Vos lieux de culte Église 29

Il leur dit aussi cette parabole:

Un aveugle peut-il conduire un aveugle? Ne tomberont-ils pas tous deux dans une fosse?

Le disciple n’est pas plus que le maître; mais tout disciple accompli sera comme son maître.

Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère,

et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil?

Ou comment peux-tu dire à ton frère:

Frère, laisse-moi ôter la paille qui est dans ton œil, toi qui ne vois pas la poutre qui est dans le tien?

Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil,

et alors tu verras comment ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère.

Ce n’est pas un bon arbre qui porte du mauvais fruit, ni un mauvais arbre qui porte du bon fruit.

Car chaque arbre se connaît à son fruit.

On ne cueille pas des figues sur des épines, et l’on ne vendange pas des raisins sur des ronces.

L’homme bon tire de bonnes choses du bon trésor de son cœur,

et le méchant tire de mauvaises choses de son mauvais trésor;

car c’est de l’abondance du cœur que la bouche parle.

Évangile selon Luc, chapitre 6, versets 39 à 45

 

« Ôte premièrement la poutre de ton œil

et alors tu y verras

pour ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère. »

 

Frères et sœurs,

de temps en temps les médias rapportent le cas

d’un ouvrier qui s’est retrouvé

avec une tige de métal plantée dans le crâne,

ou d’une personne qui a reçu une flèche dans la tête

tout en restant en vie.

 

Ôter ce corps étranger est une opération très délicate.

Il ne suffit pas de tirer un bon coup.

Parfois on préférera laisser dans le crâne

quelque chose qui n’a rien à y faire,

plutôt que de se lancer dans une intervention hasardeuse

qui pourrait très bien mal tourner.

 

Retirer une petite écharde ou un grain de poussière,

ce n’est pas difficile.

Retirer un objet plus important,

c’est nettement plus problématique.

Alors une poutre,

cela semble impossible.

 

« Ôte premièrement la poutre de ton œil

et alors tu y verras

pour ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère. »

 

On ne perçoit pas toujours l’ironie de Jésus.

Avec les siècles et l’institutionnalisation de l’Église,

on a fait de lui un professeur de morale

terriblement sérieux et pesant.

Quelqu’un sans le moindre sens de l’humour,

qui ne fait que lire des sermons,

sans jamais le moindre regard pour ses auditeurs.

Sans jamais le moindre clin d’œil.

 

Le résultat est que l’on prend tout au pied de la lettre.

Et c’est catastrophique.

 

Il y a bien pire que quelqu’un qui a une poutre dans l’œil

et qui ne s’en rend pas compte.

C’est quelqu’un qui est persuadé de s’être débarrassé

de la poutre qu’il avait dans l’œil.

Et l’on en rencontre parfois dans les milieux dits croyants.

 

« Ôte premièrement la poutre de ton œil

et alors tu y verras

pour ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère. »

 

« Ça y est ! C’est fait ! Plus de poutre dans mon œil !

Le Saint Esprit m’en a débarrassé.

Alors je vais vous aider avec toutes ces pailles

qui vous aveuglent et dont vous n’êtes même pas conscients ! »

 

Imaginez cependant que vous ayez, plantée dans l’œil,

une barre à mine.

Une tige de métal de deux centimètres de diamètre.

Ce n’est pas un souci dont on se débarrasse

en un claquement de doigts.

 

Et si, par une très grande chance, on arrive à vous l’enlever,

votre premier souci ne sera pas de vous occuper

des escarbilles dans les yeux de vos prochains.

 

Jésus parle, non pas d’une barre à mine, mais d’une poutre

de plusieurs dizaines de centimètres de diamètre.

Prétendre ôter un tel objet,

c’est vraiment ne pas avoir les pieds sur terre.

 

« Ôte premièrement la poutre de ton œil

et alors tu y verras

pour ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère. »

 

« Eh oui, vas-y ! Essaie un peu pour voir !

Une poutre, en soi, ce n’est déjà pas facile à manier.

Alors quand elle est plantée dans ton œil,

là tu es vraiment embêté ! »

 

On croit souvent qu’il suffit de bien décrire le problème

pour trouver une solution.

On oublie que parfois, la seule solution,

c’est de vivre avec le problème.

 

Non pas extirper la poutre de son œil,

en arrachant en même temps tout ce qu’il y a autour.

Mais faire avec.

C’est-à-dire être plus précautionneux.

Ne pas se croire souverain.

Être prudent pour ne pas aggraver encore plus

sa propre situation.

 

L’apôtre dit :

« Aujourd’hui nous voyons comme dans un miroir,

confusément. »

 

La société actuelle prétend le contraire.

Nous sommes persuadés de voir parfaitement clairement.

Nous savons toujours ce qu’il faut faire.

Nous avons toujours une explication, une analyse,

pour chaque phénomène.

Avec une solution évidente pour chaque problème.

 

Nous en avons entendu, des vérités imparables

sur le conflit en Ukraine, le réchauffement climatique,

les énergies renouvelables, la situation au Proche-Orient,

sans oublier ce qu’il faudrait manger pour être en bonne santé !

 

L’apôtre nous invite à plus de prudence et de modestie.

Nous ne connaissons pas le fin fond des choses.

Nous voyons juste des formes floues dans le brouillard.

Nous naviguons à vue.

 

« Aujourd’hui nous voyons comme dans un miroir,

confusément. »

 

Cela vaut pour les pailles que nous voyons

dans les yeux des puissants et de nos proches.

Et cela vaut aussi pour cette poutre fichée dans le nôtre

dont nous croyons connaître parfaitement les contours.

 

Et pourtant,

combien de fois nous méprenons-nous sur nous-mêmes !

Combien de fois nous lamentons-nous

de ce qui n’est qu’une broutille !

Combien de fois aussi prenons-nous un peu trop à la légère

un problème qui nous handicape vraiment,

et qui empoisonne non seulement notre vie,

mais aussi celle de ceux qui sont en contact avec nous !

 

« Aujourd’hui nous voyons comme dans un miroir,

confusément ;

alors, nous verrons face à face !

Aujourd’hui, je connais imparfaitement ;

alors, je connaîtrai comme j’ai été connu ! »

 

L’apôtre parle d’une connaissance parfaite.

Il vaut la peine de se poser la question,

sommes-nous sûrs de comprendre ce dont il s’agit ?

 

Il est tentant d’imaginer une simple version améliorée

de ce que nous avons maintenant.

La même chose, mais en mieux.

Une connaissance parfaite,

cela voudrait donc dire une vue encore plus complète,

encore plus précise, encore plus objective

des personnes et des choses.

 

Seulement, cette approche est naïve.

On pourrait aussi dire provinciale.

Comme si la seule différence possible

était un changement de taille.

Comme s’il ne pouvait pas y avoir autre chose

que ce à quoi nous accordons maintenant de l’importance ;

et même un bouleversement complet

de nos priorités et de nos valeurs.

 

Eh oui, une poutre de plus dans notre œil !

 

« Aujourd’hui, je connais imparfaitement ;

alors, je connaîtrai comme j’ai été connu ! »

 

« Comme j’ai été connu. »

 

Beaucoup de gens croient

que Dieu s’intéresse avant tout à nos lacunes, à nos défauts.

Qu’il tient à jour la liste

de toutes les escarbilles qui nous tombent dans l’œil.

Qu’il voit avant tout ce qui ne va pas,

ce qui doit changer.

 

Mais peut-être est-ce d’une tout autre façon

que Dieu nous regarde en ce moment.

Qu’il nous connaît.

 

Non pas regard critique et froid qui se croit objectif.

Mais un amour qui s’engage, qui se donne.

Un cœur qui ferme les yeux sur les détails

pour ne garder que l’essentiel, la personne.

 

« Ôte premièrement la poutre de ton œil

et alors tu y verras

pour ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère. »

 

Jésus ne nous donne pas une marche à suivre.

Il se moque gentiment du sérieux avec lequel

nous essayons de jouer à Dieu.

 

En ne voyant pas que Dieu est d’une tout autre pâte que nous.

Non pas une idée parfaite de ce que devrait être la réalité.

Mais un amour parfait pour ce qu’elle est déjà maintenant.

 

Puissions-nous vivre notre vie dans l’ouverture à cette bonté,

à cette bienveillance.

 

Amen