« Courage et confiance !» (18.08.24)
Lecture de Marc 10, 46-52 : Jésus guérit l'aveugle Bartimée
46Ils arrivent à Jéricho. Alors que Jésus sortait de cette ville avec ses disciples et une foule de gens, un aveugle appelé Bartimée, le fils de Timée, était assis au bord du chemin et mendiait. 47Quand il entendit que c'était Jésus de Naareth, il se mit à crier : « Jésus, Fils de David, prends pitié de moi ! » 48Beaucoup lui faisaient des reproches pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, prends pitié de moi ! » 49Jésus s'arrêta et dit : « Appele-le. » Ils appellent donc l'aveugle et lui disent : « Courage, lève-toi, il t'appelle ! » 50Alors il jeta son manteau, se leva d'un bond et vint vers Jésus. 51Jésus lui demanda : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L'aveugle lui répondit : « Rabbouni, ce qui signifie maître, fais que je voie de nouveau ! » 52Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t'a sauvé. » Aussitôt, il retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin.
Prédication « Courage et confiance !»
Résumé : A l’aveugle Bartimée qui crie son désespoir, Jésus envoie ses disciples qui lui disent « Courage, lève-toi ! », phrase qui peut aussi être traduite par « aie confiance ». « Courage et confiance », un message pour chacun·e en cette rentrée scolaire souvent mouvementée. Par ces mots, Jésus nous invite aussi à devenir des coopérateurs de guérison, des encourageurs pour la vie de celles et ceux qui sont arrêtés, aveuglés pour différentes raisons, sur le bord du chemin. Aider notre prochain à reprendre courage et reprendre confiance en Dieu, Lui qui ne nous abandonne jamais.
Prédication à écouter ici.
Chers frères et sœurs en Christ,
C’est quand la dernière fois que vous vous êtes sentis aveugle ou aveuglé·e ?
- Quand vous avez fait une dégustation à l’aveugle (« Je trouve ce vin totalement insipide, inodore, sans charpente et totalement dénué de caractère », « normal, lui répond son voisin voyant, vous avez pris le verre d’eau… »), et que vous vous êtes dit, comme le Chat : « dans une dégustation à l’aveugle, le plus difficile c’est de trouver… le tire-bouchon ! »
- Quand vous avez été amoureux, car c’est bien connu, l’amour rend aveugle…
- Et une dernière pour la route : Claire et Louis sont en couple, Claire est sourde, Louis aveugle, donc… Louis ne voit pas Claire et Claire a perdu Louis. » Voilà.
Bon… plus sérieusement… Parfois pas besoin d’être complètement aveugle pour se retrouver aveuglé, si vous voyez ce que je veux dire, parfois nous nous retrouvons à avancer « à l’aveugle ». Vous vous souvenez sûrement de la dernière fois où vous avez traversé votre maison, toute lumière éteinte, « à l’aveugle », et que vous vous êtes pris,
- la valise qui trainait au milieu du couloir
- les jouets de votre enfant (légos, petites voitures, jouet musical)
- le coin en bois du cadre de lit (trop bas pour vos mains)
- Les 3 le même soir
Évidemment, toute ressemblance avec un pasteur maladroit bien connu de l’assemblée est purement fortuite.
Oui être aveugle, c’est dangereux. L’aveugle a besoin d’aide, comme ici. Sans aide, l’aveugle est contraint·e de s’arrêter.
Moi aussi, j’ai été aveugle ces derniers mois et moi aussi j’ai été contraint de m’arrêter. Le 11 juin dernier, je sortais d’une semaine de 60 heures de travail, d’une mortifiante série noires de nuits insomniaques, d’innombrables moments à fleur de peau où un rien me faisait m’effondrer. Mais qu’est-ce qui ne va pas dans ma vie ? Je n’arrivais pas à voir l’évidence. J’étais comme aveugle, le nez dans le guidon, sans voir que j’allais me prendre… le mur. Un peu comme le hamster qui court dans sa roue, je courais sans ménager mes efforts, mais sans me rendre compte que j’avais pris une route dangereuse. Aveuglé par mon besoin de bien faire et de justifier mon travail par mes propres forces. Aveuglé aussi sur les limites entre vie privée et professionnelle devenues trop poreuses. Aveuglé sur mes propres fragilités et mon grand besoin de prendre soin de moi. Aveuglé sur mes trop nombreux engagements professionnels qui réduisaient sérieusement mon espace avec ma famille et aveuglé sur la priorité absolue de prendre soin d’elle. « Que veut Dieu pour ta vie ? », m’a demandé un ami de manière rhétorique. « Il veut que tu prennes d’abord soin de ta famille et de toi, bien avant ton ministère. » Bien sûr, je le savais. Comment n’avais-je pas vu que je faisais fausse route ?
Alors complètement épuisé, j’ai dit STOP. J’étais tombé, une seconde fois, après mon premier burn-out en décembre 2022. Reconnaissons-le, ce n’est jamais facile de se redécouvrir fragile et faible, avec la culpabilité pas loin. Pas facile d’accepter, comme me disait une choriste de MLK, que « souvent on se casse la gueule plusieurs fois » et que « ça prend du temps pour poser des nouvelles bases qui tiennent sur le long terme ». Même si je me souviens que c’est en se plantant qu’on peut pousser, pas facile d’accepter qu’on s’est planté et qu’on doit s’arrêter.
Bartimée, lui aussi, était à l’arrêt, à cause de sa cessité. En fait, tout le sépare de Jésus et la foule : alors que cette dernière est en mouvement, lui est à l’arrêt, assis, statique, au bord du chemin, en train de mendier. C’est l’exemple même de la marginalité : à l’arrêt, seul, dans un monde sans dynamique.
Et puis tout à coup Bartimée se rend compte que Jésus passe près de lui. Alors pour attirer son attention il crie très fort. Puis se lève, et se met en mouvement. Et qu’est-ce qui l’a mis en mouvement ? qu’est-ce qui a été le déclic ? Cette phrase des disciples pour lui : « Courage, lève-toi, il t'appelle ! »
Comme disait un collègue dans sa prédication de dimanche dernier sur Elie dans le désert, quand on est dans les problèmes, Dieu commence par nous demander un effort ! « Lève-toi ! » dit l’ange à Elie, alors que ce dernier n’en peut plus et veut mourir. Il ne dit pas : « oh mon pauvre chéri, je vais pleurer avec toi. » Il dit : « lève-toi », ne reste pas au fond du trou. Commence par te lever, après… on verra !
C’est exactement ce que Jésus demande aux disciples de faire : l’appeler, le faire se lever et venir vers lui. Cela peut sembler anodin, mais quand on est au fond du bac, c’est déjà énorme de se lever. Quand on est aveugle, c’est déjà énorme de faire deux pas.
Alors, le mot « courage » prend tout son sens. Le courage, c’est la force de caractère l’on trouve au-dedans de soi, elle qui permet d’affronter la difficulté de l’épreuve. C’est mobiliser ses ressources intérieures pour agir comme le dit son étymologie « selon le cœur », donc avec courage, persévérance, résilience.
Fait hautement intéressant, d’autres traductions écrivent « Confiance, lève-toi ». La confiance, c’est oser croire que la force pour se relever me sera donnée, qu’elle me vient d’ailleurs, de Dieu ! C’est « agir avec foi » (en l’autre, en soi, en Dieu…). Un collègue disait ceci : le courage me met en route, la confiance m'y maintient.
Alors bien sûr, les spécialistes du grec biblique me feront remarquer que le terme grec θαρσέω signifie « prendre courage », et ne contient a priori pas de notion de confiance. Ceci dit, lors des 7 utilisations de ce mot dans la Bible, nous remarquons qu’il est à chaque fois en lien avec la confiance : par exemple quand Jésus cherche à rassurer ses disciples qui le voient marcher sur l’eau, ou quand Jésus guérit un paralytique ou une femme qui perdait du sang…
Alors pourquoi pas… garder les deux ? « Courage et confiance ! » Courage et confiance… qui permettent finalement à Bartimée d’être guéri et de devenir disciple du Christ ! Courage et confiance pour se remettre en mouvement, et guérir de nos aveuglements. Courage et confiance qui conduisent Bartimée, jetant son manteau, à une vie nouvelle à la suite du Christ. Oui cette rencontre avec le Christ nous invite comme Bartimée à placer notre confiance en d’autres sécurités que les sécurités humaines. Elle nous invite à ne plus compter uniquement sur nos propres forces, mais à mettre notre courage et notre confiance en un Autre, en ce Dieu libérateur et guérisseur.
Surtout, ce récit nous invite à être acteur ou actrice de notre vie (c’est bien pour cela que Jésus pose la question évidente : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »). Oui chers frères et sœurs, dès ce matin, avec l’aide du Christ, nous pouvons tous cesser d’être aveugles, et choisir le chemin du renouveau et de la vie. Et comme Bartimée, nous pouvons nous engager à la suite de Jésus. Alors bien sûr, le chemin avec Christ n’est pas un chemin où la souffrance ou les difficultés n’existent pas. Non c’est un chemin de courage et de confiance, où nous sommes actrice et acteur de notre vie avec le Christ !
Oui ce matin nous recevons ces paroles pour nous, pour notre rentrée en cette fin d’été, pour les difficultés qui nous attendent, pour les souffrances de nos vies, pour nos aveuglements : Courage et confiance ! Avec Christ, un chemin de vie nouvelle est possible !
Mais vous avez remarqué, ce n’est pas Jésus qui dit « courage », ce sont les disciples. Oui ici les disciples sont des coopérateurs de guérison, qui encouragent et ouvrent sur la confiance. Nous aussi, chers frères et sœurs, nous aussi sommes appelés à partager autour de nous « Courage et confiance » à ceux qui sont sur le bord du chemin, ceux qui souffrent, ceux qui sont aveuglés.
« Courage et confiance », un message donc chers frères et sœurs, à recevoir et partager autour de nous, si j’ose dire, aveuglément.
Amen.