Vos lieux de culte Église 29

Bien-aimés, si Dieu nous a tant aimés,

nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres.

Personne n'a jamais vu Dieu.

Si nous nous aimons les uns les autres,

Dieu demeure en nous, et son amour est parfait en nous.

A ceci nous reconnaissons que nous demeurons en lui, et lui en nous :

c'est qu'il nous a donné de son Esprit.

Et nous, nous avons vu et nous témoignons

que le Père a envoyé le Fils comme Sauveur du monde.

Celui qui confesse que Jésus est le Fils de Dieu,

Dieu demeure en lui, et lui en Dieu.

Et nous, nous avons connu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru.

Dieu est amour ; celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu,

et Dieu demeure en lui.

1 Jean 4, 11-16

 

« Personne n’a jamais vu Dieu. »

 

Frères et sœurs,

c’est une évidence

que l’apôtre dit ici :

« Personne n’a jamais vu Dieu. »

 

Certaines personnes nous en font le reproche :

« Comment pouvez-vous croire

en quelqu’un ou en quelque chose

que personne n’a jamais vu ?

C’est juste une illusion.

Vous vous faites des idées.

Vous vous racontez des histoires.

Il faut grandir.

Il y a un âge auquel ce n’est plus normal

de croire au Père Noël ! »

 

On peut bien sûr répliquer

que personne n’a jamais vu

les ondes électro-magnétiques,

et que cela ne les empêche pas d’exister.

Mais on sent bien que la réponse

ne joue pas complètement.

 

Parce que, si personne n’a jamais vu Dieu,

nous avons tous une image de qui Il est

ou de qui Il devrait être.

Cela peut être l’image naïve

du vieux monsieur en chemise de nuit assis sur un nuage.

Ou alors l’image plus inquiétante

de deux yeux qui nous suivent en permanence

et qui voient tout ce que nous faisons,

et même tout ce que nous pensons.

 

L’image du policier qui fronce les sourcils

pour que nous ne fassions pas de bêtise.

Ou l’image du nounours en peluche

que l’on sert contre son cœur

quand on est triste ou quand on a peur.

 

L’affirmation de l’apôtre n’est pas aussi évidente

qu’il le semble.

« Personne n’a jamais vu Dieu »,

cela ne veut pas juste dire

que personne n’a jamais vu

le vieux monsieur en chemise de nuit

qui se promène sur les nuages.

Cela veut surtout dire

que nous ne savons pas

de quoi Dieu a l’air.

Que toutes les images

que nous nous faisons de Dieu

sont insuffisantes,

inadéquates,

fausses.

 

Bien sûr, nous avons tous vu

des dizaines de représentations de Dieu :

des dessins, des tableaux, ou même des films.

Un visage lumineux,

ou bien un tourbillon de couleurs.

Mais justement, ce ne sont que des images.

La réalité, c’est que « personne n’a jamais vu Dieu »

tel qu’Il est vraiment.

 

Peut-être tout simplement

parce que les yeux ne sont pas l’organe adéquat

pour le percevoir.

Ni non plus notre intelligence.

 

Peut-être tout simplement

parce que Dieu ne peut en aucun cas

être un objet d’étude ou de contemplation.

Rien à voir avec un mécanisme

que l’on pourrait démonter pour le comprendre.

Rien à voir avec un feu d’artifice

devant lequel on pourrait s’extasier.

 

Dieu n’est pas un objet qui nous serait extérieur.

Il ne nous est pas étranger.

Entre Lui et nous, il y a une proximité.

Une communion.

Un entrelacement.

Une symbiose tellement étroite

qu’il ne peut pas y avoir d’un côté un observateur

et de l’autre un observé.

 

Un auteur catholique

dit qu’il ne faut pas entendre le mot « Dieu »

comme un substantif, un objet,

mais comme un verbe,

un mouvement, un acte,

un geste.

 

Eh oui,

« personne n’a jamais vu Dieu. »

Ni avec un microscope.

Ni avec un télescope.

 

C’est d’une autre façon

que se joue le lien entre nous.

On dit parfois que Dieu nous est plus proche

que notre souffle,

que les battements de notre cœur.

L’apôtre, lui, dit :

« Personne n’a jamais vu Dieu ;

si nous nous aimons les uns les autres,

Dieu demeure en nous,

et son amour en nous est parfait. »

 

Non pas une sonde qui se baladerait dans notre corps.

Non pas un pacemaker tout près de notre cœur.

Non pas un implant dans notre cerveau.

Mais quelque chose de fluide

qui circule,

qui relie,

qui féconde,

qui vivifie,

qui fait qu’il n’y a pas des étrangers

les uns à côté des autres,

mais une proximité,

des frères, des sœurs,

qui se reconnaissent les uns dans les autres.

Un seul corps.

 

« Personne n’a jamais vu Dieu ;

si nous nous aimons les uns les autres,

Dieu demeure en nous,

et son amour en nous est parfait. »

 

Cela semble limpide.

Mais ça ne l’est pas.

Il est très facile de comprendre cette phrase de travers.

Le signe de la présence de Dieu,

ce serait des gens qui passent leur temps

à se sourire les uns aux autres.

Une petite bulle où tout le monde est sympathique.

Où tout le monde se regarde avec attendrissement.

 

C’est que, pour nous, l’amour,

c’est d’abord un sentiment.

On pourrait même dire que c’est LE sentiment par excellence.

Le plus beau. Le plus exaltant. Le plus fort.

Un idéal. Un rêve.

Le paradis dans le cœur.

 

Le monde de la Bible

est beaucoup moins sentimental que le nôtre.

Rien à voir avec Hollywood.

Du concret.

Du quotidien.

Du pragmatique.

 

Dans la Bible,

l’amour, ce n’est pas une émotion.

C’est un acte.

S’engager pour quelqu’un.

Faire du bien à quelqu’un.

 

L’amour,

c’est cette aide-soignante

qui met toute sa délicatesse

à changer les pansements de cette dame

qui lui dira tout le long

à quelle point elle est maladroite et incapable.

 

C’est cette personne qui demandera à sa voisine

comment ça va,

en sachant qu’elle en aura

pour une demi-heure de jérémiades

sur des broutilles sans importance.

 

L’amour, c’est prendre sur soi,

en sachant que l’on ne sera pas forcément récompensé

pour ses efforts.

 

S’aimer les uns les autres,

ce n’est pas avoir du plaisir à être les uns avec les autres.

C’est tout simplement déjà se supporter les uns les autres.

Accepter les défauts, les défaillances des uns et des autres,

et faire avec.

 

Non pas un monde idéal peuplé de gens parfaits.

Mais tous ces gens parfois agaçants et fatigants,

qui ne sont pas des étrangers,

qui sont des frères et des sœurs,

ma chair.

 

L’amour dont l’apôtre parle

n’a rien de bien attrayant.

Rien de spectaculaire.

Mais ce n’est pas son rôle.

 

Il ne s’agit pas de montrer aux autres

que nous sommes meilleurs qu’eux.

Juste faire sentir qui est notre Dieu :

une générosité qui ne cherche pas

à prouver quelque chose,

ou à susciter l’admiration.

 

Juste une attention, un engagement,

parce que l’autre n’est pas un étranger.

Il est une partie de moi-même.

Et s’il souffre, je souffre aussi.

Et s’il va bien, je vais bien aussi.

 

L’apôtre le dit bien : « Personne n’a jamais vu Dieu. »

Et pourtant Il n’est pas loin.

On peut Le rencontrer

dans la bienveillance d’un regard.

On peut aussi Le rencontrer dans son propre cœur

quand on oublie ses obsessions

pour partager, ne serait-ce qu’un instant,

les difficultés et les peines de ces prochains

que Dieu nous a donnés.

Ces prochains qui sont notre propre chair.

 

Amen