Dans un roman de Milan Kundera, une femme se demande se qui se passerait si son nez se mettait à s’allonger. À quel moment deviendrait-elle méconnaissable ?
Au cours des années, notre visage change. Parfois beaucoup. Mais nous avons toujours le même nom. Et c’est ainsi que l’on nous reconnaît. Les mots aident à s’orienter. Et c’est précieux, surtout quand la réalité évolue.
Mais, justement, il y a le revers de la médaille : puisque le nom reste le même, nous ne voyons pas que la réalité a changé.
Longtemps, une paroisse, c’était un clocher et les gens qui habitaient autour. Aujourd’hui, il y a toujours un territoire. Mais ce n’est plus qu’indicatif. Le lien est beaucoup moins clair. Beaucoup plus lâche aussi.
Quant au pasteur, que de changements dans son statut et aussi dans son emploi du temps en un demi-siècle ! Plus vraiment la même chose. Et pourtant toujours le même nom.
Il reste bien sûr une continuité. Mais est-ce vraiment cela qui l’emporte ou plutôt ce qui est différent ? Il est facile de fermer les yeux sur ce qui a disparu. Mais est-ce vraiment honnête ?
Une nouvelle appellation est rarement la bienvenue. Cela bouscule les habitudes. Mais en même temps, cela permet d’arrêter de se raconter d’histoires. Ne pas vivre dans un monde qui n’existe plus. Mais rester en prise avec la réalité. Cette réalité que Dieu a créée et où Il nous attend.
Il est tentant de se réfugier dans un monde bien balisé, rassurant. Seulement, ce n’est souvent qu’un rêve hors sol. C’est ici et maintenant que nous avons à répondre à l’appel qui nous a été adressés : aimer ce prochain souvent si déconcertant, mais tellement plus réel que mes fantasmes.
Pasteur Jean-Nicolas Fell