Moi, je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis.
Mais le mercenaire, qui n'est pas berger et à qui les brebis n'appartiennent pas,
voit venir le loup, abandonne les brebis et s'enfuit. Et le loup s'en empare et les disperse.
13C'est qu'il est mercenaire et qu'il ne se met pas en peine des brebis.
Moi, je suis le bon berger.
Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent,
comme le Père me connaît, et comme je connais le Père ;
et je donne ma vie pour mes brebis.
J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie ; celles-là, il faut aussi que je les amène ;
elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger.
Le Père m'aime, parce que je donne ma vie, afin de la reprendre.
Personne ne me l'ôte, mais je la donne de moi-même
j'ai le pouvoir de la donner et j'ai le pouvoir de la reprendre ;
tel est l'ordre que j'ai reçu de mon Père.
Évangile selon Jean, chapitre 10, versets 11 à 18
“Je suis le bon berger.”
Frères et sœurs,
le bon berger est une image qui parle beaucoup.
On la trouve déjà dans les catacombes à Rome.
Et plusieurs églises de la région ont un vitrail avec ce thème.
Pour nous le berger,
c’est quelqu’un qui veille sur son troupeau.
Qui le protège.
Quelqu’un qui sait que nous existons.
Quelqu’un qui est attentif à nous,
et qui se réjouit de notre bien-être.
En Palestine, l’herbe est bien plus rare que dans notre pays.
Il ne suffit pas d’ouvrir la porte de la bergerie
pour que les moutons puissent brouter.
Le berger a un rôle beaucoup plus actif.
Il doit conduire les bêtes là où il y a manger, là où il y a de l’eau.
Non pas tant un surveillant, un protecteur,
qu’un guide.
Un guide sans lequel les brebis dépériraient, mourraient.
Le bon berger de la Bible,
ce n’est pas la maman qui regarde
ses enfants s’ébattre à la place de jeu,
prête à intervenir s’ils se font mal,
ou si un grand veut les embêter.
Il n’est pas à distance.
Il est au cœur de l’action.
Au cœur de la vie des brebis.
Un contact essentiel basé sur la confiance.
Cet homme va m’amener là où je pourrais me nourrir.
Et si un danger survient il m’en tirera.
Le berger, ce n’est pas juste une présence.
C’est une impulsion.
Un moteur.
Une relation essentielle.
Quelqu’un que l’on suit.
Autrement on est perdu.
Autrement on mourra.
Nous avons souvent une vision à sens unique
de la relation du berger à ses bêtes.
Lui, il prend soin d’elles.
Et, elles, elles mènent leur vie comme elles le souhaitent,
sans être vraiment attentives à lui.
Jésus, lui, parle d’une relation qui va dans les deux sens :
« Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. »
« Mes brebis me connaissent. »
Évidemment,
les brebis ne connaissent pas
la date de naissance et l’état civil du berger.
Elles n’ont pas lu sa page Wikipedia.
Elles n’ont pas non plus pris un café avec lui
pour discuter de ses lectures ou de ses vacances.
Il s’agit d’autre chose.
Une manière de vivre ensemble
qui ne relève pas d’un partenariat négocié.
Une relation qui n’est pas symétrique.
Et dont justement c’est le sens de ne pas être symétrique.
Les brebis suivent le berger,
non pas parce qu’il les a convaincues.
Mais parce qu’elles lui font confiance.
Bien sûr,
Jésus parle à un autre moment
de ce berger qui se met en peine
pour une brebis qui s’est égarée,
et qui laisse les nonante-neuf autres
pour aller à sa recherche.
Il s’agit évidemment d’un moment de crise,
d’une exception.
Le rôle du mouton n’est pas de s’égarer.
Et le rôle du berger n’est pas de laisser en plan
le troupeau dont il a la charge.
Le rôle du mouton, c’est de suivre son berger.
Et le rôle du berger,
c’est de conduire les moutons
là où il y a de l’herbe et de l’eau,
tout en le protégeant du loup.
Bien sûr,
l’image du berger a beau
se retrouver souvent dans la Bible,
elle n’en reste pas moins une image.
Nous sommes des hommes et des femmes
créés à l’image de Dieu.
Nous ne sommes pas des moutons.
Certains pensent que se mettre à la suite d’un berger,
c’est une démission.
Ils sont attachés à leur esprit critique.
Ils ne veulent décider qu’après mûre réflexion.
Allant parfois chercher la petite bête
pour ne pas avoir à donner leur confiance.
Être indépendant avant toute chose.
Être autonome.
N’être le jouet de personne.
Seulement, la méfiance, le scepticisme
peuvent aussi devenir des dogmes.
« On nous cache tout. On nous dit rien. »,
chantait Jacques Dutronc.
« On en veut à ma liberté.
On en veut à mes sous. »
Bien des athées sont plus fondamentalistes
que les croyants,
et suivent leurs préjugés de façon autrement plus aveugle
que les fidèles ne suivent leur Seigneur.
Parce qu’il faut le dire :
suivre le bon berger est loin d’être aussi facile
qu’on le pense.
Des voix qui nous invitent à les suivre,
il n’y en a pas qu’une seule.
Il y en a des centaines.
Souvent tellement convaincantes
que l’on ne peut pas imaginer
ne pas s’y soumettre.
« Nous sommes là pour vous aider à faire un plan de carrière. »
« Nos placements rapportent deux fois plus
que la concurrence. »
« Où allez-vous ce week-end pour vos loisirs ? »
« Notre thérapie vous aidera à retrouver votre harmonie. »
« Rejoignez notre croisière dans les îles grecques ! »
« Nous avons ce qu’il vous faut ! »,
c’est ce qui nous est répété
des dizaines de fois sur les flyers, dans les journaux,
et sur chaque page Internet.
Des offres à ne pas manquer
à ne plus savoir qu’en faire.
« Je connais mes brebis,
et mes brebis me connaissent. »
Suivre la voix du Christ,
non pas parce qu’il a les arguments les plus étayés,
les plus convaincants.
Mais parce qu’il y a un lien,
parce qu’il y a un engagement,
parce qu’il y a une attention.
Parce que cette parole
n’est pas lancée à la cantonade,
mais parce qu’elle s’adresse à moi.
Vraiment à moi.
Non pas un commerçant qui cherche un client,
mais un cœur qui vibre pour moi.
Un cœur qui sait tout de moi.
La relation au bon berger
est une relation de confiance.
Et cette confiance n’est pas aussi facile à donner
qu’on le pense parfois.
Le Christ n’est pas un beau parleur.
Un vendeur ambulant.
Un représentant en assurances.
Ce qu’il dit n’est pas toujours facile à entendre.
Pardonner soixante-dix sept fois sept fois à son frère,
alors que le faire une fois c’est déjà bien difficile,
parfois quasi impossible.
Ne pas m’attacher à mes biens matériels,
alors que je me suis échiné à gagner l’argent
qui m’a permis de les acheter.
Ne pas attendre de médaille pour tout ce que je fais,
ni même un simple merci.
Et l’on pourrait continuer la liste.
Seulement ce qu’il faut voir,
c’est que, ces mots,
ce n’est pas une offre,
une proposition,
et si cela ne vous intéresse pas,
tant pis pour vous !
Le bon berger a lié son sort au nôtre.
Il y a dans sa voix quelque chose de pressant.
Non pas : « J’ai besoin de disciples,
pour que l’on voie à quel point je suis important. »
Mais : « Tu as besoin d’un guide ;
et moi je peux te conduire là où tu seras bien. »
Ce ne sont pas aux mots de Jésus
qu’il faut s’attacher tout d’abord,
en les comparant à d’autres propositions
qui sont faites.
C’est le cœur qui doit d’abord écouter.
Car c’est le cœur qui fait la différence
entre le séducteur et celui qui est sérieux.
C’est le cœur qui fait la différence
entre le mercenaire qui n’en a rien à faire des brebis
et le bon berger qui donne sa vie pour elles.
Ne nous laissons pas tromper !
« Je connais mes brebis,
et mes brebis me connaissent. »
Amen