenant là, épinglé dans sa boîte,
avec un beau nom en latin bien compliqué.
Ou bien, pour être plus moderne,
Dieu comme une application
dont on connaît toutes les possibilités
et comment les utiliser.
Quelle horreur !
Et surtout : quelle erreur !
Alors, oublions la maîtrise.
Oublions la connaissance.
Oublions l’intellect.
Ce que Jésus est venu nous apporter,
et qui est le plus grand bien que l’on puisse imaginer,
c’est tout simplement de vivre avec Dieu.
En se rendant compte
que Dieu n’est pas juste une image, une métaphore,
mais Quelqu’un de réel.
Quelqu’un d’infiniment plus réel
que tout ce que nous connaissons.
Et en même temps,
Quelqu’un de tout autrement quelqu’un
que tous les autres « quelqu’un »
qui peuplent notre vie.
Oui, vivre avec Dieu !
Comprendre qu’Il était déjà là à l’origine de notre vie.
Il a voulu que nous existions.
Et non seulement que nous existions,
mais que nous existions tels que nous sommes.
Et Il s’est réjoui de notre naissance.
Et Il s’est réjoui de chaque jour que nous avons vécu.
Et Il se réjouit de chaque jour que nous vivons.
Et chaque jour,
encore et encore,
Il nous donne la vie.
Chacune de nos respirations est portée par Son amour.
Son souffle est en nous.
Son Esprit est en nous qui nous guide,
qui fait naître dans nos cœurs la confiance,
la disponibilité,
la générosité,
la douceur.
Vivre avec Dieu,
c’est se savoir ainsi porté,
c’est se sentir ainsi porté.
Mais ce n’est pas que cela.
C’est aussi savoir,
c’est aussi sentir,
qu’il y a un appel qui nous est adressé.
Que nous avons un rôle à jouer.
Savoir,
sentir
que des dons ont été mis en nous.
Et quand nous les mettons
au service de la vie,
de l’univers,
de nos frères et de nos sœurs,
une force est là qui vient se rajouter
et qui nous entraîne,
qui nous élève,
qui donne une tout autre portée
à ce que nous faisons.
Oui, vivre avec Dieu,
ce n’est pas être comme l’oisillon dans le nid
qui ouvre le bec
en attendant que sa mère vienne y mettre
de la nourriture.
J’aime l’image de la danse
où deux attentions se rencontrent.
Où chaque mouvement
est comme une demande
en attente d’une réponse,
en attente d’un mouvement
qui prolongera le premier,
ou le fera complètement dévier.
La vie avec Dieu,
c’est cette danse.
Avec Dieu qui est attentif à chacun de nos gestes,
à chacune de nos pensées,
à chacune de nos émotions,
et qui y répond à sa façon,
en attendant de voir
comment, nous, nous répondrons
à sa réponse.
La vie avec Dieu,
c’est cette danse
où Dieu ne cesse de se rappeler à nous,
de nous envoyer des impulsions,
en se réjouissant de nos réponses,
en se réjouissant de ces défis
que nous lui lançons
et qui nous permettent,
à Lui comme à nous,
de toujours aller plus loin.
Oui,
connaître Dieu
et être connu de Lui.
Connaître Dieu
nouveau à chaque instant,
et se découvrir soi-même
nouveau à ses yeux à Lui
à chaque instant.
La vie éternelle,
non pas comme le vide intersidéral
qui sépare les galaxies,
mais comme l’instant présent
qui ouvre tous les possibles,
puisque l’on n’y est pas seul,
puisque l’on y est forcément à deux,
avec Celui qui peut tout,
même se faire souffle léger
ou nouveau commencement,
sérénité inébranlable
ou éclair éblouissant.
tout en ne nous quittant
jamais des yeux.
C’est cela,
le plus grand bien
que Jésus est venu nous apporter.
C’est cela,
le plus grand bien
dont nous pouvons nous réjouir.
Alors, surtout,
ne nous privons pas de le savourer,
de nous en réjouir.
Amen