Vos lieux de culte Église 29

Comme Jésus se mettait en chemin, un homme accourut

et, se jetant à genoux devant lui, il lui demanda :

“Bon Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?”

Jésus lui dit : "Pourquoi m'appelles-tu bon ? Personne n'est bon, si ce n'est Dieu seul.

Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre ; ne commets pas d'adultère ;

ne commets pas de vol ; ne dis pas de faux témoignage ; ne fais de tort à personne ; honore ton père et ta mère."

Il lui répondit : “Maître, j'ai gardé tout cela dès ma jeunesse.”

Jésus l'ayant regardé l'aima ;

puis il lui dit : "Il te manque une chose ; va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres,

et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis-moi."

Mais lui s'assombrit à ces paroles et s'en alla tout triste, car il avait de grands biens.

Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples :

“Qu'il est difficile à ceux qui ont des biens d'entrer dans le royaume de Dieu !”

Les disciples étaient stupéfaits par ses paroles.

Et Jésus reprit et leur dit : "Mes enfants, qu'il est difficile d'entrer dans le royaume de Dieu.

Il est plus facile à un chameau de passer par le trou de l'aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu."

Les disciples s'étonnaient encore davantage et se disaient les uns aux autres : “Alors, qui peut être sauvé ?”

Jésus les regarda et dit : “Cela est impossible aux hommes, mais non à Dieu, car tout est possible à Dieu.”

Pierre se mit à lui dire : “Voici que nous avons tout quitté et que nous t'avons suivi.”

Jésus répondit : "En vérité, je vous le dis, il n'est personne qui ait quitté, à cause de moi et de l'Évangile,

maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou terres, et qui ne reçoive au centuple, présentement dans ce temps-ci,

des maisons, des frères, des sœurs, des mères, des enfants et des terres,

avec des persécutions et, dans le siècle à venir, la vie éternelle."

Évangile selon Marc 10, 17-30

 

« Il s’en alla tout triste. »

 

Frères et sœurs,

la conclusion de cette rencontre

nous laisse un goût amer.

Tout avait pourtant commencé par de l’enthousiasme.

Une véritable envie de servir Dieu.

Mais les paroles de Jésus vont trop loin,

et l’homme se heurte comme à un mur.

Ce chemin est trop exigeant pour lui.

Alors il s’éloigne.

 

Il vaut la peine de se poser la question :

l’histoire devait-elle forcément se terminer ainsi ?

Je n’en suis pas sûr.

 

Une petite note me semble capitale :

« Jésus, l’ayant regardé, l’aima. »

 

Jésus n’est pas d’abord une instance

qui dit ce qui est juste et ce qui est faux.

Qui distribue des bons points.

 

Jésus, ce n’est pas un regard qui évalue.

C’est un regard qui aime.

 

La tragédie de cette rencontre manquée,

c’est que cet homme

n’a pas perçu ce regard de Jésus,

et qu’il a vu une exigence,

là où Jésus appelait à la confiance.

 

« Va, vends tout ce que tu as,

donne-le aux pauvres,

et tu auras un trésor dans le ciel. »

 

« Tu auras un trésor dans le ciel. »

 

On a de la peine à prendre cette parole au sérieux.

On pense à ces mendiants qui disent : « Dieu vous le rendra »

Ou alors à ce grand livre de saint Pierre

dans lequel la mention de tel acte de générosité

viendra compenser la fois où l’on a tiré la queue du chat.

 

Seulement, là, c’est Jésus qui parle.

Et tout ce qu’il prononce a un sens.

Il n’ouvre pas la bouche pour ne rien dire.

 

« Va, vends tout ce que tu as,

donne-le aux pauvres,

et tu auras un trésor dans le ciel. »

 

« Dans le ciel » ?

Cela semble loin.

Hors de portée.

Ce carnet d’épargne

sur lequel nos parents nous versaient

un argent inaccessible.

 

Mais en réalité,

« dans le ciel », ce n’est pas une localisation géographique.

C’est une question de qualité, d’intensité, de durée.

« Tu auras un trésor incomparable. »

« Tu auras un trésor éblouissant. »

« Tu auras un trésor perpétuel. »

Et cela, non pas dans une ou deux éternités,

mais bien tout de suite.

Dès que tu auras vendu tout ce que tu as

et donné l’argent aux pauvres.

 

L’homme a entendu dans les paroles de Jésus une exigence.

Alors qu’il y avait là une promesse.

Il n’a vu qu’une perte qui lui était demandée.

Il n’a pas vu que quelque chose lui était offert

dans le même mouvement.

 

L’évangéliste le dit pourtant bien :

« Jésus, l’ayant regardé, l’aima. »

 

On croit qu’il est facile d’être aimé.

Alors qu’en réalité on fait tout

pour établir nos relations sur d’autres bases.

 

L’homme voulait rendre une copie parfaite.

Et puisque cela lui semblait au-dessus de ses forces.

Il s’est détourné.

Il est parti.

 

Il n’a pas présenté à Jésus le dilemme qu’il avait dans le cœur.

Ses hésitations.

Sa faiblesse.

Il s’est juste dit :

« Je ne suis pas à la hauteur.

Mieux vaut que je disparaisse. »

 

En voyant cela, Jésus dit :

« Qu’il est difficile à ceux qui ont des richesses

d’entrer dans le Royaume de Dieu ! »

 

Posons-nous la question :

quel échec est-il ainsi pointé ?

Ne pas avoir été capable

de se dépouiller de ses biens ?

Ou bien ne pas avoir été capable

d’imaginer qu’il puisse y avoir

une parole d’indulgence, de douceur, de patience ?

 

Le monde de l’argent,

le monde dans lequel nous vivons,

est le monde du donnant-donnant.

Vous le savez bien : « La maison ne fait pas crédit ! »

 

Si je veux quelque chose,

je dois donner quelque chose d’autre en échange.

Si je ne donne rien, c’est simple :

je ne recevrai rien.

 

Souvent, c’est ce modèle que nous transposons

dans notre foi.

Imaginant un Dieu attaché aux comptes d’épicier,

qui nous tiendra rigueur si nous négligeons notre prière

ou si nous désertons le culte.

 

« Jésus, l’ayant regardé, l’aima. »

 

« Jésus, l’ayant regardé, l’aima. »

 

« Jésus, l’ayant regardé, l’aima. »

 

Qu’il est difficile de vivre dans l’amour de Dieu !

Il est plus facile à un chameau

de passer par le trou d’une aiguille,

qu’il ne l’est à nous

de vivre vraiment,

de vivre avant tout,

de l’amour de Dieu.

De l’amour de Jésus pour nous.

 

Nous croyons que si cet homme était parti vendre ses biens,

et était revenu vers Jésus après avoir donné l’argent aux pauvres,

cela aurait été parfait.

Mais est-ce vraiment le cas.

 

Une petite histoire zen parle

d’un disciple qui arrive tout fier vers son maître :

« J’ai réussi à complètement lâcher prise ».

Et le maître de répliquer simplement :

« Il te reste encore à lâcher cela ».

Celui qui a complètement lâché prise

ne s’intéresse pas le moins du monde

à ce qu’il a lâché prise.

 

« Va, vends tout ce que tu as,

donne-le aux pauvres,

et tu auras un trésor dans le ciel. »

 

Jésus ne parle pas d’un mérite à acquérir,

mais d’une liberté à retrouver.

Cesser de s’accrocher.

Cesser de s’accrocher à ses biens matériels.

Cesser de s’accrocher à sa bonne réputation.

Cesser de s’accrocher à la liste de ses réalisations.

Cesser de s’accrocher à son CV professionnel,

et aussi à son CV spirituel.

À son bilan de compétences.

 

Avoir les mains ouvertes,

avoir le cœur ouvert

pour accueillir ce que Dieu nous donne,

et qui est si différent de ce que nous imaginons :

non pas une feuille de route à suivre,

non pas une liste de tâches à accomplir ;

mais une bienveillance au-delà de tout ça.

 

« Jésus, l’ayant regardé, l’aima. »

 

Une autre issue possible pour cette rencontre

aurait vu l’homme dire à Jésus :

« Tout vendre ? Je n’en suis pas capable.

C’est trop pour moi. »

 

Se présenter ainsi tel qu’il est,

et ouvrir son cœur à Jésus dans la confiance.

 

Quel aurait été alors la réaction de Jésus ?

La dureté ?

Le mépris ?

Le rejet ?

Ou bien la compréhension ?

L’indulgence ?

« Je sais que c’est beaucoup.

Mais j’en suis sûr : cela en vaut la peine.

Alors pas aujourd’hui,

puisque, je le vois, ce n’est pas possible.

Demain peut-être ?

Ou après-demain ?

Ou plus tard encore ?

Ce n’est pas si important. »

 

À poser des exigences,

on suscite des crispations.

Les réticences, les résistances,

sont comme boostées.

 

Alors que,

lorsque l’on autorise ces réticences, ces résistances,

à être là,

souvent elles se dissipent comme une brume.

 

Le but de Jésus n’est pas de poser un rapport de force :

briser notre volonté pour imposer la sienne.

 

Jésus veut juste nous aider

à ne pas rester bloqués dans nos rigidités.

Apporter du jeu là où c’est figé.

Nous aider à nous mettre en marche.

 

À se bloquer sur les biens matériels

auxquels il faudrait renoncer,

on leur accorde une importance démesurée.

Ce qu’il faut voir, c’est surtout qu’il y a d’autres richesses :

celles que nous avons dans le ciel.

Cet amour de Dieu pour nous déjà tout simplement.

 

Et une fois que l’on s’est mis en route,

on découvre que le but est avant tout

une orientation, une visée

vers laquelle on avance à son rythme.

Et l’essentiel, c’est surtout

de ne pas le faire avec ses seules forces,

mais de toujours cheminer à deux.

 

Oui, ne pas avoir peur de dire :

« Viens à mon secours, Seigneur :

tout seul, je n’y arrive pas ! »

Et le Seigneur de répondre :

« Je suis là pour que tu t’appuies sur mon bras.

Lève les yeux vers mon visage.

Ainsi, tu verras que je te regarde.

Et que je t’aime. »

 

Amen