Vos lieux de culte Église 29

Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges,

il s'assiéra sur son trône de gloire.

Toutes les nations seront assemblées devant lui.

Il séparera les uns d'avec les autres,

comme le berger sépare les brebis d'avec les boucs,

et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche.

Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite :

"Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ;

recevez en héritage le royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde.

Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ;

j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ;

j'étais étranger et vous m'avez recueilli ;

nu et vous m'avez vêtu,

j'étais malade et vous m'avez visité,

j'étais en prison et vous êtes venus vers moi."

Alors les justes lui répondront :

"Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim, et t'avons-nous donné à manger ;

ou avoir soif, et t'avons-nous donné à boire ?

Quand t'avons-nous vu étranger, et t'avons-nous recueilli ;

ou nu, et t'avons-nous vêtu ?

Quand t'avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi ?"

Et le roi leur répondra :

"En vérité, je vous le dis,

dans la mesure où vous avez fait cela à l'un de ces plus petits de mes frères,

c'est à moi que vous l'avez fait."

Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche :

"Retirez-vous de moi, maudits,

allez dans le feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges.

Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ;

j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire.

J'étais étranger, et vous ne m'avez pas recueilli ;

nu, et vous ne m'avez pas vêtu ;

malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité."

Alors ils répondront eux aussi :

"Seigneur, quand t'avons-nous vu ayant faim ou soif,

étranger, ou nu, ou malade, ou en prison,

et ne t'avons-nous pas rendu service ?"

Alors il leur répondra :

"En vérité, je vous le dis,

dans la mesure où vous n'avez pas fait cela à l'un de ces plus petits,

c'est à moi que vous ne l'avez pas fait."

Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie éternelle.

Évangile selon Matthieu 25, 31-46

 

« Seigneur, quand t’avons-nous vu… ? »

 

Frères et sœurs,

 

vous l’aurez remarqué,

dans la description que Jésus fait du jugement dernier,

personne ne l’a reconnu dans ceux qui ont faim ou soif,

dans les étrangers et ceux qui sont nus,

dans les malades et ceux qui sont en prison.

Non, personne.

Pas plus ceux qui ont aidé ces gens

que ceux qui ne les ont pas aidés.

 

Beaucoup de commentaires

tirent de ce passage

une sorte de morale contraignante pour notre vie :

« Il faut aider les défavorisés,

car, faire du bien aux défavorisés,

c’est faire du bien à Jésus. »

 

Seulement,

le texte biblique dit autre chose.

Dans les propos de Jésus,

ceux qui sont récompensés ne s’exclament pas :

« C’est pour toi que nous avons fait tout ça ! »

Non, ils disent :

« Seigneur, quand t’avons-nous vu … ? »

Eh oui, ils n’ont pas reconnu le Christ

dans ceux qui ont faim,

dans ceux qui sont étrangers,

dans ceux qui sont nus.

Et cela ne les a pas empêchés de les aider.

 

Ce passage est un peu piégeant.

Car on pourrait très bien l’interpréter

comme un rapport de forces qui serait posé.

Jésus se déguise en mendiant.

Et si on ne lui donne pas une pièce,

on va en enfer.

Ou à l’inverse, si on lui donne une pièce,

on recevra en retour mille fois mieux :

un cadeau royal.

 

À titre personnel,

j’ai toujours un peu peur

des gens qui veulent faire le bien.

Car cela peut être une façon

de se mettre en avant.

Avec aussi la possibilité

de montrer du doigt

les autres qui ne sont pas

aussi généreux que nous.

Un petit côté donneur de leçons.

La satisfaction et le pouvoir

que procure une prétendue supériorité morale.

 

Parfois,

la personne que l’on aide

passe complètement au second plan.

Car ce n’est pas un frère ou une sœur en humanité.

C’est juste un signe que l’on brandit

pour se distinguer des autres mortels.

 

Dans les années soixante-septante,

on se souciait ainsi des prolétaires,

même si cela restait pour beaucoup

une simple vue de l’esprit,

et non des personnes concrètes

que l’on aurait rencontrées.

Dans les années huitante-nonante,

ce sont les toxicomanes et les marginaux

qui sont devenus la catégorie à aider.

Maintenant la mode est

aux migrants.

 

Tous mis dans le même sac.

Comme s’ils n’avaient pas chacun une personnalité différente,

avec aussi une histoire de vie unique.

Tous réduits à un symbole qui permet d’étaler

sa générosité et sa noblesse :

« Voyons : le Christ est là dans ces personnes ;

et, nous, nous nous soucions de lui,

nous prenons soin de lui. »

 

« Seigneur, quand t'avons-nous vu … ? »

 

La vue est un sens très complexe.

Beaucoup plus complexe qu’on le croit.

Il y a non seulement ce que nos yeux perçoivent,

mais aussi l’interprétation qu’en donne notre cerveau.

Avec des choses qui remontent à notre conscience.

Et d’autres que nous enregistrons,

et dont nous tenons compte,

sans même nous en apercevoir.

 

Le Petit Prince, lui, dit :

« On ne voit bien qu'avec le cœur.

L'essentiel est invisible pour les yeux. »

 

Alors :

« Seigneur, quand t’avons-nous vu … ? »

 

Les yeux n’ont rien perçu.

Le cerveau n’a rien noté.

 

Et pourtant la rencontre a eu lieu.

Seulement, à un autre niveau.

Un niveau que l’on ne contrôle pas.

Un niveau auquel on ne peut pas

imposer ses vues,

sa volonté.

 

Les propos de Jésus semblent une mise en garde.

Avec une clé pour éviter de se retrouver

dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges :

il faut aider les défavorisés.

 

Je ne suis pas sûr qu’une telle entraide,

faite un revolver sur la nuque,

reflète vraiment

l’amour célébré dans l’Évangile.

 

Le défavorisé n’est pas un test

auquel nous serions soumis.

Un instrument pour faire le tri

entre les bons et les méchants.

 

En fait, dans ses propos,

le Christ dit simplement

que lui est sensible à cette détresse des humains.

Et donc, si nous aussi nous le sommes,

il y a quelque chose de Jésus qui vit en nous,

un coin de paradis.

Et c’est d’autant plus vrai,

quand nous n’en sommes pas conscients.

Quand nous n’en tirons pas un motif de fierté.

 

Jésus ne parle pas

d’un programme à mettre sur pied

pour faire tout juste :

organiser de la distribution de nourriture ou de vêtements.

En réalité, c’est beaucoup plus simple.

Une question de rencontre, d’attention.

« Ouvrez vos cœurs, ouvrez vos yeux. »

Rien de plus.

 

Le paradis, c’est savoir offrir un sourire à un inconnu.

L’enfer, ne voir que son planning.

 

« Seigneur, quand t’avons-nous vu … ? »

 

Il ne s’agit pas de se forcer à voir Jésus

dans telle ou telle catégorie de personnes,

avec le danger de les idéaliser,

d’en faire des messies, des sauveurs, des demi-dieux,

alors que ce ne sont jamais que des humains

bourrés de défauts tout comme nous.

 

Il s’agit plutôt d’avoir le cœur ouvert

pour vivre le Christ sans même s’en rendre compte,

en voyant un frère, une sœur en humanité

même dans ceux qu’on nous décrit comme des vilains

ne méritant que notre mépris, voire notre haine.

 

Les apparences sont souvent trompeuses.

La mise en scène de Jésus,

avec ce jugement ultime qui propulse les uns

dans le Royaume préparé depuis la création du monde,

tandis que les autres vont griller dans le feu éternel,

est passablement crispante.

Mais peut-être y a-t-il

comme une blague de la part de Jésus

qui se moque ainsi gentiment

de nos ambitions,

de ces rêves et aussi de ces peurs

qui nous empêchent de vivre simplement le présent.

 

« Le Royaume,

ce ne sont pas des vacances à Disneyworld,

en récompense d’un engagement

auprès des SDFs.

L’enfer,

ce n’est pas une punition implacable,

parce que vous avez refusé de donner une pièce

à un mendiant.

Le Royaume,

c’est simplement mon Esprit en vous

qui vous rend sensible et attentif

à ceux dont vous croisez la route.

L’enfer,

c’est de tellement vous accrocher

à vos priorités

que vous ne voyez plus rien d’autre. »

 

Et cela concerne

non seulement les carriéristes en tous genres,

mais aussi certains militants d’ONG

tellement obsédés par leur cause

qu’ils ne voient pas que chacun, chacune autour d’eux

a aussi ses difficultés, ses détresses.

Car chacun, chacune a besoin de compréhension,

d’un regard attentif et bienveillant.

Non seulement ceux qui ont faim ou soif,

ceux qui sont nus, étrangers, malades, en prison.

Mais aussi les spéculateurs en bourse

et les avocats d’affaire.

 

Alors, il ne s’agit pas d’être un bon élève.

Mais bien d’être une sœur, un frère.

 

Amen